Après dix ans de procédure, la justice sanctionne lourdement le montage financier fondé sur la spéculation autour des manuscrits et un système de cavalerie.

Le tribunal a tranché jeudi 11 décembre 2025 : Gérard Lhéritier, fondateur d’Aristophil qui promettait des rendements élevés fondés sur la valorisation de lettres et manuscrits, a été condamné à 5 ans de prison ferme avec mandat de dépôt à effet différé et exécution provisoire (le Parquet avait requis 6 ans de prison) assortis d’une amende de 375 000 euros et de l’interdiction d’exercer. Absent à l’audience pour raison de santé, il devra se présenter le 5 janvier 2026 pour exécuter sa peine à Nice. Le tribunal a déclaré que « cette peine est exceptionnelle au regard de l’importance du préjudice, et elle est nécessaire compte tenu de ses antécédents judiciaires et de l’absence totale de remise en cause du prévenu durant les audiences ».
Les 7 autres prévenus - sauf l’expert et libraire Jean-Claude Vrain qui a été relaxé - ont tous été reconnus coupables (co-auteurs ou complices) de pratiques commerciales frauduleuses. Gérard Lhéritier et l’expert-comptable Denis Potier sont de surcroît reconnus coupables d’escroquerie, sans la circonstance aggravante de bande organisée. En revanche, Gérard Lhéritier a été relaxé concernant le chef d’accusation d’abus de confiance.
Denis Potier - non présent à l’audience - écope de 2 ans de prison dont 1 an avec sursis probatoire, sous surveillance électronique, assorti d’une interdiction d’exercer pendant 5 ans, au motif que « Monsieur Potier s’est gravement mépris sur ses obligations professionnelles et sur les règles de présentation des comptes sociaux », a indiqué le tribunal. Le notaire Jérôme Gautry se voit infliger une peine de 2 ans d’emprisonnement avec sursis. Les autres prévenus sont condamnés à un an de prison avec sursis, avec obligation de réparer les dommages causés, comme tous les autres condamnés.
Quant à la société Aristophil, le tribunal a reconnu qu’elle avait « créé une bulle spéculative, en finançant ses achats de manuscrits grâce à de nouveaux clients, engendrant un système de cavalerie caractérisant l’escroquerie ».
Concernant l’action civile, le tribunal a condamné solidairement les prévenus à verser aux 6 000 parties civiles 310 millions d’euros au titre du préjudice matériel (contre les 400 M€ demandés) et 13 millions d’euros au titre du préjudice moral (sur un total de 60 M€ demandés).
« Ce délibéré correspond à ce que nous attendions : les débats avaient largement mis en évidence la culpabilité des prévenus. C’est une très bonne décision pour les parties civiles, d’autant que la juridiction a retenu notre calcul montrant que les souscripteurs ont perdu en moyenne 91 % de leur investissement. Nous avons été entendus sur l’essentiel de nos demandes : c’est une bonne journée », a confié Me Arnaud Delomel, avocat de l'Association de défense des consommateurs (ADC) en charge de défendre quelque 400 victimes.
Au cœur de la décision, la mécanique bien huilée d’Aristophil mise à nu lors des débats qui se sont tenus du 8 septembre au 2 octobre dernier : plus de 35 000 victimes et un préjudice évalué entre 1,2 et 1,7 milliard d’euros. Plusieurs points avaient dominé les échanges : le rôle de Gérard Lhéritier. Interrogé longuement, il avait défendu une ambition culturelle, niant toute volonté d’induire le public en erreur. Mais aussi les prix d’acquisition, largement débattus : experts et marchands avaient décrit un marché où Aristophil était devenu acheteur quasi unique, ce qui nourrissait la spéculation. La commercialisation était au centre des critiques du parquet : rendements sous-entendus, argumentaires commerciaux trop optimistes, investisseurs convaincus qu’ils sécurisaient un « placement rare ». Le préjudice des souscripteurs, dont certains ont été ruinés, avait occupé une part importante des discussions.
Avec ce jugement, la justice apporte une réponse attendue depuis près de dix ans. Les prévenus ont 10 jours pour faire appel. L’avocat de Monsieur Lhéritier a déjà indiqué son intention de faire appel dans la journée. « La condamnation assortie d’un mandat de dépôt a du sens : si un appel est formé, elle permettra d’obtenir un audiencement rapide. Le placement en détention impose en effet des délais resserrés à la justice, ce qui garantirait que l’affaire Aristophil soit rejugée en quelques mois », a expliqué Maître Delomel.
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Affaire Aristophil : Gérard Lhéritier condamné à 5 ans de prison ferme
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