Tourisme

Éditorial

Le défi moral du surtourisme

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 3 juillet 2025 - 377 mots

Tourisme. Venise, Barcelone, le Louvre, Mykonos, Dubrovnik ou encore l’abbaye du Mont-Saint-Michel : ces noms évoquent autant la splendeur que la saturation.

Le surtourisme n’est pas un phénomène diffus, il est concentré sur une poignée de lieux devenus victimes de leur propre magnétisme. Les visiteurs y affluent par millions, portés par des vols low cost, des croisières géantes, une réputation séculaire ou la viralité d’un cliché sur Instagram. Le patrimoine y devient spectacle, et l’expérience, consommation.

Le surtourisme engendre une série de dommages : usure accélérée des sites, pression sur les infrastructures, hausse du coût de la vie pour les habitants, perte de l’authenticité culturelle au profit d’une mise en scène artificielle. Les villes deviennent décor, les musées sont saturés, les paysages fragiles sont dégradés par la surfréquentation et l’exploitation commerciale.

Les musées, les monuments et les villes les plus visités cherchent à réguler les flux : quotas, billetterie numérique, horaires étendus… Mais le paradoxe est cruel. Faut-il augmenter drastiquement les prix pour limiter l’accès ? Réserver certains lieux à ceux qui en ont les moyens ou aux seuls initiés ? Ce serait admettre que la beauté n’est pas pour tous. Comment défendre une telle idée dans des sociétés démocratiques ?

Le surtourisme est un dilemme moral. Il interroge notre conception même de l’accès à la culture et à la mémoire. Le tourisme populaire est un progrès social : pour beaucoup, voyager, visiter des lieux patrimoniaux, c’est toucher à une forme d’élévation. C’est dans le même esprit que la loi Littoral de 1986, dont la création du Conservatoire du littoral en 1975 fut une étape préparatoire, a obligé des milliers de propriétaires privés à laisser libre l’accès sur une bande de 100 m courant le long du rivage. Remettre en cause ces acquis, c’est risquer de revenir à un monde où seuls les privilégiés avaient le loisir de contempler une œuvre majeure, de visiter un site antique ou de profiter d’un bord de mer splendide. Le Bhoutan a choisi, lui, d’imposer aux voyageurs de séjourner via un tour-opérateur agréé et d’être accompagnés en permanence par un guide local certifié. Un modèle à suivre ?

Aucune réponse simple n’existe. C’est précisément pour cela que le surtourisme est devenu l’un des défis culturels et politiques majeurs de notre époque.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°659 du 4 juillet 2025, avec le titre suivant : Le défi moral du surtourisme

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