Face aux restrictions imposées aux collectivités territoriales, ces structures, qui dépendent quasi exclusivement des financements publics, enregistrent des baisses de subventions.

France. Après des mois de flou budgétaire, les structures culturelles commencent à y voir plus clair. L’heure n’est pas aux réjouissances : la loi de finances pour 2025, adoptée le 14 février, demande un effort de 2,2 milliards d’euros aux collectivités territoriales et, pour beaucoup d’entre elles, les économies se feront sur la culture. Face à la généralisation des coupes budgétaires, l’Observatoire des politiques culturelles a lancé l’outil collaboratif intitulé « Cartocrise culture 2025 ». Depuis sa mise en ligne le 27 mars, plus de 400 structures, dont une vingtaine d’entre elles relèvent des arts plastiques et visuels, ont indiqué être concernées par des baisses de financements publics.
Les centres d’art, dont les collectivités territoriales assuraient en moyenne 43 % du financement global en 2020 (22 % pour les communes, 15 % pour les Régions et 6 % pour les Départements), sont directement touchés par les coupes budgétaires. Les baisses affectent plusieurs centres d’art membres du réseau national DCA et labellisés « Centres d’art contemporain d’intérêt national » (Cacin).
Le Centre d’art et de photographie de Lectoure, « d’intérêt national », enregistre une baisse de 5 % de la subvention de la Région Occitanie et de 10 % du Département du Gers pour un total de 7 400 euros. En revanche, la commune de Lectoure [moins de 3 700 habitants en 2022] maintient sa subvention à hauteur de 30 000 euros et la Drac (direction régionale des Affaires culturelles) ne devrait pas baisser sa subvention de fonctionnement, qui s’élevait à 135 000 euros en 2024.
Le Centre de création contemporaine Olivier-Debré (CCC-OD, Cacin), à Tours, subit en 2025 sa première baisse de subventions depuis sa réouverture en 2017 [le CCC est l’un des premiers centres d’art en région, en 1984]. La Région Centre-Val de Loire a amputé de 15 000 euros son soutien financier, qui s’élevait à 230 000 euros les années précédentes, soit une baisse de 6,5 %. Les subventions des autres collectivités restent inchangées. La baisse de la Région équivaut à 1 % du budget global du centre d’art en 2024. Bien qu’en apparence minime, cette baisse s’inscrit dans un contexte d’augmentation des coûts. Le budget alloué à la programmation sera diminué de 20 000 à 40 000 euros. « C’est la fragilité des institutions qui se révèle aujourd’hui. Nous sommes dans l’impossibilité de répondre pleinement à notre cahier des charges dans les moyens impartis », indique Cécile Rogel, secrétaire générale du CCC-OD.
Le Grand Café (Cacin), à Saint-Nazaire, est aussi confronté à des baisses significatives. La Loire-Atlantique a baissé sa subvention de 50 % par rapport à l’an passé et la Région Pays de la Loire a retiré son financement en 2025. Résultat, le budget artistique est en baisse de 12,3 % par rapport à 2024. Ces baisses risquent d’entraîner une diminution, voire un arrêt de certains partenariats et projets d’accompagnement destinés aux jeunes artistes. Régie directe municipale, le Grand Café fait également face à une baisse des subsides de la Ville affectant son budget de fonctionnement. Des postes en régie et médiation ne seront pas pourvus cette année.
Le 40mcube (Cacin), à Rennes, essuie quant à lui une baisse de l’aide au fonctionnement du Département d’Ille-et-Vilaine de 50 %, soit 8 500 euros. Ce sont avant tout les formations à destination des artistes (« Generator ») qui sont en péril, indique Patrice Goasduff, codirecteur du centre d’art. Formation certifiante gratuite, « Generator » permet chaque année à quatre artistes en début de carrière de se former dans les domaines administratif, juridique et social pour « conduire son activité d’artiste plasticien ». En 2025, le Département supprime la totalité de son financement, de 6 000 euros, tandis que la Région Bretagne tronque de 10 000 euros la formation. Alors que « Generator » est financé à 80 % par la Région, celle-ci a décidé de baisser sa contribution de 50 000 euros en 2026.
Certains ne connaissent toujours pas le montant de leurs subventions pour 2025. Le BBB, à Toulouse, est en attente d’une annonce de la Ville, qui aura lieu en juin. Alors l’équipe émet des hypothèses : elle risque de perdre jusqu’à 20 % de ses subventions pour le fonctionnement, soit 40 000 euros. Les années précédentes, le financement municipal s’élevait à 60 000 euros. Le BBB attend aussi les arbitrages de la Drac et de la Région Occitanie. Il risque de voir son budget global baisser de 10 % par rapport à 2024. À l’instar du BBB, le Centre photographique d’Île-de-France (CPIF, Cacin) attend les arbitrages de ses partenaires. À l’exception de la Ville de Pontault-Combault, qui héberge le CPIF depuis 1989 et a d’ores et déjà annoncé une subvention réduite de 30 000 euros.
Un réseau très hétérogène
Réseau professionnel. Le réseau des 58 centres d’art adhérant à DCA, dont 48 disposent du label « Centre d’art contemporain d’intérêt national », est hétérogène. Il y a un abîme entre le Palais de Tokyo ou le Jeu de paume à Paris et le Centre d’art et de photographie de Lectoure dans le Gers. Certains disposent de collections, tels le CAPC-Musée d’art contemporain de Bordeaux ou l’Espace de l’Art concret à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes), d’autres sont adossés à une école d’art (la Villa Arson à Nice), un théâtre (Le Carré à Château-Gonthier, Mayenne). Contrairement aux Fonds régionaux d’art contemporains (Frac), déclinés dans chaque région selon un même modèle, facilitant leur appréhension par les professionnels et le grand public, les centres d’art sont peu lisibles. Raison pour laquelle ni la Cour des comptes ni les parlementaires ne se sont encore penchés sur leur modèle ? L’opacité règne sur leur budgets et ressources. Le seul chiffre officiel connu est la subvention globale de l’État, qui s’élève à 8,98 millions d’euros en 2024 (10,5 millions alloués aux Frac). Selon notre décompte, les budgets de fonctionnement (hors le Palais de Tokyo), s’établissent entre 300 000 et 700 000 euros.
Jean-Christophe Castelain
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°655 du 9 mai 2025, avec le titre suivant : Les centres d’art subissent de nombreuses coupes budgétaires










