Restitutions

24 crânes de résistants rendus à l’Algérie par le Musée de l’Homme

Par Sindbad Hammache · lejournaldesarts.fr

Le 8 juillet 2020 - 558 mots

ALGER / ALGÉRIE

Le retour des restes, très célébré en Algérie est l’aboutissement du travail d’une commission scientifique franco-algérienne.

« Une forte émotion », titrait le quotidien El Watan dimanche dernier. La restitution par la France de 24 crânes de résistants algériens jusqu’alors conservés au Musée de l’Homme a été vécue comme un évènement rare et très symbolique en Algérie. Les manifestations de retour ont duré trois jours, marqués par l’hommage ému du président Abdelmadjid Tebboune, et dont les temps forts étaient retransmis en direct à la télévision. Les cérémonies se sont terminées par l’inhumation des résistants célébrées en martyrs, le dimanche 5 juillet, date de la fête de l’indépendance algérienne.

En France, le week-end de remaniement ministériel a laissé peu de place à cette information, sur laquelle le ministère des Affaires étrangères est d’ailleurs resté silencieux. C’est pourtant l’aboutissement d’un travail de restitution que le président Macron avait ouvert, en acceptant, fin 2017, le retour des crânes conservés au sein de « l’ostéothèque » du Musée de l’Homme. La décision du chef de l’État, appuyée par une demande officielle de restitution de la part de l’état algérien, a donné lieu à un important travail de recherche et d’identification mené par une commission scientifique franco-algérienne depuis septembre 2018.

Une tâche que Bruno David, président du Muséum d’histoire naturelle (dont dépend le Musée de l’Homme), qualifie d’« exemplaire sur la manière dont il faut procéder, surtout sur des sujets aussi sensibles que la colonisation française en Algérie ». Scientifiques algériens et français ont travaillé de concert pour restituer l’identité des restes conservés au Musée de l’Homme, provenant de plusieurs épisodes sanglants des guerres de colonisation, comme le siège de Zaatcha en 1849. La politique de restitution du Musée de l’Homme est claire : seuls les restes formellement identifiés ou reliés à un contexte historique précis peuvent être rendus.

Le rôle de la commission franco-algérienne présidée par le Professeur Belhadj, médecin légiste algérien, est de sortir ces crânes de l’anonymat. Grâce à l’examen des dépouilles et, mais aussi des archives coloniales conservées à Aix-en-Provence, 24 crânes ont ainsi retrouvé un nom, et ont pu être rendus à l’Algérie. Parmi eux, des figures historiques de la résistance algérienne à la colonisation, comme Cherif Boubaghla, meneur d’une insurrection dans les montagnes kabyles. 

Place du Trocadéro, onze crânes conservés dans les réserves du Musée de l’Homme attendent encore une identification pour suivre le même chemin.

Piloté par le ministère des Moudjahidine (anciens combattants) en Algérie, et celui des Affaires étrangères en France, le travail de la commission va donc se poursuivre après cette étape du 5 juillet, date de l’indépendance algérienne pour laquelle ce premier rapatriement était programmé. « Nous avons fait notre maximum pour que ce travail aboutisse le jour de la fête nationale » affirme Bruno David. En Algérie, la restitution a été accueillie par le président Tebboune comme un geste de la France vers « l’apaisement, et le règlement du problème de la mémoire ».

Redécouverts en 2011 par l’historien amateur Ali Farid Belkadi parmi les 18 000 crânes de l’ostéothèque du Musée de l’Homme, ces têtes étaient prélevées sur les champs de bataille comme trophées, puis conservés dans des collections scientifiques. Leur restitution a été défendue par des personnalités algériennes (l’écrivain Brahim Senouci, l’historien Mohammed Harbi) et françaises (l’universitaire Benjamin Stora ou l’écrivain Didier Daeninckx), avant d’être demandée officiellement par l’État algérien en 2018.
 

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