Politique culturelle

À quoi sert une « capitale européenne » ?

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 19 février 2024 - 423 mots

Label. Le rapport – récemment mis en ligne – du jury qui a désigné Bourges comme « Capitale européenne de la culture 2028 », rappelle en préambule que les critères de sélection ont radicalement changé depuis Lille 2004 et Marseille-Provence 2013, indiquant en particulier que les programmes doivent dorénavant s’inscrire dans une stratégie municipale à long terme. Mais il reste flou sur les objectifs d’une Capitale.

L'Hôtel des Échevins à Bourges abrite le Musée Estève. © Patrick, 2012, CC BY-SA 2.0
L'Hôtel des Échevins à Bourges abrite le Musée Estève.
Photo Patrick, 2012

Le paradoxe, s’agissant des deux dernières Capitales françaises, est que précisément le label « ancienne mode » a enclenché chez elles une dynamique culturelle avérée. Aujourd’hui, profiter du label pour lancer de nouveaux équipements est devenu un tabou alors que la construction à Marseille du Mucem [Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée] et de la Villa Méditerranée (outre la rénovation de nombreux musées marseillais) a été structurante pour la ville. Les candidats pour 2028 se sont interdits d’envisager de nouveaux équipements, mais combien d’entre eux ont un musée d’art contemporain ? aucun !

Il semble que le jury se satisfasse d’un programme se limitant à un vaste Erasmus, qui nouerait des collaborations et des échanges entre les milieux culturels européens, et qu’il se désintéresse de l’attractivité de l’offre auprès des touristes. Qui connaît les trois Capitales 2024 (il y en a trois, ce qui est beaucoup pour une Capitale par définition unique) ? Qui a envie d’aller en vacances à Bodo en Norvège ? Qui a vu une campagne de publicité pour Tartu en Estonie ? Qui a lu un article de presse sur Bad Ischl en Autriche ? La Commission européenne est très soucieuse de protéger son label sans comprendre que ce label présente de moins en moins d’intérêt. D’autant que le financement européen attaché au label – le prix Melina Mercouri – n’est que de 1,5 million d’euros.

Les neuf villes candidates pour la France ont globalement dépensé selon nos estimations plus de 15 millions d’euros et déployé une énergie considérable pour ce qui s’apparente de plus en plus à une chimère. Dans le même temps, la France a mis en place un label bisannuel « Capitale française de la culture » au retentissement proche de zéro. Cette année, c’est Montbéliard qui porte la couronne mais la préfecture du Doubs fait tout pour qu’on ne le sache pas en raison d’une programmation montée en catastrophe…

Faisons une proposition : ne demandons plus à être « Capitale européenne » et désignons tous les quatre ans une « Capitale française », avec une anticipation d’au moins dix ans pour avoir le temps de bâtir des programmes attrayants, des équipements pérennes et une communication efficace.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°627 du 16 février 2024, avec le titre suivant : À quoi sert une « capitale européenne » ?

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