2010 : les musées sauvent leur mise

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 20 juin 2011 - 920 mots

En maintenant tant bien que mal leur programmation d’expositions temporaires, les musées ont réussi à conserver la même fréquentation qu’en 2009. Dans le détail, la situation est plus contrastée.

Le bilan de santé annuel des musées en France laisse entrevoir un léger coup de froid. Avec 41,3 millions de visiteurs, les entrées dans les musées classés dans notre palmarès ont cessé d’augmenter comme c’était le cas en 2008 ( 11 %) et en 2009 ( 4,4 %).
Cette consolidation est à mettre d’abord sur le compte d’une compensation de la baisse des entrées payantes (– 1,4 %) par une hausse des entrées gratuites ( 2 %). Il faut sans doute y voir une conséquence de la gratuité pour les moins de 26 ans dans les musées nationaux, une mesure mise en application en avril 2009 et qui a produit son plein effet en 2010. Dans le même temps, les élus municipaux, soucieux de mieux utiliser leurs équipements culturels, poussent de plus en plus de scolaires à visiter, le plus souvent gratuitement, les collections.

Un autre indicateur permet d’expliquer la stabilisation des entrées, celui des touristes étrangers. Ces derniers seraient venus moins nombreux (- 8 %) dans les musées. Or, comme ils représentent un bon quart des entrées (20 % en 2009 et 18,5 % en 2010), leur impact est loin d’être neutre. Cette baisse est d’autant plus curieuse que l’année touristique 2010 a été plutôt bonne en France après une mauvaise année 2009. Le nombre de nuitées dans les hôtels a ainsi augmenté de 2,2 %. Globalement d’ailleurs, ce « coup de froid » contraste avec la bonne consommation de loisirs culturels, comme en témoigne la hausse de 3 % des entrées dans les cinémas (206,5 millions). Un coup d’œil sur la fréquentation selon la taille des musées permet cependant de mettre en évidence la bonne tenue de certains grands musées (entre 1 000 et 10 000 visiteurs par jour), qui affichent de très bons scores. Les entrées du Petit Palais à Paris ( 46 %) ont été dopées par l’exposition « Yves Saint Laurent », celles du Musée des beaux-arts de Rouen (241 %), par le « Festival Normandie impressionniste «, tandis que, trois mois après sa réouverture, le LaM à Villeneuve d’Ascq fait le plein.

Comme on le voit, la structure muséale est très pyramidale. Les quatre grands musées parisiens comptent pour 38 % du total des entrées, et même 56 % si l’on y ajoute le château de Versailles. Il suffit que les expositions temporaires des « quatre majors « soient moins grand public pour que la fréquentation nationale en soit affectée. Au Centre Pompidou, par exemple « Lucian Freud » et « Mondrian » (2010) ont attiré moins de public qu’« Alexander Calder » ou que « Kandinsky » (2009). Le Musée du quai Branly se trouve dans la même situation (lire l’entretien de Stéphane Martin). 

Miser sur l’événementiel
La programmation des expositions temporaires reste plus que jamais la ligne de front des directeurs de musée. La baisse des subventions octroyées aux grands établissements et les contraintes pesant sur les ressources des communes (rappelons que les musées sont, dans leur très grande majorité, municipaux) avaient fait craindre une diminution du nombre d’expositions temporaires. Il n’en a rien été. Avec près de 1 063 expositions temporaires, dont 435 ont été accompagnées de la publication d’un catalogue, l’offre est même en légère croissance.
Et si, pour cela, on puise davantage dans la collection permanente, on réduit la taille de l’exposition, on fait l’impasse sur quelques œuvres trop chères à déplacer et assurer, ces aspects ne sont pas trop perceptibles par le public. Le montant total des dépenses pour la production et la promotion des expositions est resté identique à 72,5 millions d’euros, soit une moyenne de 70 000 euros par exposition. On est encore très loin du budget moyen de production d’un film français (5,7 millions d’euros). 

Malgré les contraintes budgétaires, les conservateurs hésitent à coproduire des expositions, dont le nombre total est même en baisse en 2010 (226 au total). Cette mutualisation des moyens offre pourtant bien des avantages.
En définitive, le tableau de l’année 2010 pourrait apparaître raisonnable si un clignotant rouge ne s’était allumé dans l’enrichissement des collections (lire le dossier du JdA n° 348, 27 mai 2011). Tout se passe comme si les musées avaient continué à miser sur l’événementiel afin de conserver fréquentation et dynamisme, et rogné (46 % de baisse !) dans les acquisitions. Dans le même registre, un signe qui ne trompe pas, les dépenses de restauration des œuvres ont baissé de 8 %.

Visiteurs 2009-2010 selon la taille des musees
 
Méthodologie

Cette enquête a été réalisée d’avril à mai 2011, via un questionnaire adressé à 600 musées (de beaux-arts, d’archéologie et d’histoire nationale). Parmi ces institutions, 353 ont répondu. Le croisement des réponses a permis de réaliser trois sous-classements au palmarès général: « Accueil des publics »; « Dynamisme » et « Conservation ». Les informations non communiquées n’ont pu être prises en compte et affectent la notation globale. Les musées fermés au public (le plus souvent pour travaux) sont absents de ce palmarès. Les résultats reposent sur 71 critères d’évaluation, auxquels ont été attribués un coefficient allant de 1 à 3. Les réponses oui/non sont notées de 5 à 15 points selon leur importance. Les questions quantitatives sont notées de 1 à 15, selon la méthode des quintiles, ce qui permet de rééquilibrer le rapport entre petites et grandes structures. À l’exception de la question sur l’appréciation du site Internet, réalisée par la rédaction du JdA, toutes les autres réponses sont fournies par les musées, sauf erreur manifeste corrigée par la rédaction.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°350 du 24 juin 2011, avec le titre suivant : 2010 : les musées sauvent leur mise

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