Art contemporain

Scatologie, sexualité, hérésie : Gilbert & George se jouent des tabous des sociétés occidentales

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 2 août 2007 - 450 mots

L’exposition de la Tate Modern, si elle offre une large place aux compositions photographiques, régale aussi le visiteur avec les nombreuses archives de la vie de ces deux hommes qui se sont affirmés
autant sculpteurs que sculptures à une époque où les catégories volaient en éclats. Films et photographies documentent cette période, mais ce sont bien les grands ensembles photographiques qui dominent la rétrospective.

Leurs portraits et leurs sécrétions mis en scène
Figures centrales de leurs œuvres, Gilbert & George sont partout dans leurs immenses tableaux. Ils ont depuis quelques années abandonné le travail direct sur les tirages au profit d’un traitement numérique qui lisse encore plus l’aspect des corps et des objets accolés, mais ils restent reconnaissables.
Depuis, les années 1980, on les a vus de toutes les couleurs. Puis nus, regardant frontalement le spectateur, flottant sur un fond jaune et noir à motif, dont le titre inscrit sur l’image nous apprendra qu’il s’agit d’urine vue au microscope ! Sperme, sang seront ainsi analysés à partir de 1996, en quête des tabous dans ces Fundamental pictures. En 1994, ils s’étaient déjà confrontés à la merde dans le Naked shit series, au milieu d’étrons volants ou trônant devant les excréments à côté de paires de fesses. Jusqu’à disparaître totalement des compositions comme dans Spit on shit (crachat sur merde, charming ! n’est ce pas ?), une fois n’est pas coutume.
Gilbert & George sont devenus les emblèmes de leur art, son incarnation. Stéréotypes d’eux-mêmes, marchant toujours par paire, ils assument une décadence quasi punk en seniors poudrés comme de vieilles Anglaises, promenant leur air ahuri au gré de giga-ensembles. Ils n’hésitent pas à se « ridiculiser », posant en fâcheuse posture, Gilbert & George assument l’anti-héroïsme de leur statut.

Le clergé scandalisé par les deux trublions
Toujours plus synthétiques, acides et cruelles, leurs œuvres font apparaître les deux G comme deux sales gosses, mais diablement impliqués. Les questions de l’homosexualité et de la religion, qui animent depuis longtemps ce couple qui a assumé courageusement une sexualité punissable d’emprisonnement jusqu’en 1967, ont ressurgi récemment.
En 2005, la série Sonofagod, littéralement « fils de dieu » (mais c’est un jeu de mots qui renvoie
à l’insulte « son of a bitch ») a déclenché les foudres du clergé convaincu que Gilbert, le catholique, et George, le méthodiste, étaient d’hérétiques provocateurs. On y voit une pluie de crucifix, des costumes de prêtres et des gros mots utilisés pour choquer la rigide mentalité bourgeoise. Un sujet en phase avec une vie quotidienne habitée par les signes extérieurs de religion, et destiné à réveiller les consciences devant la recrudescence de l’intolérance sexuelle. Pour des artistes qui refusent qu’on souligne l’engagement politique de leur œuvre !

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°589 du 1 mars 2007, avec le titre suivant : Scatologie, sexualité, hérésie : Gilbert & George se jouent des tabous des sociétés occidentales

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