Politique culturelle

Les labels du ministère de la Culture

Par Damien Roger · Le Journal des Arts

Le 23 mai 2022 - 1437 mots

FRANCE

Les labels culturels ont progressivement été mis en place afin de protéger et valoriser le patrimoine monumental, muséal et paysager, ainsi que les lieux dévolus à la création contemporaine. Ils forment aujourd’hui un ensemble divers dont la cohérence est garantie au niveau national par le ministère de la Culture.

Le Fort Sarah Bernhardt à Belle-Ile-en-mer (Morbihan) a obtenu le label « Maisons des Illustres ». © Patrice78500, 2012, CC BY-SA 3.0
Le Fort Sarah Bernhardt à Belle-Ile-en-mer (Morbihan) a obtenu le label « Maisons des Illustres ».
© Patrice78500, 2012

France.« Ville et Pays d’art et d’histoire », « Architecture contemporaine remarquable », « Centre d’art contemporain d’intérêt national », autant de labels qui se sont imposés et sont aujourd’hui en passe de devenir des références convoitées par les acteurs culturels. L’histoire des labels du ministère de la Culture puise ses origines dans le mouvement de décentralisation culturelle engagé après guerre. Les premiers réseaux se mettent en place avec la création des centres dramatiques nationaux (1946) et des maisons de la culture (1961). Outils très utilisés dans le spectacle vivant (théâtre, danse, musique, art lyrique), les labels émergent progressivement au milieu des années 1980 dans le domaine du patrimoine et des arts visuels.

Une valorisation du patrimoine

S’il ne constitue pas strictement un label du ministère de la Culture, le statut de monument historique apparaît comme précurseur des labels du champ patrimonial. Aux termes de la loi du 13 décembre 1913, un monument peut être « inscrit » ou « classé » au titre des monuments historiques, le classement constituant le plus haut niveau de protection. Après cette ébauche, le premier dispositif à avoir intégré le corpus des labels du patrimoine est « Ville et Pays d’art et d’histoire », créé en 1985. Ce label rassemble des territoires qui s’engagent dans une démarche active de connaissance et de soutien à la qualité architecturale et au cadre de vie. Sa mise en œuvre repose sur un partenariat entre l’État et les collectivités territoriales, formalisé par la signature d’une convention renégociable tous les dix ans. Celle-ci prévoit notamment la mise en place d’un Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (CIAP), lieu d’accueil et de ressources sur l’architecture et le patrimoine du territoire. En contrepartie du label, les collectivités s’engagent à mobiliser des moyens humains et matériels en fonction des objectifs définis dans la convention.

C’est dans un même objectif de valorisation que le label « Patrimoine du XXe siècle » a été créé en 1999, avant que celui d’« Architecture contemporaine remarquable » (ACR) ne le remplace en 2016. Ce dernier permet de sensibiliser le grand public à l’architecture moderne et à son environnement urbain, en signalant les édifices de moins de 100 ans non protégés au titre des monuments historiques. Ce dispositif constitue ainsi une alternative aux lourdes procédures de préservation existantes, dans un contexte où les choix de protection sont rendus plus difficiles par le manque de recul historique. Le label devient par ailleurs automatiquement caduc au centenaire de l’édifice. À ce jour, 1 392 immeubles, ensembles architecturaux et ouvrages d’art ont été labellisés, parmi lesquels le viaduc de Millau (Aveyron), la gare ferroviaire du Havre (Seine-Maritime) ou l’ensemble des HLM de la Cité Perrache à Lyon (Rhône).

Mis en place en 2004, le label « Jardin remarquable » distingue des jardins et des parcs présentant un intérêt culturel, esthétique, historique ou botanique, qu’ils soient publics ou privés. Ce label de qualité est attribué pour une durée de cinq ans renouvelable. Il engage les propriétaires à ouvrir leur jardin à la visite au moins 40 jours dans l’année. Il donne lieu à des avantages, notamment une signalisation sur les routes et autoroutes, selon le même processus que les édifices protégés au titre des monuments historiques. Près de 450 sites sont actuellement labellisés « Jardins remarquables », comme le parc de l’abbaye de Royaumont (Val-d’Oise), les jardins de Claude Monet à Giverny (Eure) ou le jardin japonais de Compans-Caffarelli à Toulouse (Haute-Garonne).

C’est pour répondre à l’enjeu de conservation des petits patrimoines ruraux non protégés au titre des monuments historiques – une conservation longtemps jugée non prioritaire – que, depuis sa création en 1996, la Fondation du patrimoine est autorisée à délivrer un label. Le label « Fondation du patrimoine » permet ainsi d’apporter une aide technique et financière – sous la forme d’une déduction fiscale – aux propriétaires privés souhaitant réaliser des travaux de réhabilitation d’un élément bâti du patrimoine vernaculaire (ferme, logis, pigeonnier, grange, lavoir, moulin, etc.). Il convient également de souligner l’émergence de labels au niveau régional. En 2017, la région Île-de-France a ainsi créé le label « Patrimoine d’intérêt régional » qui permet aux propriétaires publics et privés franciliens non protégés au titre des monuments historiques de bénéficier d’un soutien financier pour leurs opérations de travaux.

La labellisation dans le secteur muséal

Trois labels interviennent dans le champ des musées : « Musée de France », « Exposition d’intérêt national » et « Maison des illustres ». Créé en 2002, le label « Musée de France » s’inscrit dans une démarche de protection et de mise en valeur des collections des musées appartenant à l’État, à une collectivité territoriale ou à une personne de droit privé à but non lucratif. Les « Musées de France » ont vu leurs missions inscrites dans le code du patrimoine, soulignant ainsi le caractère professionnel des activités de ces établissements. Le service des Musées de France exerce sur ces derniers un contrôle scientifique et technique. Ce label permet de distinguer ces structures des lieux privés qui peuvent abuser du terme générique de « musée ». À ce jour, plus de 1 200 musées ont reçu l’appellation « Musée de France ». Nombreux sont les « Musées de France » implantés en zone rurale comme le Musée de la Préhistoire à Tautavel (Pyrénées-Orientales), le Musée Alphonse-Daudet à Fontvieille (Bouches-du-Rhône) ou l’Écomusée de Marie-Galante (Guadeloupe).

Expérimenté dès 1999, le label « Exposition d’intérêt national » distingue les expositions les plus remarquables pour leur intérêt scientifique, leurs efforts sur le plan de la médiation culturelle et leur caractère innovant. Chaque année, le ministère de la Culture lance en direction des musées territoriaux bénéficiant de l’appellation « Musée de France » un appel à projets en vue de l’obtention du label « Exposition d’intérêt national ». Cette aide spécifique a permis de labelliser 19 expositions en 2021 parmi lesquelles « L’Égypte de Marcelle Baud (1890-1987), l’archéologie au féminin et en dessins » au Musée Bargoin de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) ou « Jean-Jacques Henner (1829-1905) » au Musée des beaux-arts de Strasbourg (Bas-Rhin).

Dernier-né en ce domaine, le label « Maisons des illustres » a été créé en 2011 afin de signaler des lieux de conservation et de transmission de la mémoire de femmes et d’hommes qui se sont illustrés dans l’histoire politique, sociale et culturelle de la France. Le label est attribué pour une durée de cinq ans renouvelable et représente une reconnaissance officielle de l’intérêt patrimonial du lieu. Le réseau compte plus de 245 maisons parmi lesquelles la maison de Colette à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne), le fort Sarah-Bernhardt à Belle-Île-en-Mer (Morbihan, [voir ill.]) ou la Maison-musée de Félix-Eboué à Cayenne (Guyane).

Et dans le secteur de la création

Dans le domaine des arts visuels, les Fonds régionaux d’art contemporain (Frac) et les Centre d’art contemporain d’intérêt national (Cacin) ont été érigés en labels du ministère de la Culture. Créés en 1982 sur la base d’un partenariat État-Régions, les Frac constituent un outil original de soutien à la création en art contemporain. Depuis 2016, ils sont reconnus comme un label à part entière. On en compte aujourd’hui 23 en France, financés à parts égales par les Régions et le ministère de la Culture. Les collections des Frac rassemblent aujourd’hui plus de 35 000 œuvres et 6 000 artistes de toutes nationalités. Certains Frac ont développé des spécialités thématiques comme le Frac Centre-Val de Loire avec l’architecture ou le Frac Picardie avec le dessin. On peut également noter la part importante de la photographie dans les collections du Frac Lorraine et de la peinture dans celles du Frac Auvergne.

Les premiers centres d’art contemporain qui sont apparus en France dans les années 1970 se sont affirmés comme des lieux privilégiés de la création artistique contemporaine décentralisée. Depuis 2016, le label « Centre d’art contemporain d’intérêt national » est attribué à certaines de ces structures qui assument un projet en faveur du soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts visuels contemporains. Le cahier des charges prévoit que les centres d’art labellisés portent une attention particulière à la diversité, au respect des objectifs de parité ainsi qu’à la prise en compte des droits culturels et de l’équité territoriale. Répartis sur l’ensemble du territoire, ils sont en majorité subventionnés par des fonds publics et la plupart disposent d’un statut associatif. Aujourd’hui, plus d’une quarantaine de Cacin ont été labellisés. Si la plupart des centres d’art ont une approche généraliste de l’art contemporain, certains se sont spécialisés dans la photographie comme le GwinZegal de Guingamp (Côtes-d’Armor) et la Villa Pérochon à Niort (Deux-Sèvres), ou dans le design et la mode telle la Villa Noailles de Hyères (Var).

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°589 du 13 mai 2022, avec le titre suivant : Les labels du ministère de la Culture

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