Foire & Salon

Foires d’art et réchauffement climatique

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 6 février 2020 - 583 mots

L’Australie brûle, le climat se réchauffe sur toute la planète, tandis que les rapports scientifiques se succèdent pour dénoncer le manque de volontarisme des États, des industries, des services pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Incendie en Australie. © Martin Snicer, CC BY-ND 2.0
Incendie en Australie.

Les causes de ces dernières sont désormais bien connues, essentiellement la combustion d’énergies fossiles pour la consommation d’énergie, l’industrie et les transports. Pourtant ces émissions ne cessent de croître alors qu’elles devraient baisser de 2,7 % par an pour espérer limiter un réchauffement à 2 °C à la fin du siècle, seuil maximal fixé par l’Accord de Paris sur le climat (2015). Au rythme actuel, le climat se réchauffera de 3 à 5 °C d’ici 2100. Les dévastations qui en résulteraient sont également largement connues grâce à ces rapports.

Plus de deux cents foires d’art devraient se tenir cette année dans le monde. Parler de foire écologique, ou d’exposition temporaire écologique est aujourd’hui un oxymore, tant ces manifestations restent synonymes de forte consommation de carbone pour une durée limitée et de gaspillage. Il y a les œuvres à expédier du monde entier, à transporter dans des caisses qui majoritairement ne seront pas réutilisées, à utiliser des cimaises, des vitrines, des scénographies qui finiront également à la benne. Il y a aussi les professionnels, les invités, les visiteurs qui devront ou souhaiteront se déplacer pour jouir de l’événement.

Dans un effort pour contrebalancer ces impacts, mais aussi pour verdir sa communication, la société leader des foires d’art contemporain, Art Basel (Bâle, Hong Kong, Miami) a annoncé qu’elle avait financé une « compensation carbone » lors de sa dernière édition à Miami, en décembre. Ce mécanisme dérive de la « neutralité carbone », inscrite dans l’Accord de Paris et que la France s’est engagée à atteindre en 2050 : émettre autant de CO2 que la nature (forêts, mers, océans) pourrait absorber. L’objectif fait débat, tant la mesure de sa réalisation paraît complexe.

La dite « compensation » permet à des États, à des sociétés de financer des projets labellisés verts – préserver des forêts au Brésil, au Cambodge, au Kenya… – pour un montant « annulant » une partie, ou la totalité de leurs émissions en CO2. Ainsi, Art Basel, sans indiquer de montant, a annoncé qu’elle « compensait » les transports aériens vers Miami de son équipe, de VIP, de consultants, de partenaires, de journalistes, d’intervenants aux conférences. C’est un geste, mais totalement insuffisant. Compenser, c’est se donner bonne conscience en achetant un droit à polluer, droit qui rappelle ces indulgences dont l’église catholique faisait commerce. Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’équilibrer, mais de réduire l’empreinte, car contrebalancer, c’est transférer une responsabilité à un autre agent « salvateur » souvent dans un pays plus pauvre ; c’est la facilité pour éviter le plus difficile : changer de comportement, modifier son organisation. Ce mécanisme ne peut être utilisé qu’en dernier recours, pour les émissions dites « incompressibles ».

Puisqu’il vaut mieux moins émettre que compenser, il serait utile que les foires à venir (Armory Show, Tefaf, Art Paris, Art Basel, PAD, Frieze, Arco, Fiac…) nous informent de leurs décisions en ce domaine, même si leur empreinte carbone est bien moindre que celles d’autres activités. Désormais, tout effort compte. Les artistes pourraient les aiguillonner dans cette reconversion. Quant aux visiteurs, ils pourraient s’interroger sur une logique qui les pousse à voyager toujours davantage, à succomber à l’excitation rejouée de l’événementiel, du festif, de l’entre-soi… Instagram a bien des défauts, mais il peut réduire les déplacements. En tout cas, notre siècle et notre climat ont besoin d’une autre valorisation que celle de l’accumulation.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°538 du 31 janvier 2020, avec le titre suivant : Foires d’art et réchauffement climatique

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