RÉTROSPECTIVE 2025

2025, les temps forts

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 11 décembre 2025 - 2530 mots

Dans un contexte d’incertitudes géopolitiques, de fragilité économique et d’instabilité gouvernementale, l’année écoulée aura vu la France et le monde du patrimoine et de la création naviguer entre crises, réouvertures ambitieuses et bouleversements technologiques.

L’année 2025 ressemble fort à l’année 2024 avec cependant quelques inflexions notables dans certains secteurs. Malgré les discussions diplomatiques, la guerre que mène la Russie contre l’Ukraine ne semble pas trouver d’issue. Au Proche-Orient, si le conflit dans la bande de Gaza a baissé en intensité après le cessez-le-feu du 10 octobre et la libération des otages enlevés par le Hamas, rien n’est réglé sur le fond et les frappes israéliennes ont continué dans les territoires occupés. Le président américain Donald Trump, réélu en novembre 2024 et investi en janvier 2025, est au centre de ce jeu diplomatico-militaire. Mais pas seulement. Son imprévisibilité apparente, son narcissisme exacerbé, son absence de morale conduisent la première puissance économique et militaire dans le monde à prendre des décisions fondées sur le seul rapport de force.

Ainsi, les allers et retours sur les hausses des tarifs douaniers, au gré des négociations avec les pays importateurs, désorganisent les flux économiques mondiaux. Le marché de l’art, qui n’avait pas besoin de cela pour affronter un cycle toujours aussi bas, semble cependant avoir repris des couleurs à l’occasion des grandes ventes d’automne d’art moderne et contemporain. Mais cette embellie a besoin d’être confirmée. En France, la foire Art Basel Paris a aussi montré quelques signes encourageants, dont l’amplitude reste pourtant indéterminée en raison de l’opacité qui règne sur les transactions réelles.

L’instabilité politique française perdure en 2025 et ce sera le cas sans doute encore en 2026. Conséquence de cette instabilité, les agences Fitch et S&P ont dégradé la note de la France, contribuant à augmenter un peu plus la charge de la dette qui devrait passer de 55 à 77 milliards d’euros, soit vingt fois le budget de la mission « Culture » qui est annoncé en baisse pour 2026… si un budget est enfin voté !

Ce contexte défavorable n’a pas empêché la réouverture de plusieurs musées, Frac (Fonds régionaux d’art contemporain) ou centres d’art au terme de travaux d’agrandissement parfois spectaculaires. Le total des montants engagés pour leur rénovation est cependant encore très loin du 1,2 milliard d’euros (fourchette basse) estimé par le Louvre pour financer ses travaux de modernisation et d’agrandissement. Une somme qui fait débat après le spectaculaire braquage qui a montré la nécessité urgente de travaux de sécurité.

Dans le nouveau monde qui est en train de se dessiner, où la prédominance de ce qu’on appelait jadis l’Occident est remise en cause par la Chine et les autres puissances émergentes, un nouvel acteur a fait une entrée fracassante : l’intelligence artificielle (IA). Les IA génératives sont en train de révolutionner de nombreux métiers intellectuels sans que l’on mesure encore l’ampleur de cette révolution. Les auteurs, artistes, éditeurs, et de manière générale tous les producteurs de contenus numériques commencent à s’organiser pour obtenir une juste rémunération de leurs droits d’auteur ou droits voisins volés.

20 janvier - Trump lance son offensive contre le secteur culturel

États-Unis.À peine intronisé, le président américain publie un décret mettant fin aux programmes de DEI (« diversité, équité, inclusion ») incitant les administrations et entreprises à promouvoir l’égalité des chances pour les minorités (ethniques, sexuelles…). Il fait supprimer tout financement d’expositions qualifiées de « woke » dans les musées fédéraux (Smithsonian Institution), écarte les directeurs qui ne lui conviennent pas et coupe les budgets des deux agences culturelles fédérales, le National Endowment for the Arts et l’Institute of Museum and Library Services. Alors que les musées fédéraux sont fermés en raison du plus long shutdown de l’histoire (absence de vote du budget fédéral par le Congrés), il entreprend de détruire l’aile est de la Maison Blanche afin d’y construire une grande salle de réception. Et, de même qu’au cours de son premier mandat, il retire les États-Unis de l’Unesco. Pourtant, face à cette tornade qui s’abat sur le secteur culturel (sans parler de la hausse des tarifs douaniers dont on a encore du mal à évaluer l’impact sur le marché de l’art), les campus et le camp démocrate restent inertes. Seule la justice semble en état de freiner les initiatives débridées du président Maga (« Make America Great Again »).

28 janvier - Macron annonce la « Nouvelle Renaissance » du Louvre

Paris. En tenant à présenter lui-même son grand chantier de rénovation du Louvre, le président de la République n’imaginait pas que le braquage dans la galerie d’Apollon (lire p. 21) quelques mois plus tard et le rapport de la Cour des comptes sur le musée publié le 6 novembre allaient braquer les projecteurs sur ce projet. C’est d’ailleurs à ce moment-là seulement qu’a été connu le coût du schéma directeur des travaux de « Louvre Demain », estimé à 481 millions d’euros, et celui de l’ouverture d’une nouvelle entrée à l’est conjuguée à la création de salles en sous-sol pour y accueillir La Joconde (projet « Louvre-Grande Colonnade ») estimé, lui, à 667 millions d’euros. D’après la Cour des comptes, malgré les potentielles futures recettes engendrées par la tarification différenciée pour les touristes non européens (annoncée le 27 novembre), le compte n’y est pas et les magistrats invitent le musée à repousser le chantier de la nouvelle entrée. Pour financer les travaux d’agrandissement, le Louvre mise beaucoup sur le mécénat, en particulier celui des grandes marques de luxe qui bénéficieraient de la nouvelle ouverture à l’est.

6 mars - IA : auteurs et éditeurs assignent Meta en justice

France. Deux ans et demi après le lancement de ChatGPT, et à sa suite de nombreuses autres IA génératives comme Perplexity, Gemini ou Midjourney, les auteurs, artistes et éditeurs comprennent que ces IA se sont massivement entraînées à partir de leurs contenus sans leur autorisation et reproduisent une grande partie de leurs archives et bases de données, mettant en péril leur propre modèle économique. Le Syndicat national de l’édition (SNE), la Société des gens de lettres (SGDL) et le Syndicat national des auteurs et des compositeurs (Snac) intentent alors une action en justice devant le Tribunal de Paris contre Meta Platform Inc (Facebook, Instagram) et son IA générative Llama. La route judiciaire est encore longue avant une décision de justice, mais d’autres organisations professionnelles fourbissent déjà leurs armes. En novembre entre en vigueur une des premières mesures contraignantes de l’« AI Act » (le règlement européen sur l’intelligence artificielle adopté en mars 2024) pour les IA génératives, l’obligation pour les fournisseurs ou fabricants de ces systèmes de publier une documentation détaillée sur leurs données d’entraînement.

14 mars - Centres d’art et Frac se rénovent et se démultiplient en régions

France. Malgré les difficultés économiques du moment, de nombreux centres d’art et Frac ont pu terminer les travaux de rénovation entrepris. C’est d’abord le centre d’art Le Lait à Albi (Tarn) qui retrouve, après des années d’itinérance, un lieu pérenne, dans une ancienne école réhabilitée, pour un coût de 2 millions d’euros. Puis, en mai, c’est le Frac-Artothèque Nouvelle-Aquitaine qui inaugure ses nouveaux espaces en plein centre de Limoges dans une ancienne halle industrielle du XXe siècle [ci-dessous]. Signe des temps et de l’accent mis sur la convivialité, les visiteurs y entrent par un espace café. En juin, le Creux de l’Enfer, à Thiers, retrouve son public dans son bâtiment singulier qui abritait autrefois une coutellerie et a donné son nom au centre d’art. La commune a financé la moitié du chantier, pariant sur l’attractivité du site auprès des touristes du Puy-de-Dôme. Au même moment, le Frac Franche-Comté inaugurait une antenne dans une villa ancienne d’Arc-lès-Gray (Haute-Saône), en zone rurale, afin d’affirmer son rôle de diffuseur de l’art contemporain sur tout le territoire.

22 mars - Le MUDO-Musée de l’Oise, premier des musées à rouvrir en 2025

France.À Beauvais, la réouverture du Mudo-Musée de l’Oise inaugure une série de chantiers muséaux livrés au cours de l’année. Après dix-huit mois de travaux et 3,8 millions d’euros investis, le palais épiscopal rouvre ses trois niveaux : restitution du second étage fermé depuis 1997, réaménagement complet du parcours XIXe-XXe siècle. En septembre, c’est au tour du Musée zoologique de Strasbourg d’accueillir à nouveau ses visiteurs après six années de fermeture dont quatre pour travaux qui ont permis de mettre aux normes le bâtiment, de doubler la surface d’exposition et de donner un coup de jeune à la scénographie. En novembre, le Musée Bonnat-Helleu à Bayonne (Pyrénés-Atlantiques) rouvre enfin après quatorze ans d’ajournements de travaux dans un site agrandi, au service d’une collection exceptionnelle. Le Musée des Augustins, à Toulouse, clôt en décembre cette séquence qui témoigne de l’intérêt continu des villes pour leurs musées. Lancé en 2019, le chantier de rénovation a porté sur la restauration des façades et toitures et la refonte du parcours permanent, pour un coût global de 41 millions d’euros.

19 octobre - Vol des joyaux de la Couronne au musée du Louvre

Paris. Ce dimanche-là, dès après l’ouverture du musée, deux malfrats accèdent, grâce à une banale nacelle de déménageur, au premier étage de la galerie d’Apollon du Louvre, le long des quais de la Seine, fracturent la fenêtre, courent vers les vitrines contenant les bijoux, les brisent, s’emparent des joyaux et s’enfuient quatre minutes plus tard par le même chemin. Ce cambriolage provoque un émoi dans le monde entier en raison des modalités du vol, de la nature et de la valeur des bijoux (environ 88 millions d’euros), mais aussi de la notoriété du musée. Une polémique éclate sur les mesures de sécurité mises en œuvre jusqu’à présent par le musée, et la président-directrice, Laurence des Cars, est auditionnée au Sénat et à l’Assemblée nationale. Si, au 10 décembre, plusieurs suspects ont été interpellés, les bijoux n’ont pas été retrouvés. Ce vol alerte sur ce que recherchent désormais les voleurs dans les musées : des bijoux, pièces de monnaie et métaux précieux comme en témoigne la série d’infractions commises en France à l’automne.

24 octobre - Le plan de Rachida Dati pour le « renforcement de la scène française »

Paris. Le projet de « grande fondation pour l’art contemporain français, basée sur un modèle juridique public-privé comparable à la Fondation du patrimoine », annoncé par la ministre de la Culture en début d’année, témoigne du tâtonnement des pouvoirs publics à l’égard du soutien à apporter à une scène française encore trop peu présente à l’international. Réaliste, Martin Bethenod, qui a remis en juillet à la ministre un rapport sur le sujet, enterre ce projet de fondation qui ferait doublon avec le Centre national des arts plastiques (Cnap), alors qu’il faut précisément, selon les termes mêmes de Martin Bethenod, faire du Cnap le « chef de file » du soutien à la scène française. Le ministère élargit, lui, l’attribution de ce rôle à un trio composé du Cnap, du Centre Pompidou et du Palais de Tokyo.

Le 19 novembre, la Cour des comptes jette un pavé dans la mare, recommandant ni plus ni moins que le démantèlement du Cnap et le transfert de ses missions entre le ministère de la Culture et le Centre Pompidou. Ce que refuse la ministre qui revendique finalement un rôle prééminent pour le Cnap. De son plan, on retient surtout la fin de la naïveté idéologique à l’égard d’un soutien à la scène française jusqu’alors jugé réactionnaire, avec l’obligation pour le Cnap de porter ses achats issus de cette scène – définie par les artistes travaillant en France – de 60 % à 80 %, et, pour le Centre Pompidou-Musée national d’art moderne, d’en acquérir 50 % au moins. Le Centre Pompidou devra aussi veiller à « renforcer la proportion d’artistes de la scène française dans sa programmation », à partir de 2027 (et son 50e anniversaire). On attend toujours la suite que devrait donner la ministre au rapport de Marie Lavandier remis le 7 juillet dernier sur un « National Trust à la française », pour le patrimoine cette fois.

25 octobre - Inauguration des nouveaux locaux de la Fondation Cartier

Paris. La Fondation Cartier pour l’art contemporain ouvre enfin ses portes place du Palais-Royal, au cœur de Paris, dans l’ancien Louvre des antiquaires entièrement métamorphosé par Jean Nouvel. Conservant les façades historiques, l’architecte y a inséré un dispositif monumental de transparence : de vastes baies vitrées de 7 m de haut abolissent les frontières entre la rue, le musée et le voisinage du Louvre. À l’intérieur, cinq plateformes d’acier mobiles, inspirées de l’ingénierie des porte-avions, redéfinissent les volumes selon onze hauteurs possibles, offrant une architecture modulable inédite au service de toutes les disciplines artistiques. Ce nouvel écrin d’une surface de 17 000 m² déploie 6 500 mètres carrés d’espaces d’exposition et accueille une sélection de six cents œuvres issues de quarante ans de collection, révélant à la fois les ambitions élargies de l’institution et la spectaculaire plasticité du lieu. La concomitance entre l’ouverture de ce lieu prestigieux par une marque de luxe et le cambriolage du Louvre, en face, relance le débat entre un public qui serait délaissé et un secteur privé conquérant.

31 décembre - Toujours pas de budget pour 2026 ?

France.À l’heure où nous mettons sous presse, le scénario 2025 risque d’être rejoué en 2026 : pas de budget voté avant le 31 décembre, loi spéciale du gouvernement pour assurer la continuité de la vie nationale et nouvelle discussion budgétaire relancée en janvier-février. Le projet de budget pour la Culture, préparé par le gouvernement Bayrou puis porté par le gouvernement Lecornu mais avec la même ministre de la Culture, Rachida Dati, reconduite pour la quatrième fois, prévoit une baisse des crédits de paiement de la mission « Culture » de 4,3 %, soit 171 millions d’euros, les ramenant à 3,75 milliards d’euros. De nombreux amendements votés par les députés – mais sans effet – ont tenté d’augmenter le budget du patrimoine au détriment d’autres actions du ministère. L’amendement que tout le milieu de l’art, dont les marchands, ne va certainement pas regretter est l’assujettissement des œuvres d’art à l’impôt sur la fortune qualifiée d’« improductive ». Une attention particulière sera portée aux ressources des collectivités locales, principaux financeurs de la culture en France.

1er janvier 2026 - Au Mamac de Nice, et ailleurs dans les musées, des femmes prennent leurs nouvelles fonctions

Nice. Annoncée en octobre, Céline Kopp, la directrice du centre national d’art contemporain Le Magasin à Grenoble, s’installe à la direction du Musée d’art moderne et d’art contemporain (Mamac) de Nice. Ce n’est pas la seule femme à être désignée en 2025 pour assumer cette responsabilité à la tête d’un musée, c’est même l’inverse : un seul homme, Barthélemy Etchegoyen-Glama, a été nommé, au Musée Bonnat-Helleu en l’occurrence. Selon un pointage du Journal des Arts, 16 femmes, souvent jeunes, ont été nommées à des postes de direction au sein de musées territoriaux privés. Pami elles, Alice Gandin au Musée de la chasse et de la nature à Paris, Juliette Trey au Musée Fabre à Montpellier, Amélie Lavin au Musée Cantini à Marseille, Emmanuelle Delapierre au Musée d’arts de Nantes, Maud Marron-Wojewodzki au Musée Soulages à Rodez, Sophie Justine-Lieber au MAD à Paris, Manon Six aux musées du Mans, Claire Lebossé au Musée des beaux-arts de Caen. Cette féminisation presque exclusive de la fonction interroge : effet de balancier après un quasi-monopole masculin pendant des décennies, ou désaffection des hommes à cet endroit ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°667 du 12 décembre 2025, avec le titre suivant : 2025, les temps forts

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