Politique culturelle

ANALYSE

Le dilemme du jury à l’égard du bon élève

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 31 octobre 2023 - 548 mots

Les jurés ne risquent-ils pas de considérer que le label n’apportera rien de plus à une ville déjà dotée d’un plan culturel ambitieux ?

Faut-il désigner une ville au rayonnement limité pour laquelle le label sera le déclencheur d’une politique culturelle ambitieuse ou récompenser une métropole déjà investie dans la culture offrant ainsi plus d’impact à la « Capitale européenne de la culture 2028 » ? C’est un peu la question que se posera le jury quand il s’agira de départager d’un côté les métropoles en lice que sont Clermont-Ferrand, Rouen et Montpellier, et de l’autre la ville moyenne qu’est Bourges. Du côté des métropoles, Clermont-Ferrand est sans doute la candidature la plus volontaire. Son maire y travaille depuis 2015 et a déjà dépensé près de 4 millions d’euros pour préparer le dossier de candidature, laquelle s’inscrit dans un projet ambitieux visant à transformer la ville en profondeur à travers la culture. La ville a fait un bond en notoriété cet été avec pas moins de deux étapes du Tour de France cycliste dont l’ascension du Puy de Dôme. « L’impact du Tour est considérable, se félicite Olivier Bianchi, en France et dans toute l’Europe. »

D’où une seconde interrogation pour le jury : est-il nécessaire de décerner les félicitations (le label) au bon élève Clermont-Ferrand ? Faut-il distinguer une ville qui a déjà programmé plusieurs équipements, avec ou sans obtention du label : la Cité du court métrage et surtout la bibliothèque métropolitaine installée dans l’ancien Hôtel-Dieu [voir ill.] dont l’inauguration est prévue pour 2026 pour un coût de 65 millions d’euros ? Un plan « Musée » a été acté, dont la construction de réserves mutualisées qui pourraient d’ailleurs abriter les collections du Frac. La Ville et la Métropole ont prévu d’investir 115 millions d’euros dans des équipements culturels entre 2024 et 2028, indépendamment du titre.

Résidence d’artistes contemporains

Il y a encore cependant beaucoup à faire et la candidature va permettre de faire émerger de nouveaux équipements. Il manque cependant dans cette liste un musée d’art contemporain. La capitale de l’Auvergne abrite une école supérieure d’art, une école supérieure d’architecture, un Frac, plusieurs galeries, mais pas de lieu permanent d’exposition d’art contemporain et encore moins de musée d’art contemporain. « On ne peut tout avoir », concède le maire qui préfère investir dans le soutien aux artistes en créant une résidence d’artistes originale. Dans un lieu pas encore déterminé, la « villa Pascal » accueillera des artistes de toutes disciplines bénéficiant de services hôteliers réalisés par des apprentis.

Mais plus encore, Clermont-Ferrand souffre toujours du double cliché « d’une ville provinciale agraire et reculée, et d’une ville noire industrielle et productrice – celle de Michelin ». Le Massif central, comme Bourges, est traversé par la fameuse diagonale du vide où la crise des « gilets jaunes » a été particulièrement virulente. Le label permettrait de contribuer à changer cette image en montrant toute l’effervescence d’une ville qui accueille 40 000 étudiants et d’une région aux atouts naturels indiscutables. La Ville espère attirer 35 % de touristes en plus en 2029, tout en élargissant l’accès à la culture aux habitants du territoire qui y ont peu ou pas accès. Comme Lille, Clermont-Ferrand envisage de pérenniser la programmation culturelle du label sous forme de saisons tous les deux ans. Mais pour entretenir la motivation, même les bons élèves ont besoin d’être soutenus.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°620 du 3 novembre 2023, avec le titre suivant : Le dilemme du jury à l’égard du bon élève

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