Les avocats plaident l’absence de fraude, défendant la logique de marché et demandant la relaxe des prévenus.

Jeudi 2 octobre, l’audience du procès Aristophil s’est achevée sur la plaidoirie très attendue de l’avocat de Gérard Lhéritier, fondateur de cette société de placements en manuscrits. D’emblée, la défense a dénoncé une procédure interminable : huit ans se sont écoulés entre les perquisitions et le réquisitoire définitif. Cette longueur excessive, a souligné l’avocat Benoît Verger, a contribué à affaiblir un prévenu malade et silencieux, « jugé quinze ans après les faits, alors qu’il n’est plus l’homme d’Aristophil ».
Sur le fond, Me Verger a contesté l’analogie avec le système de Ponzi, relevée par le parquet. « Il n’y avait ni taux d’intérêt, ni revenus fictifs. Ici, les clients achetaient un bien tangible, spéculant sur sa valeur future, tout comme Aristophil elle-même ». Selon lui, confondre spéculation et cavalerie financière équivaut à criminaliser une logique de marché.
La défense a insisté sur la réalité du stock de la société : manuscrits de Sade, Breton ou incunables rares. Si Aristophil achetait massivement, ce n’était pas pour dissimuler une fragilité, mais pour conserver ses collections. « Gérard Lhéritier avait le syndrome du collectionneur, non celui de l’escroc », a martelé son conseil, rappelant qu’un projet de maison de ventes avait été amorcé pour confronter la société au marché.
S’agissant des pratiques commerciales trompeuses, l’avocat a souligné que les documents précontractuels mentionnaient explicitement l’absence de garantie de rachat et de valeur, sauf dans quelques formules haut de gamme où la valeur était garantie. Par ailleurs, certains conseillers en gestion de patrimoine ont créé leur propre plaquette. « Et pas un seul mail où Gérard Lhéritier valide une plaquette ». Faire une marge sur les prix d’achat, a-t-il ajouté, n’est pas une infraction : « aucun antiquaire ne révèle ses prix d’acquisition ».
Enfin, sur l’intention, la défense a rappelé que Lhéritier avait investi ses propres fonds, y compris ses gains à l’Euromillions, dans Aristophil. « Aucun escroc n’engage sa fortune personnelle dans sa prétendue escroquerie », a plaidé Me Verger. En conclusion, l’avocat a demandé la relaxe, estimant que les griefs reprochés – escroquerie en bande organisée, pratiques commerciales trompeuses, abus de confiance… – ne tiennent pas juridiquement. « Si faute il y a, elle relève du civil, non du pénal », a-t-il affirmé, renvoyant à la volatilité des valorisations sur le marché de l’art.
Les avocats des autres prévenus se sont inscrits dans la même logique de déplacement des responsabilités. L’avocate du professeur de droit Jean-Jacques Daigre, Me Nathalie Schmelck, a rappelé que ses consultations rédigées à partir de 2006 pour les contrats Amadeus, et seulement eux (pas les contrats d’indivisions Coralys), précisaient noir sur blanc que le rachat dépendait « si bon semble à la société ». « La clause était limpide, la perversité se trouvant dans la commercialisation, pas dans l’écriture », a-t-elle insisté. Même logique pour Me Gautry, notaire, dont l’avocat a martelé que « ce n’est pas à 61 ans qu’il aurait embrassé une carrière de délinquant », rappelant qu’il n’avait jamais eu de contact avec les 18 000 investisseurs.
Les prévenus issus du réseau commercial (Jean-Jacques Itard, Michel Perronnet, Philippe Samson) ont eux aussi rejeté toute volonté d’escroquerie. Leur avocat, François Saint-Pierre, a décrit des hommes « brisés par dix ans de procédure », contraints de cesser toute activité après les saisies. Séduits par le charisme de Gérard Lhéritier et rassurés par ses chiffres, ils auraient cru de bonne foi au modèle : « il n’y avait pas de feux rouges pour eux, seulement la séduction d’un homme inséré dans le monde culturel et la perspective d’un marché en plein essor ».
La défense de Jean-Claude Vrain, expert en manuscrits, a insisté sur l’absence de lien direct avec les contrats incriminés. « Il n’a jamais fait d’expertises pour vendre les produits Aristophil », a plaidé Antoine Vey. Ses évaluations pour valeur d’assurance étaient destinées aux assureurs Lloyd’s de Londres, non aux souscripteurs. Quant aux prix jugés excessifs, ses conseils ont relativisé en invoquant la volatilité du marché : « qui aurait prédit qu’un Picasso multiplierait son prix par 100 en 10 ans, ou que le Salvator Mundi atteindrait 450 millions d’euros après ne pas avoir trouvé preneur en vente de gré à gré à 50 millions ? »
Au terme des plaidoiries, toutes les défenses ont conclu à la relaxe, contestant la qualification d’escroquerie en bande organisée comme celle de pratiques commerciales trompeuses. L’affaire a été mise en délibéré. Le jugement sera rendu le 11 décembre.
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Procès Aristophil : la défense plaide l’absence d’intention frauduleuse
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