Église - Justice

La justice valide le marché des vitraux de Notre-Dame

Par Pierre Noual, avocat à la cour · lejournaldesarts.fr

Le 1 décembre 2025 - 550 mots

Le tribunal administratif de Paris a débouté l’association Sites & Monuments qui
contestait la légalité du marché public.

Travaux préparatoires des vitraux réalisés par Claire Tabouret pour la cathédrale Notre-Dame de Paris. © Claire Tabouret / Galerie Perrotin © Adagp Paris 2025
Travaux préparatoires des vitraux réalisés par Claire Tabouret pour la cathédrale Notre-Dame de Paris.
© Claire Tabouret / Galerie Perrotin
© Adagp Paris 2025

À la suite de l’incendie qui a ravagé la cathédrale Notre-Dame de Paris en 2019, le souhait du Président de la République et de l’Église de réaliser un geste contemporain dans la cathédrale Notre-Dame de Paris restaurée soulève l’ire de certains défenseurs du patrimoine. En dépit d’un avis négatif de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, émis en juillet 2024, l’artiste Claire Tabouret a remporté le marché public dédié à la réalisation de 6 nouveaux vitraux contemporains.

Le 27 novembre 2025, le tribunal administratif de Paris a confirmé la légalité de ce marché qui avait été contesté par l’association Sites & Monuments et Jean-David Jumeau-Lafond – un donateur à la souscription nationale dont l’intérêt à agir a été rapidement écarté. Sur le fond l’association soutenait que l'installation des vitraux contemporains ne constituait pas une opération de « conservation » ou de « restauration » au sens des missions confiées par la loi du 29 juillet 2019 à l’établissement public en charge de Notre-Dame.

Or le droit du patrimoine culturel ne définit pas ces termes et se sert davantage de la technique de la « notion-cadre » ou de « notion à contenu variable » permettant une liberté d’interprétation suffisamment extensive. En conséquence le tribunal a estimé que « les termes de “conservation” et de “restauration” n'impliquent pas un retour au dernier état visuel connu avant l'incendie […] et n'excluent pas la possibilité d'une démarche architecturale telle que prévue par le marché de réalisation et de pose de vitraux contemporains ». Le marché public n’ayant donc pas été signé par l’établissement public en dehors de ses missions, le tribunal a rejeté la requête de Sites & Monuments. Celle-ci a indiqué son intention de saisir la Cour administrative d’appel de Paris.

Au-delà les « anti-vitraux contemporains » sont également déboutés sur deux points qu’ils mettent souvent en avant. Le premier réside dans le fait que l’avis négatif de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture est pour les magistrats « non contraignant et ne peut ainsi être utilement invoqué ». Le second tient à ce que la Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites de 1964, dite « charte de Venise », est dépourvue d'effet direct en droit interne. En effet « si elle peut éclairer la définition des termes de "conservation" et de "restauration", ces définitions, qui ne s'imposent pas au législateur, ne sauraient être invoquées pour en éclairer le sens et la portée, dès lors que le législateur ne s'en est pas approprié les termes ».

La première manche de cette querelle des vitraux a été remportée par l’établissement public mais la bataille n’est pas terminée. Au printemps 2026, l’autorisation de travaux devrait être délivrée et l’association a déjà précisé qu’elle la contesterait. Une action qui n’est pas sans rappeler celle intentée à Daniel Buren lors des travaux de ses « Colonnes » dans la cour d’honneur du Palais Royal, classée au titre des monuments historiques. Le 28 décembre 1992 le Conseil d’État avait validé les travaux car les « modifications autorisées [n’avaient] pas eu pour effet de rendre le classement sans objet et [n’étaient] pas l’équivalent d’un déclassement ». Quelle que soit l’issue de ce prochain épisode, les vitraux de Claire Tabouret permettront de clarifier cette jurisprudence qui est tenue pour acquise en doctrine.

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