Restitutions

Rapport Sarr-Savoy, une vision radicale des restitutions

Le rapport Sarr-Savoy préconise un vaste retour d’œuvres vers les pays africains

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 28 novembre 2018 - 560 mots

PARIS

Le rapport préconise de rendre aux pays africains tous les objets emportés avant 1960 sans le consentement de leurs propriétaires ou gardiens et de modifier en ce sens le Code du patrimoine.

Paris. Le Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelle remis le 23 novembre par l’économiste sénégalais Felwine Sarr et l’historienne de l’art française Bénédicte Savoy à Emmanuel Macron jette un pavé dans la mare des musées français en préconisant la restitution de milliers d’objets africains présents dans les collections françaises.

Pour expliquer leur vision maximaliste des restitutions, les deux auteurs se fondent « sur le constat, souvent formulé par les experts, selon lequel la quasi-totalité du patrimoine matériel des pays d’Afrique situés au sud du Sahara se trouve conservée hors du continent africain ». Revenant longuement sur l’histoire de la formation des collections françaises d’art africain, le rapport met en lumière les différents modes d’appropriation, depuis les expéditions militaires du XIXe siècle jusqu’aux missions ethnographiques du début du XXe siècle et au trafic illicite d’œuvres d’art après 1960. Ces appropriations jugées immorales rendraient illégitime la propriété pourtant légale des biens ainsi acquis.

Sarr et Savoy proposent ainsi des « critères de restituabilité » : « trophées militaires » et butins de guerre du XIXe siècle, objets et archives issus des missions d’exploration coloniale avant 1960 « à moins que n’existent des témoignages explicites du plein consentement des propriétaires ou gardiens des objets au moment où ils se séparent de tel ou tel d’entre eux », et objets issus des legs et des dons d’agents de l’administration coloniale ou de leurs descendants.

« Présumés acquis dans des conditions inéquitables »

Sur les 70 000 objets des collections africaines du Musée du quai Branly, 46 000 objets sont entrés dans les collections avant 1960 et pourraient donc entrer dans cette grille de « restituabilité ». Pour ces types d’objets, Sarr et Savoy se prononcent pour une « restitution rapide, et sans recherches supplémentaires de provenance, des objets prélevés en Afrique par la force ou présumés acquis dans des conditions inéquitables » et le « maintien dans les collections françaises des pièces africaines dont il est établi qu’elles ont été acquises à la suite d’une transaction fondée sur un consentement, à la fois, libre, équitable et documenté ». Les restitutions s’effectueraient sur demande de chaque État africain concerné, le rapport préconisant la « création de commissions paritaires entre la France et chacun des États africains désireux de recouvrer leur patrimoine » sous l’égide du ministère de la Culture et du ministère des Affaires étrangères.

Enfin, les auteurs proposent la création d’un dispositif juridique inséré dans le Code du patrimoine, « dans le chapitre 2 du Titre Ier, où serait insérée une section 5 relative à la restitution de biens culturels sur le fondement d’un accord bilatéral de coopération culturelle avec des pays anciennement colonies, protectorats ou gérés sur mandat français » définissant cet accord, dont découlerait la création d’une commission scientifique paritaire. La décision de restitution serait prise par la personne publique propriétaire des collections (ministre de la Culture pour l’État, maire pour la commune, etc.) après avis de la commission paritaire, en faveur de l’État bénéficiaire.

À l’issue de la remise du rapport, un communiqué de l’Élysée a tenté de temporiser la radicalité du rapport qui préconise des restitutions définitives. Selon le communiqué, « toutes les formes possibles de circulation de ces œuvres [seront] considérées : restitutions, mais aussi expositions, échanges, prêts, dépôts, coopérations, etc. ».

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°512 du 30 novembre 2018, avec le titre suivant : Rapport Sarr-Savoy, une vision radicale des restitutions

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