Diplomatie culturelle - Institut - Soft power

Les priorités stratégiques du pôle visuel de l’Institut français

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 22 février 2022 - 658 mots

PARIS

L’opérateur doit composer avec de nombreuses contraintes pour jouer son rôle dans la feuille de route du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

Eva Nguyen Binh. © DR
Eva Nguyen Binh.
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Paris. « Malgré son centenaire, l’Institut français n’est pas assez connu », regrette Eva Nguyen Binh, la nouvelle présidente (depuis juillet 2021) de l’Institut français, qui est chargé du soutien à l’influence culturelle française dans le monde. Qui sait par exemple qu’il est responsable des Saisons croisées et de l’organisation du pavillon de la France à la Biennale de Venise ? Sa faible notoriété dans le grand public tient à la nature de sa relation, non hiérarchique, avec le réseau culturel français pour lequel il intervient en appui, un réseau très hétérogène puisque constitué à la fois des Instituts français, des services culturels des ambassades et des Alliances françaises.

L’Institut français (IF) souffre par ailleurs d’un manque d’incarnation consécutif à la rotation accélérée de ses présidents. Pas moins de cinq présidents se sont succédé depuis que CulturesFrance (et auparavant l’Afaa, Association française d’action artistique), longtemps dirigé par Olivier Poivre d’Arvor, aujourd’hui ambassadeur des pôles et des enjeux maritimes, a été étoffé et rebaptisé « Institut français ». Et la nouvelle présidente a entamé son mandat après un an de vacance du poste. L’ancienne ambassadrice de France au Cambodge est manifestement décidée à secouer l’agence. Elle vient de procéder à une réorganisation des équipes afin de rendre l’organigramme plus lisible et de lutter contre les positions acquises. Ceci tandis que l’institut va bientôt quitter le bâtiment peu amène qu’il occupe dans le 15e arrondissement pour un espace de coworking provisoire en attendant de signer le bail dans un nouvel immeuble où pourront être accueillis ses 140 salariés. Eva Nguyen Binh entend également mettre en place une « culture de l’évaluation » dont manque un peu l’agence.

Une autre raison qui explique la faible notoriété de l’Institut français est la faiblesse relative des moyens qui lui sont alloués. L’État et les collectivités locales lui donnent environ 37 millions d’euros par an, ce qui, une fois soustraites les dépenses de personnel, ne laissent qu’une vingtaine de millions d’euros pour monter et soutenir des projets dans le monde entier. Le mécénat est appelé à la rescousse pour garnir la dot de certains programmes comme les résidences d’artistes aux États-Unis (la Villa Albertine) ou à la Villa Kujoyama au Japon, mais les moyens d’action restent « contraints ».

Un financeur avec effet de levier

C’est ainsi vrai pour les arts plastiques qui disposent d’un budget d’environ 1,1 million d’euros, hors financement des Saisons (2 M€) et du pavillon français à Venise (300 000 €). C’est bien peu pour soutenir la scène française à l’international, même si l’Institut français est moins un organisateur d’événements qu’un financeur avec effet de levier. En d’autres termes, quand l’IF donne quelques milliers d’euros pour la présence d’un artiste français dans une biennale ou l’organisation d’une exposition monographique à l’étranger, il apporte sa caution à l’organisateur, permettant à celui-ci d’aller chercher d’autres financements.

Le pôle arts visuels, aujourd’hui rattaché à la nouvelle direction de la création artistique et des industries culturelles animée par Émilie Boucheteil, avait défini cinq priorités stratégiques pour la période 2020-2022. Celles-ci recoupent les grands axes de ses missions : l’organisation de grands événements (outre les Saisons et Venise, la Triennale de Milan ou le programme culturel européen à l’occasion de la présidence Macron) ; la présence de la scène française à l’international ; l’invitation de professionnels étrangers en France ; le soutien à l’émergence et enfin la recherche.

D’une certaine façon, une grande partie de ce pôle consiste à financer le déplacement d’artistes, chercheurs, curateurs, pour des résidences, des rencontres ou des expositions. L’IF estime qu’environ 580 hommes et femmes bénéficient de ses programmes pour un coût, si l’on fait une division sommaire, de 1 900 euros par bénéficiaire. Reste maintenant à évaluer l’impact de ces programmes sur la visibilité de la scène française à l’international, ce qui serait une bonne façon d’obtenir des fonds supplémentaires (si l’impact est positif) ou de revoir la stratégie (s’il est limité).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°583 du 18 février 2022, avec le titre suivant : Les priorités stratégiques du pôle visuel de l’Institut français

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