Italie - Musée

Les directeurs de musées italiens face au manque de personnel

Par Olivier Tosseri, correspondant en Italie · Le Journal des Arts

Le 15 septembre 2022 - 837 mots

ITALIE

Le directeur des Offices de Florence menace de fermer des salles de son musée en raison du manque d’agents de surveillance. Un constat partagé par l’ensemble de ses collègues.

La galerie des Offices, Florence
La galerie des Offices, Florence
Photo Sailko

Italie.  « Embauchez du personnel ou je ferme les Offices de Florence ! », a menacé cet été leur directeur Eike Schmidt. Le charismatique Allemand connu pour son franc-parler ne s’est pas contenté de lancer son appel auprès de l’ANSA [l’AFP italienne] pour sensibiliser le ministère de la Culture à la pénurie de personnel qui frappe son musée : la Galerie des Offices est restée fermée le 15 août dernier, à la grande déception des touristes et des Florentins. Ils ont été plus de 1,7 million à franchir ses portes l’an dernier la hissant au rang de musée le plus visité de la Péninsule. Un flux qui dépasse désormais celui enregistré avant la pandémie et qui nécessite plus de ressources humaines. « Si elles restent à leur niveau actuel, déplore Eike Schmidt, d’ici moins d’un an nous serons contraints de fermer l’après-midi certaines salles ainsi que les jardins de Boboli et le palais Pitti la semaine pour n’ouvrir que le vendredi, le samedi et le dimanche. »

Faute d’augmenter le personnel, le ministère de la Culture a décidé de diminuer de 9 % l’organigramme des Offices, une mise à jour qu’il opère tous les quatre ans. « Nous avons déjà une carence d’au moins une centaine d’agents de surveillance, explique le directeur du musée florentin, le ministère ne prend pas en compte nos véritables exigences et besoins. “Mise à jour” signifie à chaque fois diminution. J’ai trois cents agents sous ma responsabilité pour la surveillance, mais il en faudrait entre cinq cents et six cents. » Trop peu pour un directeur qui s’est lancé dans un vaste chantier de restauration des œuvres, de réaménagement des salles et de valorisation des réserves de son musée qui a reçu, en juillet, plus de 427 000 visiteurs. Un record. Eike Schmidt se contenterait de quelques dizaines de salariés supplémentaires et d’un investissement d’un million d’euros. « Cela aurait un effet positif et démultiplicateur sur nos recettes, assure-t-il, en nous permettant d’ouvrir plus longtemps certains jours et avec un profit pas seulement pour les Offices, mais aussi pour la ville et sa région. »

2 500 agents de surveillance supplémentaires

La réponse du ministère a été immédiate par l’intermédiaire de Massimo Osanna, le directeur général des musées nationaux, en Italie. Il s’étonne de l’alarmisme du directeur des Offices : « C’est un musée autonome qui dispose d’un budget lui permettant d’effectuer des recrutements. Nous devons répartir le personnel dans un système constitué de 480 lieux culturels à travers tout le pays. Les limites fixées par les organigrammes sont théoriques et un rééquilibrage doit effectivement être mené : alors que 330 agents de surveillance sont prévus pour les Offices, ils ne sont seulement que 220 pour Pompéi qui est une ville entière. » Le ministère de la Culture a cependant annoncé l’embauche de 2 500 agents de surveillance au cours des deux prochaines années dont 1 053 dès le 15 septembre. Quinze arriveront le mois prochain aux Offices, à la Pinacothèque de Brera, au Musée archéologique de Naples, vingt-six à Pompéi et vingt au Parc archéologique du Colisée.

« Il faut également augmenter les ressources financières des musées, ajoute Massimo Osanna. Pas uniquement les grands musées autonomes, mais aussi les petits. L’argent du plan de relance européen nous aidera à le faire. » Mais plus que les ressources financières, ce sont les ressources humaines qui font cruellement défaut au système muséal transalpin. C’est le principal talon d’Achille de la réforme Franceschini accordant, en 2014, une large autonomie à certains grands musées. « La question des ressources humaines est le plus grand défi que devra affronter le prochain gouvernement lorsqu’il s’occupera de politique culturelle », estime Eike Schmidt se faisant le porte-parole de ses collègues.

Le cas du Musée Capodimonte de Naples

Le ministère de la Culture devrait recruter au moins 4 000 personnes pour que l’Italie respecte les standards du Conseil international des musées. Si le plafond d’emplois du ministère prévoit 18 800 salariés, à peine plus de 10 000 personnes sont effectivement en service. Sylvain Bellenger se fait régulièrement l’écho de cette carence de personnel. Le directeur français du Musée autonome Capodimonte de Naples ne dispose que d’une petite équipe d’une dizaine de collaborateurs et d’un unique historien de l’art. Il est pourtant à la tête de la plus grande pinacothèque du sud de l’Italie. « Mi-septembre, vingt-sept agents de surveillance arriveront, mais c’est insuffisant, constate-t-il. C’est bien de débattre sur la taille des organigrammes, mais le problème n’est pas uniquement numérique. Il faut un véritable plan stratégique pour les musées. Un peu de pragmatisme ne nuirait à personne en permettant notamment aux musées autonomes de l’être totalement et non partiellement, comme c’est le cas actuellement. Nous devrions pouvoir définir librement les profils professionnels qui répondent le mieux à leurs exigences. » Un dossier qui sera sur le bureau du nouveau ministre de la Culture italien qui prendra ses fonctions à l’issue des élections législatives du 25 septembre prochain.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°594 du 9 septembre 2022, avec le titre suivant : Les directeurs de musées italiens face au manque de personnel

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