Musée

Marie Lavandier célèbre le modèle du Louvre-Lens

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 1 avril 2022 - 875 mots

LENS

La directrice de l’antenne du Louvre dans l’ancien bassin minier, inaugurée en décembre 2012, est la cheville ouvrière d’un modèle original muséal de développement social et économique.

Marie Lavandier. © J.C Moschetti, 2020
Marie Lavandier.
© J.C Moschetti, 2020

Lens. Ce n’est pas un hasard si Emmanuel Macron a choisi le Louvre-Lens, le 2 février dernier, pour cocher la case « culture » dans sa précampagne électorale. L’antenne du Louvre dans le bassin minier qui fêtera son dixième anniversaire à la fin de cette année incarne, en effet, à la fois un modèle de démocratisation culturelle et un modèle de développement territorial. Marie Lavandier qui a succédé en 2016 à Xavier Dectot – exilé, aux dernières nouvelles, au Qatar – entame sa tournée des médias à l’occasion des 10 ans de l’institution, confortée par cette visite présidentielle.

Le Louvre-Lens, c’est un peu l’anti-Guggenheim de Bilbao. Son architecture horizontale conçue par l’agence japonaise Sanaa s’insère modestement dans le paysage, rompant avec les palais muséaux intimidants. Pour autant le Louvre-Lens, c’est d’abord le Louvre, le plus grand et prestigieux musée du monde. C’est parce que le Louvre prête ses chefs-d’œuvre pour la Galerie du temps et les expositions temporaires que le lieu est attractif. Avec 533 000 visiteurs en 2019, avant le Covid-19, il est le deuxième « musée » visité en région après les Confluences à Lyon. Une bonne partie de ces visiteurs entrent gratuitement dans la Galerie du temps, ce que Marie Lavandier veut renforcer : « Nous allons bientôt supprimer la vérification du billet d’entrée dans la Galerie du temps pour effacer l’effet de seuil », explique-t-elle. De fait 70 % des visiteurs viennent des Hauts-de-France, et 28 % de Lens ou de Béthune et Hénin-Beaumont tout proche. Cause ou conséquence, le Louvre-Lens affiche l’un des plus hauts taux de visites d’ouvriers et employés : 23 % contre 13 % en moyenne nationale.

Le Louvre-Lens n’est pas tout à fait un musée, délesté qu’il est des contraintes liées à une collection permanente (conservation, récolement…). « Le Louvre-Lens est un chevau-léger qui peut se consacrer presque entièrement à la médiation », revendique la directrice. Grâce à une équipe de médiation d’une vingtaine d’agents, aidés d’une dizaine de guides conférenciers, elle a fait des lieux un laboratoire d’expérimentation de visite pour tous les publics : livrets « français facile », cartels développés systématiques, formation des grands-parents pour les aider à accompagner leurs petits-enfants, médiateurs gratuits… Comme dans le marketing des produits de grande consommation, elle soumet la scénographie de chaque exposition à des groupes tests afin de s’assurer de leur compréhension par le grand public.

L’autre atout du Louvre-Lens est son parc de 20 hectares, qui se veut un « trait d’union » entre la ville toute proche et le musée. Établi sur le domaine d’un ancien puits de mine, le parc était peu engageant il y a dix ans. Mais avec le temps et le travail des quatre jardiniers directement rattachés au musée, il est devenu un lieu agréable de promenade, d’activités sportives, de pique-nique, un environnement propice à l’invitation à entrer dans les murs.

La reconversion du bassin minier

Le Louvre-Lens est aussi un outil de développement du territoire ; il a apporté sa pierre au plan d’ensemble de reconversion depuis la fermeture de la dernière mine dans la région en 1990. La fin de l’extraction tricentenaire dans le bassin a été un désastre économique, social et environnemental avec un chômage endémique, des friches industrielles à l’abandon et des sols pollués.

De ce point de vue, les résultats sont encore timides. Marie Lavandier s’insurge : « Le musée ne peut pas à lui seul, remplacer la mine et les mille personnes qui travaillaient dans le puits 9 ! », et se veut optimiste : « On est à un moment d’accélération du développement du territoire. » Le Louvre-Lens emploie 105 agents et aurait contribué à créer 300 emplois directs et 600 indirects. Selon Euralens et la Mission Bassin Minier, deux organisations qui coordonnent l’analyse économique et sociale du territoire, 6 100 emplois salariés privés auraient été créés entre 2012 et 2020, soit + 7 % contre 4,7 % en moyenne nationale. Tandis que la proportion d’habitants diplômés du supérieur a progressé de 38,6 %, trois points au-dessus de la moyenne nationale.

Mais pour Marie Lavandier, le plus important est ailleurs : « La plus belle création de valeur du musée est son impact positif sur l’estime de soi des habitants. » Un socle qui permet d’envisager un avenir meilleur.

L’avenir justement pour la directrice, c’est d’abord renforcer les dispositifs de médiation et développer les partenariats vers les publics empêchés (hôpitaux, prisons…). C’est aussi travailler à faire en sorte que le musée soit associé à la nouvelle Région des Hauts-de-France, et pas simplement au Nord-Pas-de-Calais. Un juste retour pour une Région qui possède les murs et finance 80 % de l’exploitation de l’Établissement public. L’avenir, c’est enfin attirer les touristes de toute la France, en faisant d’une faiblesse une opportunité : « Nous voulons solliciter des touristes, pas seulement attirés par l’art et le musée, mais aussi intéressés par la reconversion du bassin minier », explique-t-elle, rappelant que celui-ci a obtenu son inscription sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, la même année que l’installation du Louvre-Lens. Elle compte profiter des festivités qui vont perler toute cette année de commémoration pour faire passer ses messages. Le plus simple sera chanté par Alain Souchon, en juin prochain, lors d’un concert gratuit : « J’ai dix ans ».

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°586 du 1 avril 2022, avec le titre suivant : Marie Lavandier célèbre le modèle du Louvre-Lens

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