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Vol au Louvre : Laurence des Cars sur la brèche

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 31 octobre 2025 - 875 mots

La directrice est montée au créneau pour défendre le musée et son action.

Laurence des Cars. © Nicolas Guiraud / Musée du Louvre
Laurence des Cars.
© Nicolas Guiraud / Musée du Louvre

Paris. Veste noire sur une chemise blanche, ton affirmé mais empreint d’émotion, verbe clair et précis, la présidente-directrice du Louvre est montée au créneau quatre jours après le spectaculaire braquage du Louvre en répondant aux questions des sénateurs. L’indignation était forte au lendemain du vol qui a fait la Une des médias du monde entier, pour déplorer « l’image désastreuse » que cette incapacité à protéger les bijoux de la Couronne renvoyait tristement. Plusieurs voix politiques se sont élevées pour mettre en cause la ministre de la Culture et au-delà Emmanuel Macron qui a fait du Louvre un symbole fort de ses mandats.

Au centre du débat : le Louvre a-t-il failli dans sa mission de protection des œuvres qui lui sont confiées ? Mais en entretenant une certaine confusion entre d’une part les failles de sécurité de la galerie d’Apollon et d’autre part les schémas directeurs de sûreté du Louvre, ceux qui se sont exprimés sur le sujet dans les médias ou au Sénat ont brouillé la lecture du dossier.

S’agissant du vol dans la galerie, il ressort de l’audition de Laurence des Cars que les alarmes de la fenêtre et des vitrines ont bien fonctionné, et que les instructions des agents qui consistent à prévenir la police et mettre à l’abri les rares visiteurs présents à cette heure matinale ont été respectées. Celle-ci a cependant admis une« faiblesse » importante, l’absence de caméra de surveillance à l’extérieur qui aurait pu alerter sur le stationnement incongru du monte-charge. Dans les médias, on s’est interrogé sur l’utilité des quatre gardiens sans rôle dissuasif, soulignant que les agents de la société privée Securitas avaient pu, eux, empêcher les voleurs de mettre le feu à la nacelle.

Ces failles ou faiblesses – c’est selon – dans le dispositif spécifique que requiert la galerie d’Apollon, compte tenu des objets particuliers qu’ils exposent, auraient pu être identifiées très facilement depuis l’installation des bijoux… en 1887. D’autant qu’un vol similaire avait eu lieu au même endroit en 1976 (on n’a toujours pas retrouvé l’épée d’apparat pleine de diamants de Charles X) et que la galerie avait été restaurée entre 2001 et 2004. Nul besoin d’un vaste, long et coûteux schéma directeur de sécurité là où le simple bon sens suffit.

Plusieurs schémas directeurs de sécurité

Une fuite délibérée du prérapport de la Cour des comptes sur le Louvre a d’autre part fait porter le débat sur les retards dans les plans de sécurité. Il faudra attendre sa publication pour prendre la mesure des efforts des différents directeurs du Louvre en la matière. Le vol du Corot en 1998 avait été un coup de semonce entraînant un recensement des œuvres et vitrines à protéger en priorité. Il avait alors été décidé de mettre des cadres métalliques à l’arrière des tableaux pour empêcher leur décadrage par l’arrière, de placer sous verre les tableaux inférieurs à 1 m x 1 m, et de remplacer les vis de fixations avec des moyens plus solides.

Le précédent directeur du Louvre, Jean-Luc Martinez, avait mis en chantier un schéma stratégique de sûreté en 2018, comportant notamment le regroupement des divers PC de sécurité dans un seul endroit et un déploiement plus large de caméras. Quelle était l’ampleur de ce plan ? A-t-il été lancé et financé ? N’y avait-il aucun plan comme le suggère sa successeur ? Le rapport de la Cour des comptes le dira. Toujours est-il que quelques mois après son arrivée, la nouvelle directrice a fait procéder à un large audit de la sécurité du musée, suivi d’un schéma comprenant le regroupement des PC de sécurité, l’installation de nouvelles caméras et surtout la remise à niveau du câblage permettant de transporter le signal des caméras. L’audit a duré trois ans, de 2022 à 2024 et l’appel d’offres a été publié fin décembre 2024. Trois ans, est-ce beaucoup ? Cela paraît long en soi, mais pas condamnable compte tenu des autres enjeux sécuritaires : incendie, attentat, manifestations violentes, inondation. L’appel d’offres principal fixait au 30 janvier 2025 la limite de réponse et la mise en œuvre en septembre. Lors de l’audition du Sénat, on a compris que compte tenu de la complexité du dossier, cela allait prendre un peu plus de temps. Le Louvre a également indiqué que l’ordre des priorités allait être modifié et que l’aile Denon et la galerie d’Apollon étaient en tête des zones à équiper, ce que n’était pas le cas dans l’appel d’offres initial et montre bien l’angle mort que constitue cette galerie.

Laurence des Cars a réitéré la demande maintes fois formulée depuis Pierre Rosenberg et le Grand Louvre d’un commissariat de police dans l’enceinte du musée. Ce à quoi s’est opposé le nouveau ministre de l’Intérieur Laurent Nunez déclarant dans la Tribune Dimanche : « Si on commence par le Louvre, on va en mettre partout. Le commissariat actuel est juste à côté du Louvre. Dès qu’il y a eu l’alerte, en trois minutes, les policiers étaient là ». Et d’ajouter qu’un commissariat au sein du musée « n’aurait rien changé. C’est la zone la plus quadrillée de Paris. Sur le parvis, il y a des tas de gens à nous ». Mais pas sur la rue qui longe la galerie d’Apollon.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°664 du 31 octobre 2025, avec le titre suivant : Vol au Louvre : Laurence des Cars sur la brèche

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