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Florence déclare la guerre à Airbnb

FLORENCE / ITALIE

L’Italie renoue avec le tourisme de masse depuis la fin de la pandémie. Le maire de Florence veut interdire les locations de courte durée qui font grimper les loyers et pénalisent les Florentins.

Touristes devant le Baptistère de San Giovanni Battista et le Duomo, la cathédrale Santa Maria del Fiore, à Florence, Italie © User32, Pixabay License
Touristes devant le Baptistère de San Giovanni Battista et le Duomo, la cathédrale Santa Maria del Fiore, à Florence, Italie.

Florence. Le maire de Florence bataille depuis des années contre la célèbre plateforme de location d’appartements, Airbnb. Dario Nardella l’accuse de « tuer le centre historique de la capitale toscane mais aussi celui de toutes les villes d’art italiennes. Le gouvernement promet une loi, mais elle est trop timide et ne résoudra rien », a-t-il tonné avant de sortir ce qu’il a baptisé un « bazooka urbain » pour sauver son centre-ville. Dans toute la zone protégée par l’Unesco, tout nouveau contrat de location de courte durée sera interdit tandis que les propriétaires d’un bien immobilier se verront exemptés pendant trois ans de la taxe foncière s’ils le louent à une famille locale pour un bail de quatre ans renouvelable. Une mesure qui ne sera pas rétroactive. « Je sais que ma proposition d’interdire toute nouvelle location Airbnb est hardie juridiquement, mais on peut la défendre. L’urgence pour se loger est devenue la première urgence économique et sociale du pays, explique l’édile qui déplore le retour du tourisme de masse à la faveur de la fin de la pandémie. Les familles et les étudiants ont déserté le cœur de la cité ces dernières années et la situation s’aggrave. Airbnb et les autres plateformes faussent de manière préoccupante le marché immobilier et particulièrement celui de la location. »

Les « barons florentins d’Airbnb »

Ce n’est pas une impression mais un constat chiffré. Les ménages florentins souhaitant vivre dans le centre-ville doivent consacrer 72 % de leur revenu pour occuper un logement de plus en plus difficile à trouver. Ce printemps, près de 11 000 locations de courte durée étaient proposées à Florence sur Airbnb. Elles n’étaient « que » 7 500 en septembre dernier. « L’image du petit propriétaire qui met à la disposition des touristes sa seconde maison ou la chambre à coucher supplémentaire n’est plus qu’un lointain souvenir des origines d’Airbnb », indiquait une enquête du Corriere della Sera. Il n’est en effet plus question d’arrondir ses fins de mois, mais de profiter d’un juteux marché qui génère un chiffre d’affaires de 500 millions d’euros. La presse italienne n’hésite pas à surnommer les « barons florentins d’Airbnb » ces vingt hôtes qui, à eux seuls, contrôlent près de 10 % de l’offre de la plateforme dans la ville symbole de la Renaissance. Ces agences immobilières à peine masquées prospèrent en jouissant d’un régime fiscal et de normes bien plus légères que celles auxquels les gérants d’hôtels traditionnels sont assujettis.

« La décision du maire de Florence est une fuite en avant incompréhensible, s’est émue la ministre du tourisme Daniela Santanchè. Le gouvernement a fait une proposition qui doit être la base des négociations sur ce dossier. » Le gouvernement envisage ainsi de réglementer le secteur de la location touristique alors que l’Italie est l’un des pays européens les plus laxistes en la matière. La mise en place d’un code d’identification national permettrait de contrôler les locations. Ceux qui refuseraient de s’y soumettre écoperaient d’une amende pouvant aller jusqu’à 5 000 euros et les villes les plus touristiques pourraient imposer un séjour minimum de deux nuits dans les logements situés dans leur centre historique.

Des mesures dérisoires selon les principaux maires des villes d’art, de Venise à Naples et de Bologne à Milan. L’adjoint au maire pour l’urbanisme de la capitale de la Lombardie estime que « le texte du gouvernement est à l’eau de rose et ne résoudra rien ». La municipalité de Rome étudie d’ores et déjà la possibilité d’imiter l’interdiction annoncée par le maire de Florence.

Un décalogue pour réglementation

La plupart des édiles enjoignent le gouvernement depuis au moins 2010 pour certains d’entre eux d’encadrer de manière plus stricte le phénomène du surtourisme à la fois manne financière et plaie de leurs cités. Sous l’impulsion des maires de Florence et de Venise un « Décalogue » avait été adressé en 2021 au gouvernement réclamant une intervention pour que « nos villes ne deviennent pas de simples villes-musées et chambres d’hôtes pour touristes ». Avant même la reprise du tourisme après la pandémie, ils fustigeaient « le phénomène de la location de courte durée [devant] être mieux géré avec des règles plus claires au niveau national », déplorant que derrière certains propriétaires se « cache une entreprise » livrant une concurrence déloyale au secteur hôtelier. Le texte demande de « prendre en main la situation de manière sérieuse » en avançant des propositions concrètes : limiter à 90 jours par an les locations Airbnb et imposer une limite de deux biens en location aux propriétaires. L’importance de préserver le décorum de leur ville était également réaffirmée avec la demande d’introduction de sanctions plus sévères pour la dégradation du patrimoine urbain. Un décalogue resté lettre morte. « Il faut restituer plus de pouvoir de réglementation aux maires, insiste Dario Nardella. Avec la dérégulation à laquelle nous assistons, c’est la loi du plus fort qui gagne. » Airbnb continue pour l’instant d’imposer la sienne.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°614 du 23 juin 2023, avec le titre suivant : Florence déclare la guerre à Airbnb

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