Italie - Musée

Entretien

Le directeur des musées nationaux italiens fait le bilan de son action 

Massimo Osanna, directeur général des musées nationaux italiens : « Les musées italiens doivent collaborer avec les acteurs privés »

Par Olivier Tosseri, correspondant en Italie · Le Journal des Arts

Le 3 octobre 2023 - 1000 mots

Massimo Osanna encourage la collaboration privé-public pour permettre l’entretien et la valorisation d’un immense patrimoine muséal dont la préservation est extrêmement coûteuse.

Massimo Osanna. © Cesare Abbate
Massimo Osanna.
© Cesare Abbate

Italie. L’archéologue Massimo Osanna est, depuis 2020, le directeur général des musées nationaux, en Italie. Après des études de lettres classiques, il obtient un doctorat en archéologie gréco-romaine à l’université de Pérouse. De 2002 à 2007, il fait partie du comité de direction de l’école spécialisée d’archéologie de l’université de Basilicate, avant d’en être le directeur de 2009 à 2014. Il est nommé cette année-là surintendant spécial pour sauver le site de Pompéi en danger. Le succès de sa mission lui assure la reconnaissance de la communauté scientifique et une grande notoriété auprès de l’opinion publique italienne.

La réforme Franceschini octroyant une large autonomie aux grands musées italiens a été adoptée il y a dix ans. Quel bilan en tirez-vous ?

Massimo Osanna : Il est extrêmement positif comme le prouvent les résultats affichés par les musées qui en ont bénéficié. Les plus emblématiques comme les Offices de Florence ou le Colisée à Rome, mais aussi ceux de Tarente, de Reggio di Calabria ou le palais ducal d’Urbino ont tous connu un nouvel élan. Le nombre de visiteurs a doublé en moyenne et l’offre proposée au public s’est considérablement enrichie. Les musées ne sont plus des lieux que l’on visite une seule fois et essentiellement réservés au tourisme ; ils sont devenus des lieux de référence pour la population locale, de véritables carrefours culturels avec non seulement des expositions mais aussi des activités et des performances.
Prochainement, le nombre de musées autonomes augmentera pour passer de 44 à 60. Cela concernera notamment les palais historiques de Viterbe, la villa Lante, le Musée archéologique de Florence, les villas Médicis en Toscane ou encore le Palazzo Farnese à Caprarola. Le recrutement des directeurs sera lancé au mois d’octobre.

Les actuels directeurs étrangers ne seront pas confirmés. Comment réagissez-vous à la polémique sur la commission chargée de désigner leurs remplaçants ?

M.O. : La commission est composée de juristes et de spécialistes du management. Les musées sont des lieux de culture, mais ils doivent être gérés et exprimer leur énorme potentiel économique et social. Il ne s’agit pas simplement d’augmenter les recettes de la billetterie mais d’en faire un levier de développement pour les régions où ils se trouvent.
En ce qui concerne la nationalité des directeurs, ce n’est pas du tout la fin de la présence des étrangers à la tête des grandes institutions culturelles. Le ministre estime simplement qu’il est étrange qu’avec tous les talents que nous avons en Italie les plus grands musées soient dirigés par des étrangers. Il conviendrait juste de plus équilibrer les nominations. Comme il aime le répéter : un Italien pourrait-il diriger le Louvre ? Eike Schmidt à la tête des Offices de Florence, par exemple, est une personne compétente qui pourra parfaitement diriger un autre musée dans la Péninsule. C’est le cas aussi pour ses autres confrères étrangers.

Quels sont les trois principaux défis que les musées italiens doivent affronter ?

M.O.Le premier est la numérisation. C’est fondamental car il faut faire entrer de très nombreux musées dans le monde contemporain. L’un de mes principaux chantiers est ainsi la création d’une grande plateforme numérique nationale. Nous avons lancé l’application « Musei Italiani » qui récolte les informations actualisées en temps réel de 130 des 460 musées nationaux. D’ici quelques mois, ils en feront tous partie.
L’autre défi est celui de l’accessibilité. Pas seulement physique pour les personnes handicapées. Les musées doivent être accessibles à tous les types de public, être des lieux accueillants qui parlent à tout le monde et pas uniquement aux spécialistes. Ça a été longtemps la grave erreur des musées archéologiques qui utilisaient un langage inadéquat pour s’adresser au plus grand nombre.
Le troisième défi est celui de l’ancrage sur le territoire. Les musées ne constituent pas simplement un réseau entre eux mais doivent collaborer avec toutes les institutions locales. Mais aussi avec les acteurs privés. Les partenariats privé-public, y compris pour la gestion, ne doivent ni être un tabou ni faire peur. Notre patrimoine est immense et a besoin d’un entretien qui est extrêmement coûteux. Trop de lieux sont à l’abandon qui pourraient être confiés en concession à des acteurs privés pour les sauver et les valoriser.

Quelles sont vos perspectives budgétaires pour l’année prochaine ?

M.O.J’ai déjà demandé beaucoup plus de ressources au ministre de la Culture. Je souhaite 50 millions d’euros pour ma priorité qui est la restauration programmée du patrimoine. Elle n’existe pour l’instant que pour des grands sites comme Pompéi avec une équipe de 70 personnes (restaurateurs, architectes, ingénieurs…) indispensables pour des interventions préventives. Ce modèle doit être généralisé. Sans restauration, nos sites archéologiques tombent littéralement en lambeaux. Je veux aussi plus de fonds pour approfondir la recherche scientifique au sein des musées et augmenter le nombre de fouilles archéologiques. Je gère enfin un fonds alimenté par 20 % des recettes des grands musées. Le nombre de leurs visiteurs ayant augmenté cette année nous aurons 25 % de ressources financières supplémentaires par rapport à 2019. Cela permettra de soutenir les musées plus modestes.

Quelle est votre position sur les restitutions d’œuvres d’art ?

M.O.J’ai ouvert une table ronde sur ce sujet et un comité a été créé au sein du Musée des civilisations à Rome qui a déjà entrepris de recenser et de cataloguer de manière minutieuse les collections de l’ancien musée colonial italien. Il est impératif de savoir de quels objets on parle et comment ils sont arrivés dans nos collections : achat, don, spoliation… Une activité diplomatique pourra ensuite être menée avec les pays concernés. J’estime que tout objet acquis par la violence coloniale doit être restitué. C’est évidemment le cas des bronzes du Bénin. Mais il ne faut pas verser dans le politiquement correct. On doit être attentif à la façon dont ces objets seront ensuite conservés et exposés dans leur pays d’origine. Les restitutions ne doivent pas être envisagées de manière générale mais au cas par cas.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°617 du 22 septembre 2023, avec le titre suivant : Massimo Osanna : « Les musées italiens doivent collaborer avec les acteurs privés »

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