La nouvelle visibilité du Musée de l’histoire de l’immigration

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 17 mars 2015 - 672 mots

PARIS

Né en 1950, Benjamin Stora est un historien spécialiste de l’histoire des guerres de décolonisation et des phénomènes migratoires.

Depuis son ouverture en 2007, le Musée de l’histoire de l’immigration a souffert d’un manque de reconnaissance, quelle est sa visibilité aujourd’hui ?
Benjamin Stora
La question de la visibilité a, en partie, commencé à être opérée par l’inauguration par le Président de la République le 15 décembre 2014. Cet événement marque la reconnaissance institutionnelle du musée, qui a par ailleurs bénéficié d’un accroissement budgétaire considérable, et de l’intérêt grandissant des médias.
Je pense qu’aujourd’hui la volonté politique est clairement affirmée ; d’ailleurs, les responsables politiques sont obligés de manifester leur désir de faire vivre ce lieu, car il est à l’intersection de questions de société prégnantes. Le musée est une sorte de « laboratoire », c’est le seul exemple en Europe d’un musée d’histoire qui montre une histoire en train de s’écrire, donc ce n’est pas simple. D’autant que les Français eux-mêmes ne se conçoivent pas forcément comme une nation de migrants. Mais les interrogations sur le récent passé migratoire sont de plus en plus fortes, et notre ambition est que le musée devienne un lieu de référence dans la quête des origines. Il faut qu’il soit un outil de connaissance de soi et de l’autre. Soyons clair, ce ne sera jamais un musée dépassionné, parce que la question migratoire est une question brûlante dans la société française.
Il ne pourra jamais être un musée comme les autres, mais nous devons en faire un lieu fédérateur, qui porte cette connaissance au plus grand nombre et à toutes les générations.

Quelle est l’audience actuelle du musée ?
Pour l’heure, le public est essentiellement composé de scolaires, mais il y a un début d’élargissement, notamment à la faveur des grandes expositions qui drainent des visiteurs plus avertis, qui s’intéressent à l’art et à l’apport culturel de l’immigration.
Il y a aussi un public qui cherche les origines des troubles actuels qui secouent ce que l’on appelle « l’identité française ». Il s’agit d’interrogations nouvelles, qui ont pris une dimension encore plus forte depuis les événements tragiques que nous avons vécus en janvier dernier. La société s’interroge sur ce qui provoque ces dysfonctionnements à l’intérieur de l’histoire, et les citoyens cherchent de plus en plus des réponses du côté de l’histoire migratoire.

L’approche culturelle peut-elle être un biais pour intéresser le plus grand nombre à l’histoire de l’immigration ?
Il faut désenclaver l’histoire de l’immigration, il ne faut pas en faire une histoire sociale ghettoïsée. Il faut au contraire l’ouvrir davantage, en montrant notamment son aspect culturel. Ce musée est une institution singulière, nos collections et nos collaborations nous permettent de mettre en évidence les points d’incursion, de rencontre, de correspondance et de résonance avec les artistes qui ont des parcours migratoires. Qu’il s’agisse de sculpteurs, de peintres, de cinéastes ou encore de musiciens ; il y a des points de passage qui existent, il faut simplement les trouver. Cela nous permettra aussi d’ancrer le musée dans un patrimoine déjà existant. Par exemple, nous sommes en discussion avec le Musée national Picasso pour organiser une exposition sur le peintre qui a été un acteur, un étranger dans la cité. Ce type de projet est emblématique de notre politique d’exposition, car il permet de montrer toutes les facettes de la figure de l’immigré et de faire bouger les lignes. Propos recueillis par

Le Musée : Ouvert en 2007 sur fond de controverses, politique mais aussi parmi les historiens, il est la seule institution en Europe dédiée aux phénomènes migratoires.

111 000 : C’est le nombre de personnes qui ont visité le Musée de l’histoire de l’immigration en 2014, un chiffre relativement faible, pourtant en hausse de 23 %.

« Telle est la vocation du Musée national de l’histoire de l’immigration, rendre aux immigrés la place qui leur revient dans le récit national et se donner ainsi les moyens d’aborder de façon sereine la question toujours posée de l’immigration. » François Hollande, discours d’inauguration, 15 décembre 2014.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°678 du 1 avril 2015, avec le titre suivant : La nouvelle visibilité du Musée de l’histoire de l’immigration

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