Musée

Le Louvre-Lens affirme sa personnalité

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 18 septembre 2019 - 908 mots

LENS

L’établissement a rendu public son plan d’action pour les cinq prochaines années, un plan qui assume son ancrage et son engagement local.

Lens (Pas-de-Calais). Comment adapter le Louvre-Lens à ces nouveaux enjeux du moment que sont pour la direction du musée : les nouvelles formes de citoyenneté, l’accélération des nouvelles technologies et l’urgence écologique ? Ces préoccupations communes à tous les musées prennent une dimension particulière à Lens, compte tenu de son histoire (la mine), de sa population (déshéritée) et de son territoire (peu touristique). Onze ans après le premier projet scientifique et culturel (PSC) et sept ans après l’ouverture des lieux, sa directrice, Marie Lavandier, arrivée en 2016, vient de faire approuver un nouveau PSC. « Écrit à mille mains » (ce qui se ressent dans les nombreuses répétitions), ce deuxième PSC est l’occasion de fixer quatre caps : renforcer le caractère de cité culturelle ; « cultiver la relation à chacun » ; s’engager plus encore dans la transformation du territoire et être un laboratoire muséal.

L’exemplarité de la galerie du Temps

Le diagnostic a permis d’établir des points forts à renforcer et des points faibles à corriger. La galerie du Temps est incontestablement le point fort principal et cet espace a beaucoup contribué – à juste titre – à la réputation du musée. La présentation de chefs-d’œuvre du Louvre sur un axe temporel dans une immense salle a renouvelé la présentation des collections généralistes et ouvert de nouveaux usages et expériences. Les œuvres seront entièrement changées fin 2020, et étendues géographiquement (Asie, Amérique) et chronologiquement (de la préhistoire à l’art contemporain).

L’un des bénéfices de cet accrochage est que le visiteur en voit physiquement la fin quand il entre dans l’espace, rassurant ainsi un public peu habitué aux musées. On touche là au cœur des actifs du bilan du Louvre-Lens : la démocratisation culturelle. De multiples faits et chiffres signalent des résultats encourageants dans ce registre. La gratuité d’accès à la galerie du Temps – l’équivalent des collections permanentes –, renouvelée d’année en année et pérennisée depuis octobre 2018, est un argument pour le public défavorisé : 27 % des visiteurs ne se rendraient pas au musée si l’accès à la galerie du Temps était payant. Le Louvre-Lens reçoit en moyenne 70 000 élèves (15 % des visiteurs), un chiffre qui va progresser avec la mise en place récente d’un nouveau réseau de bus reliant les trois agglomérations locales (le transport est le principal frein aux visites scolaires).

Cette exigence de démocratisation culturelle est d’autant plus forte que la population de l’agglomération est en grande difficulté sur les plans scolaire, sanitaire et économique et que le musée se prévaut d’un fort ancrage local. « Nous voulons permettre aux habitants d’être plus entiers », revendique Marie Lavandier, autrement dit : offrir une large palette de services, du cours de yoga aux espaces de coworking en passant naturellement par tous les programmes d’initiation à l’art. Un exemple : le Louvre-Lens organise des ateliers de formation pour les grands-parents désireux d’accompagner leurs petits-enfants au musée. À partir de 2021 se tiendra également chaque année un forum sur les métiers du musée. L’an prochain, une nouvelle application mobile d’aide à la visite, plus adaptée aux différents publics, sera mise en service.

À revoir : la signalétique, la prise en compte de l’histoire locale et de l’écologie

Malgré un accueil plébiscité par 87 % des visiteurs, le lieu n’est pas exempt de défauts ou d’insuffisances. La signalétique extérieure est le « talon d’Achille » du musée, le parc est sous-utilisé malgré les initiatives qui commencent à voir le jour (« Parc en fête », un marathon). La première sera revue, de même que l’organisation du hall d’accueil, tandis que plusieurs programmes et manifestations (des concerts) seront lancés afin de faire du parc « une destination en soi ».

L’autre reproche formulé par les habitants est le peu de place accordée à l’histoire de la mine et à la culture ouvrière. Ce que reconnaît bien volontiers Marie Lavandier, qui ne défend surtout pas « un geste descendant dans un lieu où il n’y a rien ». Des initiatives devraient être prises en ce sens, notamment dans le pavillon de verre, l’espace situé dans le prolongement de la galerie du Temps qui souffre d’une absence d’identité forte. La dimension écologique, l’un des trois enjeux du PSC, est prise en compte, mais au-delà de la biodiversité à favoriser dans le parc et du recyclage des déchets à augmenter, rien n’est dit sur la réduction de l’empreinte carbone. « Nous travaillons sur le sujet », affirme la directrice.

L’acte II du Louvre-Lens n’est pas une remise en cause de l’acte I, mais la prise en compte affirmée, dans les faits et le discours, de la réalité qui s’est imposée au musée. Contrairement à ce que les promoteurs du projet espéraient ou ont voulu laisser croire, l’arrivée du Louvre à Lens n’a pas provoqué un afflux de touristes fortunés permettant à l’économie locale de passer à la vitesse supérieure. Après un pic la première année à 825 000 visiteurs, la fréquentation s’est stabilisée autour de 450 000 – ce qui reste considérable pour une ville de 30 000 habitants. Dans le même temps, l’urgence sociale a conduit le musée à s’engager davantage dans la relation individuelle avec les habitants, même s’il n’a pas renoncé à attirer plus de touristes. Et comme les recettes de la billetterie sont ainsi plafonnées autour de un million d’euros et qu’un statu quo prévaut dans les financements publics, toutes les actions du nouveau PSC seront réalisées à moyens constants.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°529 du 20 septembre 2019, avec le titre suivant : Le Louvre-Lens affirme sa personnalité

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque