Les vues de Cézanne sur la Sainte-Victoire menacées

Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). 2025 est l’année Cézanne pour Aix-en-Provence : la ville provençale a investi largement dans la rénovation de deux lieux liés à l’histoire du peintre (son atelier et le Jas de Bouffan) ainsi que dans une grande exposition, présentée au Musée Granet (jusqu’au 12 octobre). « Célébrer d’un côté et détruire de l’autre », fustige Julien Lacaze, président de l’association Sites & Monuments : avec trois autres associations, il dénonce un vaste projet de développement immobilier prenant place au pied de la célèbre montagne Sainte-Victoire. Au printemps, les associations ont déposé un recours pour stopper ce vaste projet de ville nouvelle, affichant une surface totale de 326 000 m2.

Située entre deux autoroutes, au sud de la Fondation Vasarely et tout près du Jas de Bouffan – la maison d’enfance de Cézanne –, la future ZAC de la Constance s’étend sur 90 hectares de terres agricoles. Cette réserve foncière fait depuis longtemps l’objet d’une réflexion pour la Ville d’Aix, qui s’est concrétisée en 2016 par un concours pour la maîtrise d’œuvre urbaine de la ZAC, concours remporté par l’agence Devillers et associés. Mais depuis, la Ville et les futurs promoteurs de la zone ont trouvé sur leur chemin une petite association, Sauvegarde des Paysages de Cézanne, qui recense patiemment les points de vue où le peintre a posé son chevalet et se situant dans l’emprise du projet.

Sur ce plateau donnant directement sur la montagne Sainte-Victoire, l’association dénombre désormais une cinquantaine de points de vue depuis lesquels Cézanne a peint des œuvres aujourd’hui accrochées dans les plus grands musées du monde. « La municipalité d’Aix-en-Provence s’apprête, en catimini, à détruire, aux portes de la bastide du Jas de Bouffan, rénovée à grands frais, où il vécut, le site de la Constance et les dernières perspectives cézaniennes à la source du génie du peintre », dénonce le communiqué de presse commun aux associations.

L’enjeu de ce site dépasse l’histoire de l’art, et les deux associations de défense du patrimoine sont alliées dans ce combat à France Nature Environnement (FNE) et Arc Fleuve Vivant pour mettre un frein à ce projet. « Chaque association a son domaine d’expertise et nos arguments s’ajoutent, explique Julien Lacaze. C’est particulièrement intéressant, notamment avec FNE, une association avec laquelle nous ne sommes pas toujours d’accord. »

Sites & Monuments a cette fois parfaitement épousé l’argumentaire environnemental de FNE, qui dénonce les dérogations à l’interdiction de destruction d’espèces protégées accordées en mars dernier par la préfecture pour ce projet : quelque 174 espèces faunistiques, 216 espèces floristiques sont en effet menacées, dont 40 sont protégées. « C’est un dossier emblématique, où l’on retrouve beaucoup de problématiques actuelles : la non-artificialisation des sols, la préservation des zones humides et la préservation d’un paysage pittoresque au premier sens du mot », énumère Julien Lacaze.