Spécial Covid-19 - Société

Ce que Laurent Grasso a dit à Emmanuel Macron 

Par Anne-Cécile Sanchez · lejournaldesarts.fr

Le 11 mai 2020 - 559 mots

PARIS

Laurent Grasso revient sur sa participation à la visioconférence organisée mercredi 6 mai par l’Élysée.

Confiné au fin fond de la campagne normande, Laurent Grasso faisait partie des treize artistes invités à la réunion à distance voulue mercredi dernier par le chef de l’État dans un geste adressé au monde de la culture. Il était le seul représentant des arts visuels au milieu d’un aéropage de réalisateurs, musiciens, comédiennes, mais aussi d’un directeur de théâtre, d’une chorégraphe, d’un écrivain et d’une circassienne. 

Le plasticien n’est pas étranger aux allées du pouvoir. Auteur du film Élysée (2016) tourné pendant le mandat de François Hollande et qui en montrait le cadre esthétique, Laurent Grasso a déjà eu, au moins à deux reprises, la possibilité d’échanger avec Emmanuel Macron. À l’occasion de la 21e Biennale de Sydney, en 2018, il avait en effet voyagé dans l’avion présidentiel, et avait été convié, en octobre de cette même année, à la soirée qui s’était tenue pendant la Fiac dans les salons élyséens, rassemblant quelques personnalités du monde de l’art contemporain.

Accepter cette nouvelle sollicitation, c’était, il en est conscient, s’exposer aux soupçons de jouer le jeu du pouvoir. Jugeant cependant que « c’était une invitation qui ne se refusait pas », Laurent Grasso a disposé comme les autres participants de « cinq à dix minutes sans être interrompu », pour s’exprimer en « présence » du ministre de la culture, Franck Riester, du ministre de l’économie Bruno Lemaire, et de la ministre du travail Muriel Pénicaud. « Le président prenait des notes et écoutait ».

Qu’a-t-il souhaité dire pendant le temps de parole qui lui était imparti ? D’abord, « il y a encore un énorme effort pédagogique à faire pour que le public français nous connaisse mieux et comprenne ce qu’est un artiste, quel est son rôle, comment il travaille », a-t-il fait valoir, en soulignant : « il s’agit d’une profession très risquée, puisqu’un artiste ne perçoit aucune indemnité de chômage ». Laurent Grasso assure avoir également tenté de se faire l’écho « de demandes de changements relatives à l’harmonisation du statut d’auteur, afin de faciliter les dispositifs les concernant ».

Il s’est ensuite livré à un rapide état des lieux de l’art contemporain en période de pandémie, rappelant que dans un contexte où les expositions sont reportées ou annulées et les galeries fermées, les artistes, très dépendants des échanges internationaux, sont privés de sources de revenus. Il a également évoqué la situation des musées : « les galeries les aident beaucoup à produire les expositions, et ne vont plus pouvoir le faire », tout comme la possibilité « de stimuler le marché de l’art ».

En dehors de ces considérations concrètes, il a également voulu défendre « le rôle de l’artiste comme celui d’un chercheur, quelqu’un qui pense le monde, que l’on peut consulter, associer. Il faut en finir avec la caricature de l’artiste dans sa bulle ». À l’appui de cette assertion, Laurent Grasso a présenté rapidement le sujet du film auquel il travaille ces jours-ci, en réponse à une commande du musée d’Orsay pour l’exposition « L’invention de la nature au siècle de Darwin ». « C’est un film qui tente de saisir les mutations et métamorphoses du paysage, là où les accélérations du processus lié à l’ère post-anthropocène sont le plus visibles », explique-t-il. « Un artiste se doit de capter les vibrations du monde ». Et, en dix minutes chrono, l’attention de son interlocuteur ?

Cet article a été publié vendredi 8 mai à 11h07

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