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Gabrielle Hébert, un itinéraire photographique singulier

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 11 décembre 2025 - 568 mots

Le Musée d’Orsay présente cette intime chroniqueuse de la vie artistique et mondaine de la fin du XIXe siècle.

Paris. Lorsqu’en 1869 Gabriele von Uckermann découvre avec une amie la toile intitulée La Mal’aria d’Ernest Hébert lors de l’Exposition internationale des beaux-arts de Munich, les deux jeunes femmes adressent un télégramme à l’artiste pour lui faire part de leur admiration. Quelques mois plus tard, le peintre accepte de recevoir Gabriele dans son atelier parisien et leur mariage, en 1880, scelle leur coup de foudre. Il a 63 ans, elle, 28 ans. Cinq ans plus tard, le renouvellement d’Ernest Hébert à la direction de l’Académie de France à Rome permet à la jeune femme de bénéficier de son propre atelier. Ses débuts photographiques, Gabrielle Hébert, qui a francisé son prénom, les datent du 8 juillet 1888. De ce jour elle ne cessera de photographier son mari. Elle s’attachera aussi à chroniquer visuellement leur séjour à la Villa Médicis comme leurs voyages en Italie, en Sicile et en Espagne.

Puis Gabrielle Hébert arrête la photographie à la mort de son mari, en 1908. Ce n’est qu’à la faveur du chantier de rénovation du Musée Hébert de La Tronche (Isère) qu’ils ont été découverts dans les combles. À partir de 2006, Laurence Huault-Nesme, la directrice de l’époque, s’occupe de restaurer ce fonds. et présente au musée trois expositions successives de la photographe amatrice mais technicienne accomplie, à l’œil aiguisé.

Une production documentée

La rétrospective que signe la conservatrice Marie Robert au Musée d’Orsay s’appuie sur les recherches menées dans le fonds photo détenu par Orsay et celui du Musée Hébert, enrichies d’une étude minutieuse de la correspondance de Gabrielle Hébert et du journal où elle consignait les faits du jour. Le sous-titre de l’exposition, « Amour fou à la Villa Médicis », certes accrocheur, est quelque peu trompeur puisque la partie strictement consacrée aux photographies liées à son séjour à l’Académie de France à Rome ne représente qu’un tiers de l’exposition. Mais chaque période de cette production prolixe est contextualisée à l’aide d’une diversité de documents : journal, correspondance, appareil photo, albums, planches-contacts…

Si les tirages d’époque de petite dimension demandent une attention soutenue de la part du spectateur, les cartels développés, les vitrines riches en documents variés et les wall papers constitués de négatifs non nécessairement tirés contribuent à dresser un portrait de femme à l’itinéraire photographique singulier.

Photographies de sites, de Rome ou d’œuvres d’art détenues par Ernest Hébert, grand collectionneur de photos souvenirs utilisées pour sa pratique artistique bien avant sa rencontre avec sa future épouse ; amitié (amoureuse ?) de Gabrielle avec le jeune peintre et pensionnaire de la Villa Alexis Axilette ; influence des frères Primoli et des préraphaélites… : l’exposition montre la construction de son regard et son élargissement progressif. Gabrielle Hébert croque la vie artistique, intellectuelle et mondaine de la Villa Médicis mais aussi le personnel qui œuvre à leur confort. Portraits, nus, tableaux vivants…, l’humain, quelle que soit sa condition sociale, est au centre de ses images, ici comme dans les voyages du couple. Des images aussi bien influencées par les mouvements artistiques préraphaélite et pictorialiste que tirant partie des dernières techniques de prise de vue et de tirage.

« Gabrielle Hébert ne travaille que pour elle-même. Elle n’a pas l’ambition d’être une photographe reconnue », souligne Marie Robert. Près d’un siècle et demi plus tard, la modernité de son regard éclipse pourtant l’œuvre de son époux.

Gabrielle Hébert. Amour fou à la Villa Médicis,
jusqu’au 15 février 2026, Musée d’Orsay, esplanade Valéry-Giscard-d’Estaing, 75007 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°667 du 12 décembre 2025, avec le titre suivant : Gabrielle Hébert, un itinéraire photographique singulier

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