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La France va prêter la Tapisserie de Bayeux au Royaume-Uni

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 18 janvier 2018 - 622 mots

PARIS

Chef-d'œuvre du Moyen Âge et symbole quasi-millénaire des relations longtemps belliqueuses entre l'Angleterre et le continent, la célèbre Tapisserie de Bayeux va être prêtée par la France au Royaume-Uni, un geste fort pour renforcer les relations franco-britanniques en plein Brexit.

Tapisserie de Bayeux
Tapisserie de Bayeux - Scènes 55 & 56 - Le duc Guillaume soulève son casque et se fait reconnaitre sur le champ de bataille d'Hastings. Eustache II de Boulogne le désigne du doigt
Photo Myrabella - 2013

La Première ministre britannique Theresa May a salué mercredi cette décision. "C'est très significatif que la tapisserie vienne au Royaume-Uni (...) nous ferons en sorte que le maximum de gens puisse la voir", a-t-elle déclaré devant les députés britanniques promettant. La présidence française avait fait savoir mercredi en début de matinée qu'Emmanuel Macron et Mme May annonceraient, lors du sommet franco-britannique de jeudi près de Londres, un programme d'échange d'oeuvres, parmi lesquelles cette tapisserie relatant l'invasion de l'Angleterre par le duc de Normandie Guillaume le Conquérant.

Le musée de Bayeux doit subir d'importants travaux de restauration, une période pendant laquelle la tapisserie pourra être prêtée à une institution britannique. "Ce ne sera pas avant 2020 car c'est un objet patrimonial extrêmement fragile qui fera l'objet de travaux de restauration très importants" avant tout transport, a précisé l'Elysée. La mairie de Bayeux a de son côté évoqué la date de 2023.

Joyau médiéval de l'histoire franco-anglaise, inscrite au registre Mémoire du Monde de l'Unesco, la tapisserie relate la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, en particulier la bataille d'Hastings, le 14 octobre 1066. La tapisserie, à la fois oeuvre d'art et document historique, attire chaque année 400 000 visiteurs à Bayeux. Brodée sur une toile de lin mesurant 68,38 m, elle est constituée de neuf panneaux d'une largeur de 50 cm et de longueurs inégales.

Retour aux sources ?
Le lieu de sa fabrication reste un sujet de débat. "La tapisserie a très probablement été conçue à Canterbury, dans le Kent (dans le sud-est de l'Angleterre, ndlr), où existaient à l'époque de nombreux ateliers de broderie", déclare à l'AFP Pierre Bouet, historien médiéviste, et co-auteur d'un ouvrage sur les mystères de cette broderie du Moyen Age. "C'est un document de propagande organisé de façon éblouissante par les Normands pour justifier la conquête", ajoute cet expert, qui conteste la comparaison souvent avancée avec une bande dessinée : "Dans une BD, il n'y a qu'un temps par case, alors que dans la tapisserie, le même personnage apparaît plusieurs fois à des moments différents d'une même séquence. C'est une technique filmique".

Ce prêt à la Grande-Bretagne est donc "un retour aux sources", souligne l'historien, qui ne cache pas ses réserves sur ce déplacement. "La tapisserie est en bon état mais elle reste fragile", dit-il. Présentée dans un conteneur hermétique vitré "qui la protège des incendies et de l'humidité", la tapisserie a déjà voyagé au fil des siècles, rappelle ce spécialiste. "Napoléon l'a fait venir à Paris en 1804 pour mobiliser l'opinion publique à la conquête de l'Angleterre", et elle a également été transportée au Louvre en juin 1944, sur ordre de Hitler qui voulait "l'emporter à Berlin", rappelle-t-il.

Alors que Theresa May est en pleines négociations sur le Brexit, programmé l'an prochain, ce prêt est "un geste diplomatique extraordinaire de la part du président français", a salué sur la BBC Tom Tugendhat, député et président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des communes. L'élu suggère que le British Museum de Londres pourrait prêter en échange la Pierre de Rosette, un autre symbole des relations tumultueuses entre Paris et Londres puisqu'elle fut découverte en Egypte par les Français mais reprise par les Anglais après la défaite de Napoléon.

L'annonce a également fait sourire certains commentateurs britanniques, voyant dans ce geste français une façon de se "moquer" des Britanniques en leur prêtant le symbole d'une de leurs défaites les plus cuisantes.

Frédéric Pouchot, avec les bureaux de l'Elysée, de Rennes et de Londres

Cet article a été publié par l’AFP le 17 janvier 2018.

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