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Le Musée de l’Armée se veut plus confortable

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 6 août 2022 - 1040 mots

PARIS

Le musée installé aux Invalides s’est engagé dans un projet ambitieux dénommé « Minerve » qui, par étapes jusqu’en 2030, entend offrir plus de services à ses visiteurs et proposer quatre nouveaux parcours.

Musée Armée Invalides - Photo Anne-Sylvaine Marre-Noël, 2013
Le Musée de l'Armée aux Invalides.
Photo Anne-Sylvaine Marre-Noël
© Musée de l'Armée

Paris. Entrera, entrera pas ? Pour le visiteur qui a traversé l’esplanade des Invalides, l’entrée très martiale du Musée de l’armée peut se révéler un premier écueil à la visite. Gendarmes au poste Vigipirate, allées et venues de gradés en uniforme, informations sporadiques, douves et canons…, sommes-nous bien à l’entrée d’un musée ? Pas seulement, certes, puisque l’hôpital des Invalides édifié par Louis XIV perpétue sa vocation militaire et médicale. Mais les musées se sont fait une place sur les quatorze hectares du site depuis plus de deux siècles, avec l’installation de la galerie des plans-reliefs à la fin du XVIIIe siècle, celle du musée de l’artillerie en 1871, et enfin celle du Musée de l’armée dès 1896. Et « il faut aller chercher le public, le prendre par la main », explique Ariane James-Sarazin, directrice adjointe du Musée de l’armée, pour présenter le projet « Minerve ».

C’est un grand projet à 100 millions d’euros, sur huit ans, qui a pour objectif de rendre accessible et confortable la visite du musée le plus intimidant peut-être de la capitale : par son architecture, son thème et ses collections…, mais aussi son entrée. Les ambitions de Minerve ne prennent pas la forme d’une extension ou d’un geste architectural à venir, mais s’incarnent tout d’abord dans une structure légère, démontable, une tente façon bivouac militaire placée côté esplanade des Invalides. C’est-à-dire décalée par rapport à l’entrée, projetée au-devant du musée pour accueillir le public – « comme on se projette sur un théâtre d’opération », avance la directrice adjointe. Abritant le contrôle sécurité du musée, mais aussi un accueil physique et humain, la tente reprend les codes graphiques du musée et la forme de son symbole, le chevron, pour marquer sa présence sur la voie publique.

Métal, chanvre et cordes

L’édifice réversible et modeste résume l’intention architecturale de l’agence Antoine Dufour, qui chapeaute la maîtrise d’œuvre du projet Minerve et présente son intervention comme un « jalonnement » : « L’idée est de parsemer le musée d’éléments homogènes qui indiquent qu’on est bien dans le parcours, qui est finalement assez libre », détaille Pierre Dufour, architecte en chef des Monuments historiques. Car l’orientation au sein de cette vaste parcelle, cumulant une mixité d’usages, n’est pas toujours aisée : pour guider le visiteur, Pierre Dufour a misé, non sur une batterie signalétique, mais sur un ensemble d’éléments mobiliers cohérents, disséminés le long du parcours.

L’agence Antoine Dufour puise dans les collections du musée, et dans la culture militaire, pour créer son identité visuelle : « On utilise le métal, qui est dans la culture de l’armée, et le chanvre, car c’est une matière présente dans les toiles, sangles, cordes, très liée au monde militaire. Ce sont des matières que l’on retrouvera systématiquement, et qui vont créer une espèce de logique pour le visiteur », explique l’architecte. L’intervention doit se fondre dans l’environnement patrimonial du musée, organisé autour de l’impressionnante cour d’honneur des Invalides, tout en se manifestant clairement aux yeux du visiteur. « C’est ce qu’on a apprécié dans l’approche du cabinet Antoine Dufour, explique Ariane James-Sarazin, une forme de “politesse”, mais pas d’effacement. »

Une surface supplémentaire de 3 000 m2

L’enjeu est important pour la directrice adjointe, qui souhaite transformer ce musée où l’on se perd en un musée « confortable » : consignes, emplacement poussettes, tables de pique-nique, toilettes, zone de repos, assises, Minerve n’oublie aucun détail de la visite. Et fait tout pour épargner aux visiteurs des pas inutiles : « Nous installons une billetterie humaine dans le hall Orient, mais nous ajoutons aussi des automates dans le hall Occident, pour éviter que le public soit obligé de revenir sur ses pas », précise la directrice adjointe.

Le projet Minerve, c’est aussi 3 000 mètres carrés de surface visitable en plus, pour la présentation d’un grand nombre d’objets supplémentaires. Dans une première phase, calée sur l’échéance olympique de 2024, la salle Vauban abritera une introduction au parcours. Le bâtiment y sera présenté à partir de trois objets : le plan-relief des Invalides, un carton de tapisserie de 4 mètres de long représentant la fondation de l’hôpital par Louis XIV, et le modèle de Charles de La Fosse pour les fresques du dôme de l’église royale. Le duo de scénographes Helft & Pinta choisi pour cet espace introductif connaît bien les lieux : il avait travaillé sur l’exposition d’art contemporain « Napoléon ? Encore ! » et sur la scénographie du département moderne du Musée de l’armée.

La première phase prévoit également l’aménagement du corridor de Valenciennes, libéré par la Bibliothèque contemporaine au profit du musée. Trois modules y seront installés : un espace actualité pour présenter les acquisitions, ou un contenu en résonance avec les commémorations prévues dans la cour d’honneur ; un espace « carte blanche », où un invité extérieur au musée viendra choisir deux ou trois œuvres dans les collections ; un espace immersif, dont le contenu doit faire découvrir le site d’une manière inédite au visiteur.

Dès 2025-2026, trois autres parcours seront ouverts graduellement jusqu’en 2030, chacun imaginé par un scénographe différent. Le premier devrait être un espace consacré à l’actualité des engagements militaires français, là aussi dans des espaces libérés par la Contemporaine. Un parcours divisé en une « salle de contrôle », puis une salle explorant un conflit en profondeur, « sur le ton du [magazine géopolitique diffusé sur Arte]“Le dessous des cartes” », précise la directrice adjointe. Un seconde salle de quelque 350 m2 traitera de l’histoire récente d’après-guerre : guerre froide, antimilitarisme, terrorisme…

Mais ce sont les 2 000 mètres carrés dévolus à l’histoire du colonialisme et de la décolonisation qui retiennent l’attention. « Il y aura deux partis pris forts : ne pas disjoindre l’histoire de la conquête coloniale de celle des indépendances, et raconter ce moment à plusieurs voix », explique Ariane James-Sarazin. Le comité scientifique intègre ainsi des chercheurs venus des anciennes colonies françaises, et chaque territoire colonisé fera l’objet d’un comité qui associera de jeunes historiens. L’acquisition du fonds Eric Deroo en 2021, un ensemble documentaire unique de 58 000 pièces, permettra d’illustrer la période coloniale, avec des objets issus du colonisateur français mais aussi des colonisés, comme l’artiste vietnamien Mai Van Hiên (1923-2006).

Musée de l’armée,
hôtel des Invalides, 129, rue de Grenelle, 75007 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°593 du 8 juillet 2022, avec le titre suivant : Le Musée de l’Armée se veut plus confortable

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