Devant le tribunal de Paris, les victimes de Gérard Lhéritier décrivent des pertes financières massives et une humiliation sociale persistante.

Hier jeudi 18 septembre, la salle d’audience du tribunal judiciaire de Paris était pleine d’émotion. Plusieurs parties civiles ont témoigné, livrant la détresse de dizaines de milliers d’épargnants (35 000 victimes pour un préjudice de 1,2 milliards d’€), pris au piège du système Aristophil, dont le procès se déroule jusqu’au 3 octobre. Leurs récits, faits de larmes, de colère et parfois de honte, révèlent comment la promesse d’un placement adossé à l’histoire de France a pu séduire des profils très différents.
Premier à la barre, Philippe Thelliez, agriculteur de l’Oise, a raconté avoir placé près de 579 000 euros entre 2011 et 2013. La voix brisée par l’émotion, il affirme : « Aristophil a tout mis en œuvre pour nous éblouir, nous duper ». Ses investissements devaient financer la restructuration de son exploitation, mais « tout s’est évaporé ». En pleurs, il décrit dix années sans capital, rythmées par les difficultés de santé de son père et la vente de son exploitation.
D’autres témoins ont exposé des trajectoires tout aussi marquantes. Alan Durpoix, 22 ans lors de la souscription, a investi 30 000 euros issus de l’héritage de son père, conseillé par un courtier proche de sa famille. « On s’est fait avoir, on a honte ». Lilia Torres, handicapée à plus de 80 % après un accident de la route à l’âge de 2 ans, a perdu 245 000 euros, provenant d’une indemnisation destinée à sécuriser son avenir. « Cette histoire a complètement renversé ma vie. Cet argent, c’était le fruit de ma souffrance », dit-elle en larmes. Elle souligne le rôle du « décor » rassurant : contrats validés par notaire, plaquettes luxueuses, invitations au Musée des Lettres et Manuscrits.
Marie-Hélène Mathieu, de Toulouse, raconte avoir investi 15 000 euros après avoir été convaincue par une conseillère en gestion de patrimoine, qui lui vantait un rendement garanti de 8 % par an. Pour elle, « le contrat n’était pas une option d’achat, mais une obligation de rachat » à l’issue des cinq ans, point qui cristallise aujourd’hui le débat.
Le rôle des intermédiaires financiers a été largement interrogé. Dans les dossiers de souscription figuraient des formulaires « Dossier connaissance client » comportant des cases à cocher, comme l’« affinité avec les œuvres d’art ». Beaucoup s’interrogent sur la manière dont ces rubriques ont été cochées, alors que la plupart de ces épargnants n’avaient aucune familiarité avec le marché de l’art. Certains observateurs estiment que les courtiers remplissaient eux-mêmes ces formulaires, gonflant artificiellement le profil des investisseurs.
À partir de 2013, certains contrats comportaient bien, sous les cases à cocher, un encadré « avertissement », précisant qu’« Aristophil représente une acquisition pouvant offrir une plus-value éventuelle, à moyen ou long terme, qui n’offre aucune garantie de liquidité et aucun engagement ». Mais les parties civiles interrogées ce jour avaient souscrit les contrats avant cette date.
L’audience a également entendu Me Grandgérard, représentant de l’association ADC France, qui revendique la prise en charge de 800 dossiers et réclame 1 million d’euros de réparation. Il décrit un « véritable tremblement de terre » à l’ouverture de l’information judiciaire en mars 2014, suivi d’un afflux massif de victimes. « La plupart ne connaissaient rien au marché de l’art. Elles pensaient acheter un bout de l’histoire de France », explique-t-il, soulignant que « parmi les 130 000 œuvres, je n’en voyais aucune revenir sur le marché. Comment alors payer les taux d’intérêts ? ». La perte financière et le poids du regard social – « comment as-tu pu croire à ça ? », rapporte l’association – constituent une double peine pour les victimes. Derrière les chiffres apparaissent des projets avortés : acquisition immobilière, retraite, transmission patrimoniale.
De son côté, Gérard Lhéritier, fondateur d’Aristophil, réfute cette lecture. Il estime que la liquidation judiciaire a empêché le remboursement des investisseurs, laissant entendre qu’un autre dénouement aurait été possible.
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Procès Aristophil : parole aux victimes, entre larmes et colère
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