Commémoration

Éditorial

Une mémoire collective paresseuse

Commémorations

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 1 novembre 2021 - 368 mots

« Il n’y a plus de débats culturels », se plaignait Jack Lang dans le précédent numéro du Journal des Arts. On serait tenté de dire qu’il en est de même pour les commémorations nationales.

Destruction de la statue de Napoléon qui trônait au sommet de la colonne Vendôme durant la Commune de Paris, en mai 1871, photographie d'Eugène Disdéri. Domaine Public
Destruction de la statue de Napoléon qui trônait au sommet de la colonne Vendôme durant la Commune de Paris, en mai 1871.

« Tenté », car à l’heure de l’envahissement des réseaux sociaux dans le champ médiatique, il est bien difficile de prendre la mesure réelle des débats ; il appartient aux sociologues et historiens du futur de le faire sur le temps long. Mais enfin, mis à part quelques agitations éphémères et limitées à une poignée de « sachants », il nous semble que les célébrations de personnalités ou événements historiques provoquent moins de manifestations dans les rues que les réformes des retraites. Pour limiter encore plus les risques après « l’affaire Maurras », Emmanuel Macron a même confié à l’Institut de France, jugé plus neutre, le soin de lister les commémorations nationales jusqu’alors du ressort du ministère de la Culture. « L’affaire Mauras », pour ceux qui l’ont oubliée, c’est la polémique provoquée par le retrait par l’ex-ministre Françoise Nyssen du fondateur de l’Action française de la liste des commémorations de 2018. Notre éditorialiste Pascal Ory avait alors publiquement, avec d’autres, marqué son mécontentement.

Emmanuel Macron est cité ici, car comme tous les présidents avant lui, ses prises de position font caisse de résonance. S’ajoute parfois l’agacement de telle ou telle partie de la population à l’égard de la personnalité du président, agacement qui trouve dans le choix des commémorations matière à s’exprimer – les symboles comme chacun sait sont propices aux embrasements. L’Algérie, les restitutions d’objets culturels ou cultuels à l’Afrique provoquent toujours autant de remous, mais ils restent contenus. D’autant que le président, comme ses prédécesseurs, est prompt à s’emparer des événements fédérateurs qui chassent les polémiques : décès, panthéonisation, ouverture de musée.

Autre indice de cette atonie : le peu de réactions à son silence à l’égard des 150 ans de la Commune et – situation inverse – à son discours à l’occasion du bicentenaire de la mort de Napoléon, personnage complexe et controversé. Tout cela s’explique pour beaucoup par le flux incessant d’informations qui noient les célébrations : 140 journées internationales, une cinquantaine de commémorations nationales, plus des dizaines de célébrations diverses et variées. Un flux qui rend tout éphémère.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°576 du 29 octobre 2021, avec le titre suivant : Une mémoire collective paresseuse

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