Art contemporain

Des dessins de Gilbert & Georges refont surface un demi-siècle après leur création

Par Anne-Cécile Sanchez · lejournaldesarts.fr

Le 3 juillet 2019 - 435 mots

PARIS

La fondation Vuitton expose des dessins monumentaux que les artistes eux-mêmes n’avaient pas vu depuis leur production en 1971.

Étonnante histoire que celle de cette « sculpture-au-fusain-sur-papier en six parties » de Gilbert & George datant d’avril 1971, qui a rejoint il y a peu la collection de la Fondation Louis Vuitton. Intitulée There were two young men, cette œuvre de jeunesse fait partie d’un ensemble de dessins réalisés entre 1970 et 1974, témoignant de la volonté du duo d’exprimer sa vision artistique de façon plus tangible que dans ses performances, les fameuses Singing Sculptures. Le dessin est alors pour eux un choix dicté par la nécessité.

En ces premiers jours du printemps 1971, Gilbert & George vont dans les parcs de Londres pour y réaliser des photographies bucoliques agrandies ensuite au fusain : on y voit les artistes en jeunes hommes posant autour d’un arbre faisant office de point de rendez-vous. Faute de moyens, ils ont dû se contenter de feuilles de papier format raisin assemblées entre elles pour constituer ces très grandes toiles, traitées au permanganate de potassium afin de leur conférer un aspect vieilli, et d’effacer le geste de la main.

Ils confient à un professionnel du lettrage d’enseigne le soin d’inscrire sur chacune feuille, les courts poèmes qui les accompagnent et qui commencent immanquablement de la même façon : « There were two young men … » Les textes se retrouvent à l’identique dans « Limericks » (comptines), « sculptures postales » envoyées par courrier à 300 destinataires via la galerie Konrad Fischer, et dont huit exemplaires sont présentés sous vitrine également à la Fondation.

Tout cela se passait donc il y a près d’un demi-siècle. Conçu comme un dispositif immersif, There were two young men est montré dans une galerie de Turin, et c’est seulement à l’occasion de leur exposition au CAPC de Bordeaux, en 1986, que Gilbert & George s’aperçoivent que cet ensemble, conçu pour être replié et rangé dans une malle de leur confection, a disparu. George raconte la suite : la surprise il y a dix ans d’un coup de fil d’une galerie les informant de la réapparition de l’œuvre, son acquisition par Suzanne Pagé pour la fondation Louis Vuitton, et leur émotion aujourd’hui, en la découvrant à nouveau. « C’était il y a 48 ans ; nous étions différents, Londres était différent. Toutes les émotions, les pensées, les sentiments de cette époque nous reviennent. C’est une expérience extraordinaire », raconte George. Quant à la Fondation, dont une sélection est présentée dans les étages, ils n’y ont pour l’instant, pas même jeté un œil. Par principe. « C’est le monde en face de nous qui est important, pas l’art », résume Gilbert.

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