Economie

RELANCE ÉCONOMIQUE

Que vaut le plan de relance pour la culture ?

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 17 septembre 2020 - 886 mots

PARIS

Le gouvernement annonce un « effort » de 2 milliards d’euros pour la Culture. Un effort dont on ne pourra réellement prendre la mesure qu’avec le projet de loi de finances pour 2021.

© Le Château de Versailles / Photo Christian Millet, 2010
Le Château de Versailles
Photo Christian Millet
© Château de Versailles

Les montants annoncés pour les plans de relance donnent le tournis : 750 milliards d’euros en provenance de l’Europe, 100 milliards pour l’Économie en France, 2 milliards pour la Culture. Les chiffres impressionnent et veulent créer un effet de choc destiné à redonner confiance aux particuliers et aux agents économiques.

Pour autant, le gouvernement a un peu tendance à tout mettre dans le même sac, subventions et prêts, aides en fonds propres et garanties de prêt. Le plan de relance pour la Culture prête aussi à une certaine confusion : sera-t-il financé, en 2021, sous la forme d’un budget supplémentaire au budget « habituel » de la Culture, ou par des transferts entre programmes à périmètre sensiblement équivalent ?

Un budget sur deux ans

Le ministère de la Culture a indiqué au Journal des Arts que ce sera un budget additionnel sur deux ans. Dont acte, confirmation sera donnée fin septembre avec la présentation du projet de loi de finances pour 2021 (PLF 2021). Dans cette hypothèse, ce serait 1 milliard d’euros qui serait ajouté au budget des « missions » bénéficiaires du plan de relance, qui était de 3,69 milliards en 2020. En réalité 8,2 milliards d’euros, si l’on prend en compte le budget du livre, du cinéma (via le Centre national du cinéma) et de l’audiovisuel, mais ces trois secteurs sont proportionnellement moins dotés dans le plan de relance. Donc, en gros, un quart de budget annuel octroyé en plus… ce n’est pas rien !

La répartition des aides indique en creux quels sont les secteurs les plus pénalisés par la crise, ou ceux que le gouvernement estime devoir être les plus aidés. Étonnamment, le secteur le plus aidé proportionnellement à son budget habituel est celui des musées, plus précisément les grands opérateurs nationaux. Ils vont recevoir 334 millions d’euros (sur deux ans donc), rapportés à des crédits de paiement en 2020 (pour une seule année) de 350 millions. Cette somme va servir à éponger les dettes des grands musées ou châteaux nationaux d’Ile-de-France (Louvre, Orsay, Château de Versailles..) lourdement pénalisés par l’absence de touristes étrangers et la chute de recettes commerciales qui en résulte. Cette aide massive est justifiée « par leur rôle essentiel en termes de rayonnement international et d’attractivité de la France », un argument un peu surprenant quand on sait que les touristes viennent plus pour les collections permanentes – qui ne se sont pas évaporées avec le Covid-19 – que pour les expositions temporaires. En revanche, aucun montant n’est annoncé pour compenser les pertes d’exploitation des musées en régions, il est vrai moins affectés que leurs confrères parisiens et surtout financés principalement par les collectivités locales.

Les monuments historiques arrivent en deuxième position lorsqu’on rapporte les chiffres du plan de relance (280 M€) au budget (445 M€). Ici, il s’agit aussi de compenser les pertes de recettes sur la billetterie (via le Centre des monuments nationaux), mais également d’entreprendre – si l’on a bien compris – de nouveaux travaux de restauration, au motif de leurs externalités positives (cela donne plus d’activité aux entreprises de restauration). Une enveloppe de 80 millions d’euros est offerte pour un plan de restauration des cathédrales (hors Notre-Dame de Paris) tandis que le grand projet du président, la rénovation du château de Villers-Cotterêts (Aisne) va bénéficier d’un coup de pouce de 100 millions d’euros.

Paradoxalement, alors que la musique, la danse, le théâtre et l’opéra sont sinistrés, ils reçoivent – relativement à leur dotation habituelle – moins d’argent que le patrimoine : 426 millions d’euros pour un budget de 817 millions. Il est vrai que les salles de concert, scènes et festivals bénéficient depuis le 1er septembre d’un « nouveau mécanisme de compensation des pertes d’exploitation liées à la persistance de mesures de distanciation » doté de 100 millions d’euros. De sorte qu’avec 526 millions le spectacle vivant est presque aussi aidé (proportionnellement) que les monuments.

30 millions d’euros pour des commandes publiques à de jeunes créateurs

Les arts visuels et les écoles relevant de la Culture ne sont pas oubliés. Une enveloppe de 6 millions d’euros est allouée aux arts visuels pour « soutenir l’emploi » tandis que le « grand programme de commandes publiques pour les jeunes créateurs » qu’Emmanuel Macron avait annoncé lors de sa visioconférence du 6 mai avec des artistes (celle où Franck Riester a été brocardé pour avoir fait de la figuration à côté d’un président perché sur les hauteurs) est doté de 30 millions d’euros. Une belle somme, mais que les arts plastiques devront partager avec le spectacle vivant, la musique, la littérature…, ce qui la ramènera sans doute à un montant aux alentours de 5-6 millions d’euros. Les écoles d’art et d’architecture vont bénéficier d’un budget de 70 millions d’euros pour la rénovation de leurs bâtiments.

Enfin la presse, le livre, le cinéma et l’audiovisuel vont recevoir 428 millions d’euros en complément des mesures transversales qui concernent toutes les entreprises. Des aides en partie en trompe-l’œil pour la presse puisqu’une grande partie des fonds visent à renflouer la messagerie Presstalis (Le Journal des Arts est distribué par son concurrent MLP), soutenir les imprimeries et stimuler les abonnements de la presse d’information politique et générale (dont ne relève pas Le Journal des Arts).

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°551 du 18 septembre 2020, avec le titre suivant : Que vaut le plan de relance pour la culture ?

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