DIPLOMATIE

L’Angleterre conquise par la tapisserie de Bayeux

Perplexes ou enchantés par le prêt de la célèbre tapisserie, les médias britanniques ont vivement réagi. La broderie pourrait rester un an au British Museum.

Londres.  Ils n’en reviennent pas : le prêt de la tapisserie de Bayeux au Royaume-Uni, annoncé par le président Emmanuel Macron lors du sommet franco-britannique du 18 janvier, a surpris les médias britanniques. The Telegraph rappelle à ses lecteurs que « c’est la broderie la plus célèbre au monde ». Le critique artistique du Guardian y voit comme « une fenêtre tellement humaine sur un monde pas si différent du nôtre après tout, un âge de cruauté et de comédie, de petits plaisirs et de morts soudaines ». Il estime donc devoir « être ravi » de recevoir « ce prêt vraiment généreux et excitant ». Surtout, comme l’indique The Times, que « c’est la première fois depuis le XIe siècle que la tapisserie quittera la France ».

Tous n’ont pourtant pas vu le contexte de ce prêt d’un bon œil. L’un des responsables du Times avance que c’est une diversion du président français pour faire oublier qu’il a dans le même temps réclamé et obtenu de Londres une rallonge financière de 50 millions d’euros pour la supervision de la zone de Calais. D’autres, comme l’influent journaliste de télévision Robert Peston, expliquent que « prêter au Royaume-Uni une magnifique description de la dernière fois que ce pays a été envahi est une merveilleuse blague gauloise d’Emmanuel Macron ». Et tous indiquent plus ou moins finement leur certitude que la tapisserie a été réalisée au Royaume-Uni et qu’elle rentre donc « enfin à la maison »– même si dans les faits son origine demeure inconnue.

Une copie sommaire réalisée au début du XIXe siècle

Après sa rénovation – qui pourrait durer jusqu’à 2022 – l’œuvre du XIe siècle, qui raconte la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant, devrait rejoindre le British Museum à Londres pour au moins un an. Elle serait exposée dans sa collection de la période anglo-saxonne. Le musée dispose déjà d’un livret de gravures coloriées à la main représentant l’intégralité des 68 mètres de la tapisserie. Celui-ci a été imprimé à partir de moulages en plâtres de la tapisserie réalisés entre 1816 et 1819 par l’antiquaire anglais Charles Stothard, envoyé à Bayeux sur ordre de la société des antiquaires de Londres. Comme l’avait indiqué dans un article publié en 2007 Michael Lewis, depuis devenu l’un des responsables du département Royaume-Uni, Europe et préhistoire du British Museum : « Les méthodes de Stothard étaient primitives, selon des critères modernes : il avait pressé de la cire sur la tapisserie, puis l’avait enlevée. Cela avait produit des moules à partir desquels il avait réalisé des moulages en plâtre. Ils étaient ensuite peints pour ressembler aux couleurs de l’original. »

Deux cents ans plus tard, Michael Lewis a promis de porter la plus grande attention à la tapisserie. « Le travail de Stothard était une mauvaise idée, mais à cette époque les gens faisaient des choses que nous ne ferions pas aujourd’hui. » Encore faut-il que les autorités décident de la placer dans son musée : English Heritage, l’entité qui gère le patrimoine national, estime qu’elle devrait être exposée sur les lieux de la bataille d’Hastings, son thème, et non pas dans un musée de la capitale déjà submergé de visiteurs.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°494 du 2 février 2018, avec le titre suivant : L’Angleterre conquise par la tapisserie de Bayeux

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