Diplomatie culturelle

Rapport « Stora » : la culture au service de l’apaisement des mémoires

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 11 février 2021 - 499 mots

PARIS

Benjamin Stora préconise de nombreuses mesures pour réconcilier les mémoires de la France et de l’Algérie, dont plusieurs dans le domaine culturel et intellectuel.

Benjamin Stora © Photo Julien Falsimagne.
Benjamin Stora.
© Photo Julien Falsimagne

Paris. Fidèle à sa théorie des « mémoires déchirées », Benjamin Stora propose, dans son rapport de 150 pages remis officiellement au président Macron le 20 janvier dernier, un panorama des enjeux mémoriels en France et en Algérie. Après un long rappel historique, le rapport aborde la complexité de la situation actuelle et conclut à la nécessité de créer une « commission Mémoire et vérité » pour « réconcilier les mémoires ». Benjamin Stora se positionne ici contre toute « loi mémorielle » comme la France a pu en connaître pour l’esclavage ou le génocide arménien : le rapport se situe donc sur le terrain symbolique plus que politique.

Outre la restitution de certaines archives de la colonisation et l’ouverture de celles liées à la guerre, l’historien propose des mesures mémorielles pour tous les Français liés à l’Algérie (environ 7 millions de personnes) : les harkis, les Français d’Algérie, les pieds-noirs et les anciens appelés du contingent. Ainsi, Benjamin Stora suggère de reprendre le projet abandonné en 2014 de « musée de la France et de l’Algérie » à Montpellier. L’opposition des associations de pieds-noirs reste cependant un obstacle à sa réalisation. Autre proposition, organiser un colloque en 2021 autour des intellectuels engagés contre la guerre d’Algérie, et un autre colloque ou une exposition sur les immigrations africaines en France, au Musée national d’histoire de l’immigration, à Paris. De tels colloques ont déjà eu lieu en France, comme le rappelle lui-même l’historien.

Parmi les mesures concrètes, est avancée l’érection d’une stèle en mémoire de l’émir Abd El-Kader à Amboise pour les cinquante ans des accords d’Évian en 2022, puisque l’émir fut emprisonné au château d’Amboise de 1848 à 1852. La restitution de son sabre actuellement présenté au Musée de l’armée à Paris est également proposée, ainsi que celle des restes humains de rebelles algériens conservés dans différents musées français. Comme en écho à la restitution, en juillet 2020, des restes de vingt-quatre combattants tués lors des révoltes contre la colonisation au milieu du XIXe siècle ? Toujours sur le plan du patrimoine, Benjamin Stora propose de créer une « commission mixte d’historiens » pour examiner le statut du canon « Baba Merzoug » (aussi appelé « La Consulaire ») exposé dans le port de Brest depuis 1830 : datant du XVIe siècle, ce canon vénitien de douze tonnes fut rapporté en France après la conquête d’Alger, et fait l’objet de négociations tendues avec les autorités algériennes.

La mesure la plus forte, et celle qui a le plus de probabilités de se réaliser, serait l’entrée de Gisèle Halimi au Panthéon, pour honorer son engagement en faveur de l’indépendance algérienne, notamment par la défense de militantes nationalistes. Lors de son décès en juillet 2020, cette « panthéonisation » avait déjà été proposée par des associations féministes. Les mesures préconisées par le rapport pourraient ainsi constituer une première étape vers une réconciliation symbolique à peu de frais, mais il faudra des actes politiques pour construire une relation apaisée avec l’Algérie.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°560 du 5 février 2021, avec le titre suivant : Rapport « Stora » : la culture au service de l’apaisement des mémoires

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