Scolaires : construire la visite

Le Journal des Arts

Le 20 juin 2011 - 806 mots

Pour intéresser et éduquer l’œil des plus jeunes, les services culturels des musées ne sont pas en panne d’inventivité.

Avec en moyenne près de 14 % de visiteurs scolaires (de la maternelle au lycée) pour l’année 2010, soit 6 millions d’élèves, les musées français tiennent là une cible de choix pour pérenniser un large public. Selon les chiffres du ministère de la Culture, plus de 450 musées sont aujourd’hui dotés d’un service éducatif ou sont « en mesure de dialoguer avec l’école et de formuler des réponses aux demandes des milieux scolaires ». L’enjeu est de taille : éduquer l’œil et l’esprit des jeunes visiteurs, tout en convainquant les structures éducatives de l’aspect primordial de cet apprentissage.
Dans ce domaine, les musées d’histoire tiennent la dragée haute aux musées de beaux-arts généralistes. Recevant l’appui des Régions, Départements et rectorats, leur rapport à l’école est naturel, presque instinctif, recoupant les programmes d’histoire et d’éducation civique pour le primaire et le secondaire. Ainsi, le Musée de la préhistoire d’Île-de-France à Nemours (274e au classement général) reçoit dans ses murs près de 70 % de scolaires, qui bénéficient de la gratuité d’entrée.

Seul sur son créneau, ce musée clôt ses réservations de visites et animations dès l’ouverture des périodes scolaires. Enfant gâté sur ce point, il n’a pas besoin d’entretenir de liens particuliers avec son académie de tutelle.  À l’Historial de Péronne (54e), musée de la Somme dédié à la Première Guerre mondiale, le fonctionnement est tout autre. Depuis peu, l’accent a été mis sur l’accueil des plus jeunes, ceux des plus petites classes de primaires, la Grande Guerre étant de toute façon au programme du secondaire. Communication, formation des enseignants, envoi de dossiers aux écoles, l’institution manifeste une politique très volontariste, couronnée de succès avec près de 40 % de scolaires dans ses salles. Le dialogue s’instaure directement entre les quatre enseignants détachés par l’académie et les instituteurs pour permettre une visite compréhensible et éducative, dans une démarche qui commence dès la salle de classe, avant la sortie des élèves, et se poursuit après, à travers des débats. 

À Angers, des « bons de parrainage » 
Internet a facilité la donne, en permettant un accès direct aux dossiers pédagogiques pour informer les enseignants sur les différentes pistes de lecture liées aux visites, donner des objectifs et nourrir la discussion, tout en diversifiant les propositions. Les services internes dédiés spécifiquement aux publics scolaires élaborent des offres de plus en plus personnalisées en fonction des demandes : visites libres gratuites ou visites guidées et projets sur mesure dont le coût reste la plupart du temps modique. Le dynamisme des musées en la matière dépend également du volontarisme des académies et rectorats concernés, qui détachent ou non des enseignants dans les services pédagogiques des musées.

Dans les musées d’Angers (dont le Musée des beaux-arts, 10e), des propositions très fournies sont mises en place depuis plusieurs années, en partenariat avec l’académie de Maine-et-Loire et les institutions culturelles de la ville : « une logique transversale de structures » selon Raphaëlle Hervé, chargée des animations aux musées. L’instauration de « bons de parrainage », une entrée offerte aux enfants ayant participé aux visites scolaires, a pour objectif, même si son succès est difficile à quantifier,  de faire venir les parents : « On espère que les enfants aient pris le goût des musées, qu’ils s’en fassent les passeurs ».

À Roubaix, le Musée d’art et d’industrie-La Piscine mise fortement sur des offres de visites proches du sur-mesure, afin de gagner un public souvent qualifié de « lointain ». Pour Maël Bellec, conservateur au Musée des beaux-arts de Cambrai (107e), dont le pourcentage de scolaires culmine à 60 %, « il s’agit avant tout de relations directes entre les écoles et les musées », l’académie servant surtout de soutien technique. « Un travail de plusieurs années », promu par une municipalité « qui avait à cœur que les publics scolaires profitent des œuvres », dans une offre culturelle globale favorable aux jeunes.
Le public scolaire, de simple public captif, est devenu un vrai enjeu pour les services culturels des musées, où l’élaboration d’une politique réussie résulte de relations bien comprises entre un musée, une ville, une école et une inspection académique. À la clé, une visite pédagogique distincte du temps de loisirs mais non dénuée de plaisir, pour permettre un nouveau regard sur le musée.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°350 du 24 juin 2011, avec le titre suivant : Scolaires : construire la visite

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