Italie - Politique

POLITIQUE CULTURELLE ITALIENNE

Les premiers pas inquiétants du nouveau ministre de la Culture italien

Par Olivier Tosseri, correspondant en Italie · Le Journal des Arts

Le 16 décembre 2022 - 696 mots

ITALIE

Gennaro Sangiuliano multiplie les propos polémiques et les propositions inappropriées, en complète rupture avec son prédécesseur.

Gennaro Sangiuliano. © Ministero dei beni culturali
Gennaro Sangiuliano.
© Ministero dei beni culturali

Rome. En finir avec l’« hégémonie culturelle de la gauche et avec le sentiment d’infériorité de la droite », c’est la mission que s’est fixée le nouveau ministre de la Culture du gouvernement nationaliste de Giorgia Meloni. Gennaro Sangiuliano, un journaliste proche de la droite radicale, entend mettre aux archives « l’ère [Dario] Franceschini ». Il lui sera difficile pourtant de faire oublier son prédécesseur, incarnation d’une intelligentsia progressiste cultivée, en poste pendant une durée record de sept ans sous quatre gouvernements différents. La droite souverainiste qui vient d’arriver au pouvoir fustige « les salons de la gauche caviar aux ambiances feutrées » et lui préfère l’éclat des plateaux de télévision. Dans tous les sens du terme puisque le nouveau ministre est l’ancien directeur du journal télévisé de Rai 2 tandis que le sous-secrétaire d’État à la Culture, Vittorio Sgarbi, est un historien de l’art connu pour ses frasques médiatiques. Gennaro Sangiuliano vient de placer à la tête du Maxxi, le Musée national des arts du XXIe siècle à Rome, un autre journaliste, Alessandro Giuli, proche de Giorgia Meloni, novice en ce domaine mais accoutumé aux talk-shows.

L’écran, petit ou grand, semble ainsi être la priorité du ministre de la Culture qui, à peine nommé, enjoignait à la Rai de produire des fictions en l’honneur des journalistes Indro Montanelli et Oriana Fallaci pour « présenter une pensée de droite forte et faisant autorité que la gauche a toujours voulu cacher ». Oubliant que le service public avait déjà consacré un film à l’essayiste et journaliste italienne connue pour ses prises de position conservatrices. Son intention d’instituer un fonds de 10 millions d’euros pour financer une réduction de 3 euros sur les prix des billets de cinéma et faire ainsi retourner les spectateurs dans les salles n’a pas eu plus de succès. Une somme bien trop modeste pour un secteur en crise puisque cette enveloppe aurait été à peine suffisante pour deux semaines.

« Un Italien au Louvre »

Faute de briller par leurs propositions, le ministre et son sous-secrétaire multiplient les coups d’éclat. Vittorio Sgarbi, qui se rêvait ministre de la Culture, s’érige en pourfendeur des « éoliennes qui représentent un viol pour le paysage comparable à celui des enfants ». Le jour même de la première à La Scala, rendez-vous incontournable du milieu culturel de la Péninsule, il se plaignait que le théâtre milanais, dont le surintendant est le Français Dominique Meyer, « soit dirigé par un étranger alors qu’il devrait avoir un directeur italien ». Le principal intéressé, « blessé » par ces propos, a rappelé qu’il travaille en Italie depuis plus de trente ans. « La nationalité m’importe peu », a temporisé Gennaro Sangiuliano qui aimerait néanmoins « un Italien à la tête du Louvre ».

En attendant de prendre d’assaut le musée parisien, il a tenté de mettre à bas une des mesures phares de l’« honni Franceschini » : le « Bonus cultura » qui a inspiré le Pass culture d’Emmanuel Macron. Il était envisagé de le supprimer, mais, face à une levée de boucliers, le bonus sera maintenu tout en étant conditionné aux revenus des familles des bénéficiaires. Au-delà des polémiques qui émaillent ses premières semaines à la tête du ministère, Gennaro Sangiuliano s’est expliqué devant la commission culture du Parlement le 1er décembre. « On peut penser à une stratégie à long terme qui conduirait certains grands musées à ouvrir de nouveaux espaces d’exposition même dans d’autres villes, a-t-il déclaré. Cela permettrait de valoriser les 5 millions d’œuvres dans les réserves des musées, alors que seulement 480 000 sont exposées actuellement. On pourrait faire les “Offices 2” à Florence ou ailleurs en Toscane ou dans le monde comme l’ont fait le Louvre à Abou Dhabi ou le Centre Pompidou à Metz. »

Les Offices ont également été cités pour le prix trop bas du billet d’entrée, 12 euros, comparé à celui de Versailles, de la tour Eiffel ou du Parthénon. Il ne s’est en revanche pas attardé sur la polémique avec le directeur du musée florentin, l’Allemand Eike Schmidt, qui réclame plus de personnel dans les musées italiens sous peine de devoir les fermer plus souvent au public. Un avis partagé par tous ses collègues…. aussi bien étrangers qu’italiens.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°601 du 16 décembre 2022, avec le titre suivant : Les premiers pas inquiétants du nouveau ministre de la Culture italien

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