Foire & Salon

Une nouvelle foire russe veut s’installer dans le calendrier international

Par Emmanuel Grynszpan, correspondant à Moscou · lejournaldesarts.fr

Le 20 février 2018 - 939 mots

MOSCOU / RUSSIE

Malgré des déconvenues de dernière minute, Russian Art & Antique Fair, qui affiche de grandes ambitions, a satisfait les exposants. 

Russian Art & Antique Fair
Russian Art & Antique Fair

Tous les grands antiquaires russes et la moitié des galeries d’art contemporain russe se sont retrouvés du 13 au 18 février dernier dans le cadre d’une nouvelle foire. Adoptant le format de la BRAFA, « Russian Art & Antique Fair » (RA&AF) s’est tenu dans le prestigieux bâtiment du Manège, aux pieds du Kremlin et ambitionne de concurrencer à la fois le grand salon belge et Cosmoscow, seule foire russe sur le créneau contemporain depuis trois ans. 

Si RA&AF est nouveau sur le marché, l’organisateur, la société russe Expo-Parc, possède une longue expérience. Expo-Parc a organisé pendant près de deux décennies l’unique foire d’art contemporain russe « Art Moscow » (biannuelle jusqu’à sa disparition en 2014), ainsi qu’un important salon des antiquaires. RA&AF se positionne dans le haut-de-gamme (51 galeries d’antiquaires contre 250 pour le salon des antiquaires habituel, dont l’existence n’est pas remise en cause). 

L’expérience des organisateurs a été utile pour éviter une catastrophe. Quinze jours avant son ouverture, le RA&AF a été décalé d’une semaine par le propriétaire du Manège. « Le service fédéral de sécurité [du président Vladimir Poutine] a fait pression sur le Manège pour récupérer nos dates », confie une source proche des organisateurs. « Le Manège a cédé parce qu’ils n’ont pas encore réalisé l’importance de RA&AF, mais après le succès de cette édition, je pense que ce genre d’incident ne se reproduira pas ». À partir de l’année prochaine, RA&AF devrait se tenir au moins d’avril, (plus loin de la BRAFA) une période plus clémente en termes de températures (important pour le transport de peintures) avec un objectif : atteindre 30% de galeries étrangères.

Le report d’une semaine a entraîné l’absence d’une dizaine de galeries inscrites, dont toutes les étrangères hormis l’italienne Altomani & Sons. La galerie Cart (Zürich, Paris, Berlin) a tout particulièrement souffert, car sa collection s’est trouvée bloquée à la douane russe. Expo-Parc a bouché les trous de plusieurs manières : en offrant, l’avant-veille de l’ouverture, l’espace libéré par Cart à son favori la galerie Triumph. Mais aussi en invitant des collectionneurs privés à exposer gracieusement. C’est ainsi qu’une aile du Manège fut occupée par une surprenante collection de chaussures et de vêtements rares. 

Mais c’est la cohabitation entre art contemporain et antiquité qui a donné du sel au salon. Avec une grande disparité dans les prix des stands 10 000 dollars pour un stand d’art ancien contre 850 dollars pour l’art contemporain. Les conditions n’étaient certes pas les mêmes : au lieu d’un box séparé, les galeries d’art contemporain devaient placer leurs 6 oeuvres dans une exposition collective sans pouvoir choisir l’emplacement. Dotée d’un commissaire (Andreï Parchikov) et baptisée « vivre ensemble » (entre contemporains, mais aussi avec l’antique), cette exposition a déçu la petite dizaine de galeries participantes. « Nous n’avons rien vendu mais nous prendrons un box l’année prochaine. 90% des visiteurs sont venus pour les antiquités et parmi les 10% intéressés par le contemporain, j’ai vu peu de véritables collectionneurs », confie une représentante de la galerie Artwin. Mêmes échos mitigés sur le format venant des autres galeries contemporaines (11.12, Marina Gisich, Savina, Frolov, Triumph, Galerie 21, Anna Nova, pop/off/art). 

Du côté des antiquaires, 51 marchands ont participé, et parmi elles les plus réputées : Tri Veka, Alexandre Art, Elysium et Kardashidi. De nombreuses oeuvres n’auraient pas rougi sur les murs d’un grand musée et les prix dépassaient parfois le million d’euros. De grandes signatures étaient proposées aux visiteurs : Larionov, Nissky, Korovine, Kabakov, Pivovarov, Purgyn, Rabin, Tselkov, Pepperstein Jeloud, Neizvestny.

Hormis quelques stands occupés par des collections privées refusant d’indiquer les noms de leurs propriétaires et qui semblaient s’ennuyer ferme, la plupart des galeristes interrogés se sont dit satisfaits de RA&AF. « Ce fut superbement organisé », estime Mikhail Ryzvanovitch, propriétaire de la galerie NewOldArt (20ème siècle et contemporain). Selon lui, « le mélange entre antiquité, art moderne et contemporain fonctionne et nous apporte de nouveaux clients. Les collectionneurs d’antiquités sont en général très fortunés. Ils ont vu passer des amis ou des connaissances à notre stand et sont venus nous voir. Je n’ai rien vendu directement durant la foire, mais j’ai plein de rendez-vous dans les jours qui viennent avec des clients potentiels rencontrés à RA&AF »

L’italien Andrea Ciaroni (Altomani & Sons) s’est dit « ravi de l’accueil et de l’intérêt des Russes pour sa collection de peinture renaissance », précisant ne rien vendre rien en Russie à cause d’une législation très contraignante sur l’art ancien. « Mes oeuvres ne sont ici qu’en vertu d’un accord spécial conclu par l’ambassade d’Italie. Si une seule des vingt oeuvres manque au départ, toute la collection sera bloquée en Russie », explique M. Ciaroni qui participe à RA&AF aussi bien pour trouver des acheteurs que des vendeurs - mais hors du pays. 

Figure du marché de l’antiquité, Andreï Roudentsov (galerie Tri Veka) salue la résilience des organisateurs face aux déboires de calendrier. Venu « essentiellement pour promouvoir l’image de la galerie », il déplore que la manifestation soit « trop grand public. Trop de grand-mères désœuvrées qui encombrent notre espace et nous empêchent de faire des affaires »

Pour Vladimir Frolov (Frolov Gallery, art contemporain), RA&AF est « très bien organisé », mais il optera pour un stand au lieu d’une exposition collective lors des prochaines éditions. « Les ventes sont timides, mais j’ai pu nouer de nombreux contacts ». Quant au marché, il ne se porte pas si mal. « Les prix ne baissent jamais, ce sont les rabais qui augmentent » plaisante Frolov.

informations

Site de la manifestation : http://antiquesalon.ru

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