Patrimoine

Les grandes ambitions du Jas de Bouffan

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 11 septembre 2025 - 770 mots

La Ville a achevé la première phase de restauration. Un chantier patrimonial qui se veut exemplaire, pour un site qu’elle souhaite devenir incontournable.

La demeure de Paul Cézanne jusqu'en 1899, Bastide du Jas de Bouffan à Aix-en-Provence. © Michel Fraisset
La demeure de Paul Cézanne jusqu'en 1899, Bastide du Jas de Bouffan à Aix-en-Provence.
© Michel Fraisset

Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Quel genre de peintre Cézanne souhaitait devenir à 20 ans ? La réponse à cette question se cachait derrière les enduits d’une vaste bâtisse à la sortie du centre-ville d’Aix-en-Provence, et n’aurait pu jamais être révélée si Louis-Auguste Cézanne avait interdit à son fils de dessiner sur les murs. Au fil de plusieurs campagnes de sondages et de restauration commandées par la Ville, les vestiges de grandes peintures murales apparaissent dans le Jas de Bouffan, cette propriété agricole dans laquelle le jeune Paul a grandi.

Ce sont les coups d’essai de celui qui est appelé à révolutionner son art : dans le salon du Jas, le public découvre les fragments d’un programme assez ambitieux autour des quatre saisons. Au fil des sondages, ce cycle est reconstitué par fragments, celui d’une entrée de port, ou un médaillon peint découvert au printemps. Des fragments qui permettent à la Ville d’étoffer son patrimoine Cézanne, célébré cet été par l’année événement et une exposition au Musée Granet.

Mais au-delà de cette programmation 2025, la Ville souhaite faire du Jas de Bouffan un site patrimonial incontournable de la région, en y investissant plus de 10 millions d’euros, et en envisageant un objectif de 120 000 visiteurs par an. « On est à l’aube de la création d’un site patrimonial majeur, une des plus belles maisons d’artistes du pays », promet Pierre Laforest, recruté l’été dernier pour administrer les sites cézanniens de la Ville. L’année « Cézanne 2025 » offre aux visiteurs un avant-goût de ce que sera cette expérience, en ouvrant le rez-de-chaussée aux visites guidées. Un succès, avec des jauges remplies à 100 % et un objectif de 44 000 visiteurs qui sera largement excédé.

Cette ouverture minimale ne correspond toutefois pas à ce que la Ville avait envisagé dans un premier temps : allant de surprise en surprise durant le chantier de restauration, Aix-en-Provence a fait le choix de la prudence. « On a préféré ouvrir moins de choses, plutôt que d’ouvrir mal et causer des dégâts irréversibles », explique le gestionnaire du lieu. Les vestiges du programme pictural qui ornaient le grand salon ont conduit la Ville à considérer chaque mur de la bastide comme un potentiel élément patrimonial : chacune des pièces a fait l’objet d’études préalables, à travers des coupes stratigraphiques permettant de remonter le temps, et de retrouver les états « Cézanne » du décor intérieur. Un travail long et fastidieux, tout comme l’ont été le dégagement et la restauration des éléments peints, réalisés par l’atelier Sinopia.

Une première phase s’est achevée peu avant l’ouverture de la saison 2025, avec la reprise structurelle de planchers fragiles, le traitement du clos et du couvert et l’adaptation aux normes de cette bâtisse vieillissante pour accueillir le public. Celui-ci peut d’ores et déjà découvrir le grand et le petit salon, ainsi que la cuisine, dans laquelle un dispositif de médiation projeté permet de comprendre les péripéties du grand décor retrouvé, dont des pans entiers ont été arrachés et conservés dans des collections privées.

Durant les phases deux et trois du chantier (qui se dérouleront lors de l’hiver 2025-2026, et 2026-2027), des choix de restauration complexes devront être tranchés, comme dans cette chambre à l’étage où les papiers peints du XIXe siècle ont été retrouvés. Assisté par la DRAC, le service patrimoine d’Aix devra déterminer s’il faut restituer ce décor avec des papiers peints neufs, ou restaurer ceux qui sont toujours en place. « Un vrai choix éthique, et financier, souligne Pierre Laforest. Une restitution, c’est un coût important, mais une restauration, c’est un coût énorme ! »

Les chantiers à venir

À l’automne, la Ville pourra déjà ouvrir deux nouveaux équipements dans le vaste parc de la bastide (voir ill.), un amphithéâtre ainsi qu’un corps de ferme accueillant l’espace pédagogique, les locaux du centre cézannien de recherche et les archives du catalogue raisonné de l’artiste. Il faudra ensuite attendre 2027 pour que le site se dote de son pavillon d’entrée définitif, remplaçant les installations temporaires utilisées cet été.

Faisant gravir au visiteur le dénivelé qui existe entre l’avenue de l’Europe et le domaine, ce pavillon, conçu par l’agence Huit et demi, sera un peu plus qu’un abri pour les intempéries, en cadrant dès l’arrivée les points de vue sur le jardin peint par Cézanne. L’aménagement muséographique finalisé en 2027 dans le Jas se déclinera en trois thématiques : l’histoire de la bastide, les quarante années que Cézanne y aura passées, et sa restauration actuelle. Une façon, pour la Ville, de valoriser ce vaste chantier patrimonial qu’elle souhaite exemplaire.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°660 du 5 septembre 2025, avec le titre suivant : Les grandes ambitions du Jas de Bouffan

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