Photographie - Politique culturelle

Une politique photo qui manque de chiffres

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 15 juin 2022 - 717 mots

PARIS

Les 13 mesures en faveur de la photographie et des photographes annoncées par le ministère de la Culture en mai ne sont pas assez concrètes ni accompagnées de moyens appropriés.

La Médiathèque de l'architecture et du patrimoine à Charenton est devenue la Médiathèque du patrimoine et de la photographie. © Ministère de la Culture
La Médiathèque de l'architecture et du patrimoine à Charenton est devenue la Médiathèque du patrimoine et de la photographie.
© Ministère de la Culture

Paris. Le 6 mai, le ministère de la Culture déroulait dans un communiqué de presse les « 13 mesures opérationnelles qui seront mises en œuvre avant la fin de l’année 2022 en faveur de la photographie et des photographes ». Quelques jours avant son départ (non souhaité), Roselyne Bachelot établissait une feuille de route à partir du rapport commandé un an plus tôt à Laurence Franceschini sur « Le financement de la production et de la diffusion d’œuvres photographiques ».

Qu’en retiendra la nouvelle ministre de la Culture ? Rima Abdul-Malak est pour l’heure attendue à la semaine d’ouverture des Rencontres d’Arles. Car si le rapport de la conseillère d’État dresse un état des lieux du secteur, aucune des 13 mesures « pour soutenir durablement le secteur de la photographie » ne concerne l’ensemble des photographes professionnels, au nombre de 26 000 en 2018 selon l’Insee. Au-delà de l’identification des auteurs des images, relativement au respect de leurs droits, il s’agit plus d’un saupoudrage que d’une véritable politique photo, toujours à la peine bien que des actions concrètes d’amélioration de la représentativité des femmes photographes soient régulièrement menées (mesure 5), et que les commandes publiques aient été multipliées.

« Modifier le nom de la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine » (acteur de référence dans la conservation et la valorisation des fonds de photographes), ou soutenir le Centre international du photojournalisme de Perpignan dont les activités de conservation de fonds patrimoniaux sont toujours à l’état de gestation (mesures 11 et 12), ne définit pas une politique de préservation des fonds photo. Celle-ci nécessite avant tout des moyens financiers et humains, alors que la charte de bonnes pratiques en matière de conservation demandée à la Société française de photographie existe déjà (mesure 10). « Pérenniser le plan d’urgence pour le livre de photographie » (mesure 7) suppose aussi que les éditeurs de livre photo puissent avoir accès aux aides du Centre national du livre (CNL), ce qui n’est la plupart du temps pas le cas, faute d’avoir pu trouver un accord avec le CNL. Développer par ailleurs la présence de la scène française sur le territoire national (mesure 4), dont le rapport Franceschini relève la faible représentativité au sein des institutions subventionnées telles les Rencontres d’Arles (allocataires de 75 % du budget alloué par l’État aux festivals), induit des mesures concrètes. « La direction générale de la Création artistique (DGCA) veillera à intégrer des objectifs en la matière dans les conventions d’objectifs pluriannuelles avec les institutions, les centres d’art et les festivals subventionnés », est-il précisé. Encore faudra-t-il tenir ces objectifs. À cette fin, la réactivation du comité de suivi du Code de bonnes pratiques professionnelles entre éditeurs, agences de presse et photographes (dit « code Brun-Buisson ») a été placée en tête des mesures pour « améliorer le respect du droit d’auteur des photographes ». Mis en place en 2014 afin de faire respecter les délais de paiement et de conservation des métadonnées, ce comité n’a guère été opérationnel depuis.

Un « Centre national de la photographie » qui s’éloigne

De la réactivation du Centre national de la photographie (CNP), il n’en est en revanche nullement question dans les 13 mesures énumérées ni dans le rapport Franceschini. Pourtant ce CNP est souhaité par les photographes depuis nombre d’années. L’idée de sa recréation sur le modèle du Centre national du cinéma, et non sur celui créé en 1982 par le ministère la Culture, était même encore d’actualité il y a peu, sans parvenir toutefois à se concrétiser. La création d’un CNP sur le modèle du CNC « assurerait une unité de conception et de mise en œuvre de la politique de l’État dans le domaine de la photographie », disait-on alors à la DGCA. Le 6 juillet 2015, lors des Rencontres d’Arles, Fleur Pellerin, à l’époque ministre de la Culture, en dressait les grandes lignes. « Ce conseil national de la photographie pourra s’emparer de sujets qui vous tiennent à cœur et vous préoccupent, comme l’évolution de la protection sociale, comme salariés ou artistes, d’œuvre, des questions de fiscalité, les évolutions de la protection, du droit, de la propriété intellectuelle dans un contexte de libéralisation accélérée [….]. Je souhaite que ce conseil soit créé avant la fin de l’année 2015. »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°591 du 10 juin 2022, avec le titre suivant : Une politique photo qui manque de chiffres

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