Russie - Justice

Moscou, Serebrennikov échappe de justesse à la prison

Par Emmanuel Grynszpan, correspondant à Moscou · lejournaldesarts.fr

Le 29 juin 2020 - 370 mots

MOSCOU / RUSSIE

Le metteur en scène poursuivi pour détournement de subvention est condamné à 3 ans de prison avec sursis.

C'est une demi-victoire pour le monde de la culture russe. Le tribunal Mechanski de Moscou n'a condamné vendredi 26 juin qu'à trois ans de prison avec sursis le cinéaste et metteur en scène Kirill Serebrennikov, 50 ans. Lui et deux de ses collaborateurs sont reconnus coupables de « détournement de 129 millions de roubles à l'État russe » (1,7 million d'euros). Une subvention qu'ils devront intégralement rembourser en dépit du fait que cette somme a déjà été dépensée dans la production d'une série de spectacles.

L'inquiétude sur le sort de Serebrennikov était forte alors que le parquet avait réclamé six ans de prison et que, la veille du verdict, Olga Lioubimova avait remarqué que son ministère de la culture, était plaignant dans une affaire ayant « causé d'importants dégâts à l'État ». En Russie, le taux de relaxe dans les affaires pénales est inférieur à 1 %. Serebrennikov, qui a été placé un an et demi en résidence surveillée, a toujours clamé son innocence. L'enquête et la procédure judiciaire qui se sont déroulés sur trois ans, ont été émaillés d'irrégularités et de pressions sur les témoins pour extraire des témoignages à charge.

Le contexte politique a sans doute permis d'éviter l'emprisonnement : le pays vote ces jours-ci pour adopter une constitution modifiée permettant à Poutine de présider jusqu’en 2036. Le Kremlin a besoin d'appuis dans la société et non d'une bouffée de mécontentement de l’élite culturelle.

La poursuite judiciaire est interprétée comme une attaque contre la liberté artistique et contre un metteur en scène apprécié en occident (distinctions à Cannes, Locarno, Amiens ; décoré Commandeur des arts et des lettres en 2018). Mais aussi comme une offensive de l'aile la plus conservatrice du pouvoir (et des services de sécurité) contre les protecteurs de Serebrennikov : l'ancien ministre de la culture Alexandre Avseev, l'ancien conseiller de Vladimir Poutine Vladislav Sourkov et même l'ancien président Dmitri Medvedev. 

Conséquence de l'affaire : un arrêt complet des subventions d'État à des projets artistiques touchant à des thèmes « sensibles » comme la religion, l'homosexualité, la révolte politique, la représentation de la nudité. Des thèmes très présents dans les spectacles et les films de Serebrennikov. 
 

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