Foire & Salon

Le profil des foires européennes selon les galeries qui y participent

Par Elisabetta Lazzaro et Nathalie Moureau · Le Journal des Arts

Le 9 juillet 2018 - 1298 mots

Elisabetta Lazzaro et Nathalie Moureau terminent leur analyse des foires d’art contemporain en étudiant le nombre de galeries qui exposent dans plusieurs foires européennes à la fois. Une enquête d’où émerge la figure tutélaire d’Art Basel. Données fournies par Artfacts.net .

Paris Photo au Grand Palais
Paris Photo au Grand Palais
© Florent Drillon, 2017

Plus de la moitié des foires d’art contemporain qui se tiennent dans le monde ont lieu en Europe (56 %). Cette prolifération n’a pas été sans conséquence sur leur positionnement et leurs stratégies de rapprochement. Quelle cartographie se dessine ? Pour dresser ce portrait, une sélection de treize foires a été opérée, retenant les trois plus importantes que sont la Fiac (Foire internationale d’art contemporain), Art Basel et Frieze ; les historiques Art Cologne, Art Brussels, Arco et Arte Fiera ; les nationales Art Athina et Viennafair ; et les foires Loop, Paris Photo, Liste et Artissima, qui portent sur des secteurs spécifiques ou ciblent l’art émergent.

Un noyau d’une petite quinzaine de galeries fréquente assidûment les foires européennes, participant à cinq ou six de celles précitées. La galerie Lelong fait partie de ce noyau, de même qu’Air de Paris et Jocelyn Wolff. Les galeries américaines sont quasi absentes de ce groupe dominé par les galeries européennes, exception faite de David Zwirner et Marlborough États-Unis. Parmi les foires systématiquement fréquentées par ce groupe de galeries, deux s’en dégagent : Art Basel et la Fiac. Art Basel est ainsi fréquentée par treize des quatorze galeries du noyau, et la Fiac par douze. Dans le classement des foires prisées viennent ensuite Arco et Artissima.

Si Art Brussels et Art Cologne faisaient également partie des foires attirant un noyau d’aficionados en 2010, elles semblent avoir perdu une partie de leur pouvoir d’attraction en 2015. Art Brussels, qui était en deuxième position des foires dans lesquelles étaient présentes les galeries très actives, passe en cinquième position en 2015, derrière Art Basel, la Fiac, mais aussi Arco et Artissima. De façon symétrique, Paris Photo, bien que ciblée sur un médium particulier, prend du poids au cours de la période, et tandis qu’une seule des galeries formant le « pool » en 2010 y était présente, six sur quinze y ont participé en 2015. Loop suit de plus loin cette occupation de terrain des foires spécialisées. Viennafair – qui a fermé depuis – et Arte Fiera sont en revanche peu représentées.
 

Bâle, un modèle à suivre

Avec le temps, la cartographie des foires européennes évolue. Plusieurs accueillent en leur sein un nombre croissant de galeries présentes à Bâle. La Fiac est celle pour laquelle l’évolution est la plus marquée : entre 2010 et 2015, le nombre de galeries communes avec Bâle passe de 89 à 115. Le rapprochement est aussi notable pour Art Cologne, qui présente 37 galeries en doublon avec Bâle en 2010 et ensuite 47 en 2015. On retrouve également dans la sélection d’Arco, de Paris Photo et de Loop un nombre croissant de galeries présentes à Bâle.

D’autres foires au contraire prennent de la distance par rapport à la sélection opérée par Art Basel ou plus vraisemblablement peinent à attirer ces galeries. Les cas qui se distinguent le plus sont Art Brussels, où le nombre de galeries communes avec Art Basel a chuté de 40 à 17 entre 2010 et 2015, et Arte Fiera, qui est passé de 13 à 7 galeries. Les galeries communes à Frieze et Artissima avec Art Basel sont légèrement en baisse (surtout si l’on tient compte de l’accroissement du périmètre de la foire italienne), même si encore plus de la moitié des galeries présentes à la foire londonienne sont également à Bâle en 2015.

Le nombre de galeries présentes dans deux ou plusieurs foires européennes dessine une cartographie très diverse. Selon les foires on constate entre 2010 et 2015 des mouvements qui favorisent pour certains l’homologation, pour d’autres l’émergence, ou encore la prise de distance comme l’illustrent les tableaux ci-après. Au-delà des mouvements opérés autour de la figure centrale d’Art Basel, un mimétisme est à l’œuvre entre la Fiac et Frieze (de 42 à 60 galeries communes). On assiste en outre à un phénomène autour d’Arco, dont le nombre de galeries partagées avec une série de foires enregistre des augmentations notoires (la Fiac passe de 15 à 28 galeries communes avec la foire espagnole ; Frieze de 11 à 18 ; Art Cologne de 21 à 27 ; Artissima de 9 à 33 ; Paris Photo de 8 à 15 ; Art Brussels de 23 à 30 ; Liste de 2 à 12 !).

De façon similaire, le nombre de galeries communes entre Paris Photo et plusieurs foires s’accroît. Il s’agit de la Fiac (qui passe de 4 à14 galeries en commun avec la foire de photo), Frieze (de 1 à 8 galeries), Art Cologne (de 5 à14 galeries), Artissima (de 2 à 8 galeries), Art Brussels (de 10 à 17 galeries), Arte Fiera (d’aucune à 3 galeries), Loop (de 3 à 6 galeries), et Liste (d’aucune à 2 galeries). En revanche, on observe des prises de distances relatives entre Frieze et ses consœurs Art Cologne (30 à 22 galeries en commun), Artissima (29 à 28 galeries en commun, relativement à l’expansion de la foire italienne) et Art Brussels (26 à 10 galeries en commun). Quant à cette dernière, elle s’éloigne aussi de la Fiac (46 à 19 galeries en commun). Enfin, Arte Fiera s’écarte avec le temps des foires majeures.
 

Les foires à l’écart

Deux foires du groupe étudié n’ont que très peu de liens avec leurs consœurs, Art Athina et Viennafair. Dans le cas d’Art Athina, cela peut-être en partie imputable au faible nombre de galeries accueillies par la foire qui réduit le nombre de doublons potentiels. On observe sur les cinq ans une diminution du nombre de galeries communes à la foire grecque et aux autres foires. La marginalisation de Viennafair (qui a tenu sa dernière édition en 2015) est aussi visible. Non seulement le nombre de galeries accueillies a diminué de moitié entre 2010 et 2015, mais elle ne présente quasiment aucune galerie en commun avec les autres foires. S’aligner ou disparaître, tel est le dilemme qui semble s’imposer aujourd’hui aux foires européennes.

Les 15 galeries participant à cinq ou six foires européennes, à laquelle il est fait allusion dans l’article sont les suivantes : Galleria Continua-San Gimignano (Italie), Mai 36 (Suisse), Air de Paris (France), David Zwirner (État-Unis), Ellen de Bruijne Projects (Pays-Bas), Galerie Gregor Podnar (Allemagne), Galerie Jocelyn Wolff (France), Galerie Krinzinger (Autriche), Galerie Lelong (France), Galleria Massimo Minini (Italie), Marlborough (Royaume-Uni, État-Unis), Peres Projects (Allemagne), Richard Saltoun (Royaume-Uni), Sprüth Magers (Allemagne)
 

Tableau comparatif des Foires - 2018 - le Journal des Arts
Ce tableau se lit ainsi : 115 galeries exposantes à la Fiac 2015 exposent également à Art Basel 2015 (qui accueille 285 marchands dans sa section principale). Ou encore, 18 galeries sont présentes à la fois à Frieze London 2015 et à Artissima 2015
43 % des foires nées entre 2000 et 2010 n’existent plus
Le taux de création de foires élevé va de pair avec un taux de cessation d’activité également important, ce qui est moins mis en avant. Parmi les foires qui ont vu le jour entre 2000 et 2010, 43 % ont ainsi mis la clé sous la porte aujourd’hui (source : Lazzaro et Moureau avec des données Artfacts.net), que ce soit en Europe ou à l’international, les évolutions sont similaires. Certaines font rapidement un constat d’échec, 9 % des foires créées depuis le milieu des années 1960 n’ont connu qu’une, voire deux éditions. Pour d’autres, c’est après plusieurs années d’existence et avoir montré leurs capacités à rassembler un public que la fermeture s’impose. Tel a été le cas de l’audacieuse Art Forum Berlin, qui a disparu après une quinzaine d’années d’existence. Et ce n’est pas un cas isolé, Art Frankfurt a cessé son activité en 2015 après s’être tenue pendant dix-huit années et Art Vienna a également fermé après dix éditions. La disparition des foires, lorsqu’elle intervient, se produit cependant en général après un laps de temps plus réduit, en moyenne trois ou quatre ans (source : Lazzaro et Moureau avec des données Artfacts.net).
Elisabetta Lazzaro et Nathalie Moureau
 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°504 du 22 juin 2018, avec le titre suivant : Le profil des foires européennes selon les galeries qui y participent

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