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INFLUENCE CULTURELLE

La France renforce son influence au Cameroun

Par Fabien Simode · Le Journal des Arts

Le 18 mars 2022 - 671 mots

YAOUNDÉ / CAMEROUN

La rénovation du bâtiment de l’Institut français à Yaoundé vise à consolider les relations diplomatiques avec un pays africain moins secoué par la francophobie que le Mali ou le Burkina Faso.

L'Institut français du Cameroun à Yaoundé, le 22 février 2022 © Photo Fabien Simode pour Le Journal des Arts
L'Institut français du Cameroun à Yaoundé, le 22 février 2022.
© Photo Fabien Simode pour Le Journal des Arts

Yaoundé (Cameroun). Interrogée par une journaliste du quotidien Cameroon tribune à l’issue d’un échange avec les promoteurs culturels locaux à l’Institut français du Cameroun (IFC), à Yaoundé, Eva Nguyen Binh annonçait le 22 février avoir « de bonnes nouvelles » : « Un projet qui a pour ambition de mieux aménager l’enseigne de nos antennes locales au Cameroun », précisait la présidente de l’Institut français (IF). Ce projet, c’est la reconstruction de l’antenne de l’IF à Yaoundé, qui devra, d’après la journaliste, remettre le bâtiment vieillissant « au standard de ceux de capitales comme Dakar, Abidjan ou Ouagadougou ». Si l’architecte n’est pas encore choisi, les premières réunions de programmation ont eu lieu en vue d’un démarrage de chantier en juin 2023 pour une livraison des clés fin 2024. Budget : 5 millions d’euros (3 M€ apportés par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et 2 M€ par l’Institut français).

Un bâtiment porte-drapeau

Yann Lorvo, le « cocac » (conseiller de coopération et d’action culturelle) qui dirige l’IFC depuis l’automne 2020, a déjà des idées pour ce futur outil de l’influence française au Cameroun, notamment une salle de spectacle avec gradins rétractables (l’actuelle salle de 250 places n’est pas modulable) et des espaces pour les résidences d’artistes qui font aujourd’hui défaut, tout cela dans le respect des normes d’accessibilité PMR et du label HQE. Pas question, par ailleurs, de déménager dans un autre quartier ni de détruire la façade historique du bâtiment construit au début des années 1960 : située rue du Président-Ahmadou-Ahidjo (du nom du premier président de la République du Cameroun), en plein centre de la capitale politique, dans un quartier populaire proche du Musée national et des universités, la façade en béton recouverte en 2016 de graffitis par une dizaine de street-artistes emmenés par le Sénégalais Docta (star de l’art urbain africain) est devenue le porte-drapeau de l’IFC.

De retour de son déplacement de quatre jours, Eva Nguyen Binh précise que ce futur chantier fait partie des projets immobiliers prioritaires du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, au milieu des ambassades et des consulats. « Le Cameroun est un carrefour régional important en Afrique centrale, poursuit la présidente de l’IF, par sa francophonie comme par son histoire. »

Le Cameroun, un « hub » à l’avenir incertain

Ancienne colonie allemande devenue à 80 % française entre la signature du traité de Versailles en 1919 et la proclamation de son indépendance en 1960, le Cameroun ne nourrit en effet pas un fort ressentiment envers la France. Ce qui est notable sur un continent miné par les crises et les conflits, où la compétition avec la Chine et la Russie devient de plus en plus « hard », pour citer le ministre Jean-Yves Le Drian. Si la situation au Cameroun n’est pas comparable à celle du Mali ou du Burkina Faso, les défis restent néanmoins majeurs (l’accès à l’eau, à l’électricité, la lutte contre le paludisme…) et l’avenir, incertain. À la tête du pays depuis 1982, le président Paul Biya n’a, à 89 ans, pas de successeur déclaré à un moment où le pays doit se défendre au Nord contre le groupe islamiste Boko Haram et tenter d’endiguer une guerre civile qui ne dit pas son nom dans ses régions anglophones.

C’est dans ce contexte que la France compte donc sur son futur équipement pour renforcer son réseau d’influence au Cameroun – aujourd’hui constitué d’un Institut français (à Yaoundé et à Douala) et de cinq Alliances françaises (à Garoua, Dschang, Bamenda, Maroua et Ngaoundéré) –, et accompagner une jeunesse camerounaise bouillonnante de mieux en mieux formée (huit universités d’État, bientôt onze, et cinq instituts des beaux-arts) et désireuse d’autonomie (70 % des 28 millions d’habitants a moins de 30 ans). Tout cela, analyse Yann Lorvo, « dans la continuité du Nouveau Sommet Afrique-France » qui, en octobre 2021 à Montpellier, a fait du dialogue avec la jeunesse et la société civile la priorité des priorités.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°585 du 18 mars 2022, avec le titre suivant : La France renforce son influence au Cameroun

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