Art contemporain

ENTRETIEN

Florence Berthout va doter le Frac Île-de-France de réserves enfin adaptées

Florence Berthout, maire du Ve arrondissement de Paris et présidente du Frac IDF : « J’ai trouvé à mon arrivée une équipe formidable, mais avec un point noir, les réserves »

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 17 novembre 2018 - 1452 mots

PARIS

Sous l’impulsion de la Région et de la présidente du Fonds régional d’art contemporain, celui-ci aura enfin des réserves dignes de ce nom en 2020 à Romainville.

Florence Berthout
Florence Berthout
© Photo ensad / Mathieu Faluomi

Surtout connue du grand public pour mener une partie de l’opposition à Anne Hidalgo à la Ville de Paris, Florence Berthout préside le Fonds régional d’art contemporain (Frac) depuis 2016. Son parcours professionnel a souvent croisé celui de la culture.

Pourquoi Valérie Pécresse vous a-t-elle proposé la présidence du Frac d’Île-de-France ?

Parce que j’ai une passion pour la culture, qui traverse une grande partie de ma carrière professionnelle et que j’en avais très envie. La présidente de la Région a effectivement proposé mon nom au conseil d’administration du Frac, que les personnalités qualifiées ont ensuite validé à l’unanimité. C’est aujourd’hui un grand bonheur et un immense honneur de présider cette formidable institution. Pour revenir à ce fil rouge que représente la culture dans mon parcours, j’ai été responsable mécénat de Dexia, le premier mécène du spectacle vivant. Dans le cadre de mes fonctions auprès du président du Sénat, j’ai lancé les expositions de photographies sur les grilles du jardin du Luxembourg. Je suis également à l’origine de l’Opéra en plein air qui prépare sa 19e édition. Enfin, j’ai été pendant près de neuf ans, directrice générale du parc et de la Grande halle de la Villette. Quand j’ai été élue maire du 5e arrondissement de Paris en 2014, j’ai voulu enrichir le programme culturel de la mairie en créant en 2015 le festival Quartier du livre, qui est devenu le rendez-vous annuel incontournable des amoureux de l’écrit.

On vous connaît surtout comme une opposante active à la Mairie de Paris !

Le paradoxe est qu’il très difficile de parler culture en politique, l’inverse n’étant pas vrai. Pour un intellectuel, un politique est toujours suspect d’instrumentalisation quand il a des idées dans ce domaine et qu’il veut les mettre en application. Or la culture est pour moi un socle autant qu’une saine respiration. Faire de la politique sans une appétence particulière pour la culture, ce serait aussi incongru pour moi qu’un pâtissier qui ferait des recettes de cuisine sans connaître ses aliments.

Quel bilan avez-vous fait du Frac à votre arrivée en 2016 ?

J’ai trouvé à mon arrivée une équipe formidable, investie et reconnue. Mais avec un point noir, l’état des réserves. Elles sont beaucoup trop petites (350 mètres carrés), les œuvres s’y abîment et elles ne sont pas adaptées au déplacement des œuvres. La majorité précédente a beaucoup promis, mais en dix-huit ans elle n’a jamais sorti ce dossier de l’ornière où il était enterré. Je me suis beaucoup investie dans ce projet et avec le soutien de la présidente de la région et de la vice-présidente Agnès Evren, nous disposerons en 2020 de nouvelles réserves de 2 000 mètres carrés à Romainville, en Seine-Saint-Denis, dans un lieu aménagé par le promoteur Fiminco qui veut bâtir un écosystème de l’art contemporain avec des galeries, des lieux d’expositions, des ateliers d’artistes. La particularité de ces réserves est qu’à l’instar de celles du Mucem à Marseille, une large partie des espaces sera directement accessible au public (près d’un quart de la surface du bâtiment), avec notamment un espace d’exposition de 300 mètres carrés sur deux niveaux. Nous tenons beaucoup à cette ouverture au public à Romainville, car il est dans la mission des Frac, surtout celui d’Île-de-France (IDF), de montrer de l’art contemporain dans des zones sous-équipées. L’investissement s’élève 4,40 millions d’euros hors taxes, financé à moitié par l’État et la Région. Le budget supplémentaire de fonctionnement sera de l’ordre de 160 000 euros qui restent encore à financer. Nous espérons avoir de l’aide de la Ville et du Département.

Vous dites être très attachée à la médiation ?

Les élites, dont je fais partie aujourd’hui, alors que j’ai grandi en Haute-Vienne, ont un rapport faussé à l’art, car elles ne mesurent pas le chemin, au sens propre et figuré, pour y avoir accès. Le rapport à l’œuvre est forcément lié à son vécu, à son capital culturel mais pas autant que ce qu’affirme Bourdieu. Je pense que la politique de diffusion hors les murs des Frac peut aider à sensibiliser tous les publics à l’art, y compris les moins favorisés, avec la même exigence pour tous.

D’où l’idée des malles ?
Flash collection
Projet Flash Collection - Module itinérant réalisé par l’artiste Olivier Vadrot : une malle rouge à roulettes contenant six miniatures d’œuvres contemporaines issues de la collection du Frac Ile-de-France © Photo Martin Argyroglo
© Photo Martin Argyroglo

« Flash Collection » est une grande nouveauté. L’Éducation artistique et culturelle (EAC) tenait une place importante dans le programme culture de Valérie Pécresse. Nous avons pu, grâce au soutien de la Région, lancer ce nouveau projet ambitieux et innovant. Il s’agit littéralement de malles transportables qui contiennent des œuvres contemporaines. Je crois beaucoup au dialogue entre contenu et contenant. Quand on arrive dans une classe et que le médiateur sort les œuvres de la malle, cela éveille tout de suite l’intérêt des élèves. C’est aussi une façon de parler d’art contemporain en le désinhibant. Grâce au mécénat d’Engie qui s’engage à donner 150000 euros par an pendant trois ans, nous pouvons recourir à davantage de médiateurs et ainsi en faire profiter plus de scolaires, notamment dans les lycées techniques. Le Frac touche ainsi 50 lycées par an.

Intervenez-vous dans la politique d’achat du Frac ?

Pas du tout et je revendique de ne pas m’en mêler. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir un avis que je n’hésite pas à donner à Xavier Franceschi, le directeur du Frac. Nous sommes tous les deux très complémentaires. Moi, je joue un rôle politique, je suis là pour défendre le Frac, par exemple sanctuariser le budget d’acquisition qui est de 305 000 euros par an, intégralement pris en charge par la Région. Je sais que parfois on conteste les acquisitions des Frac, mais c’est leur mission de prendre des risques et de ne pas être totalement alignés avec le marché. Il faut assumer ces risques qui peuvent parfois être des échecs. En ce moment, au château de Rentilly, le principe de l’exposition consiste à exposer tous les artistes dont le nom commence par la même lettre – le L –, qui fut tirée au hasard. Par ce mode opératoire inédit, point de hiérarchie. On voit que certaines œuvres ont du souffle, d’autres non. Il faut également avoir un œil sur des artistes confirmés. Le fait est que la collection du Frac IDF comprend nombre d’ensembles d’artistes devenus aujourd’hui incontournables.

Où en est-on de la dotation de la Ville au Frac ?

Le litige n’est pas tout à fait apaisé. La Ville a hélas réduit pour des raisons purement politiciennes son aide au Frac alors même que le cœur battant du Frac est dans le 19e arrondissement, dans un quartier marqué par une grande mixité sociale. Mais j’entretiens de bonnes relations avec Christophe Girard que je connais depuis longtemps et pour qui j’ai de l’estime. J’ai demandé à le voir pour avancer sur ce dossier et trouver une solution. Je souhaiterais une contractualisation sur des objectifs précis que je n’ai jamais eus auprès de l’ancien adjoint, par exemple sur le nombre de structures partenaires parisiennes – une quarantaine aujourd’hui – de l’école à l’université en passant par les centres de loisirs.

Avez-vous suggéré d’installer les « tulipes » de Jeff Koons devant le Panthéon ?
Bouquet of Tulips Jeff Koons
Le projet du Bouquet of Tulips de Jeff Koons
© Jeff Koons / Noirmontartproduction

[Rires] Non certainement pas, non seulement le 5e arrondissement est une zone protégée, mais l’esplanade devant le Panthéon est très utilisée. Ceci dit, si Koons est un immense artiste, je suis toujours un peu gênée par un cadeau qui oblige celui qui le reçoit. Quand on fait un cadeau, on ne décide pas de l’endroit où il va trôner. Quant au Petit Palais, pourquoi pas ? On pourrait également installer la sculpture dans les lieux du programme « Réinventer Paris », par exemple dans le vaste projet de réaménagement de la gare d’Austerlitz.

Week-end portes ouvertes dans les 23 Fracs

Samedi 17 et dimanche 18 novembre, les 23 Fracs (Fonds régional d’art contemporain) resteront ouverts pour un week-end qui se veut festif et enrichissant. Au programme : des visites commentées, des ateliers pour enfants, des concerts, des performances et bien sûr, un accès aux nouvelles expositions. Pour la troisième édition de la manifestation, coordonnée par l’association Platform et sa secrétaire générale Julie Binet, les Fracs ont été invités à convier une personnalité régionale. Une façon de donner un visage à un art parfois hermétique et désincarné. Les Fracs ont plus ou moins joué le jeu. Les Rémois pourront ainsi dialoguer avec le chef étoilé Philippe Mille ; les Dunkerquois avec l’artiste Jef Aérosol ; les Nantais avec le navigateur Thomas Coville ; les Angoumois avec l’humoriste Benoît Delépine… Décidément très inventifs et soucieux de conquérir le grand public, ils offriront à chaque visiteur une bande dessinée de Simon Roussin racontant de manière poétique la diversité des lieux. 

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°510 du 2 novembre 2018, avec le titre suivant : Florence Berthout, maire du Ve arrondissement de Paris et présidente du Frac IDF : « J’ai trouvé À mon arrivée une équipe formidable, mais avec un point noir, les réserves »

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