Patrimoine

Le Musée des beaux-arts de Bâle va réexaminer la question des œuvres acquises en 1933

Par Bénédicte Gattère · lejournaldesarts.fr

Le 30 novembre 2017 - 682 mots

BÂLE (SUISSE) [30.11.17] - Le Musée des beaux-arts suisse détient une centaine d'œuvres acquises à bon compte de Curt Glaser, collectionneur et critique d'art allemand persécuté par le régime nazi, qu'il n'a jamais voulu rendre à ses héritiers.

En 2008, le Musée des beaux-arts de Bâle refusait de rendre une centaine d'œuvres d'art réclamées par les héritiers Glaser. Ces derniers avaient pourtant obtenu gain de cause auprès de musées allemands comme ceux de Cologne, Hanovre, Munich, Nuremberg et Berlin et auprès du Rijksmuseum d'Amsterdam. Deux collectionneurs privés étaient également convenu d'un accord avec les héritiers, notamment à l'occasion de ventes aux enchères.

Depuis qu'il a rejeté la demande des ayants droit il y a neuf ans, le musée de Bâle n'est jamais revenu sur sa position. Dans la liste des œuvres entrées dans ses collections en 1933 figurent des tableaux et estampes signées Edvard Munch, Marc Chagall, Henri Matisse, Max Beckmann, Ernst Kirchner, Max Pechstein, Paul Klee, Honoré Daumier ou Auguste Rodin.

Directeur de la Bibliothèque d'art de Berlin (Kunstbibliothek Berlin) et critique d'art, Curt Glaser, de famille juive, avait dû fuir l'Allemagne nazie en 1933. Après avoir été expulsé de son logement et démis de ses fonctions, il vend sa collection aux enchères à bas prix. Le musée bâlois se porte acquéreur pour les œuvres d'art. Alors que les autres musées ont reconnu que Glaser avait vendu sa collection contraint et forcé, bien en deçà de sa valeur, le musée de Bâle estimait jusqu'ici l'avoir acquise au juste prix de l'époque. Il affirmait en outre ne pas avoir eu connaissance de l'identité du propriétaire. Depuis, ces deux arguments se sont révélés infondés.

Dernièrement, la chaîne de télévision suisse SRF portait à la connaissance du grand public un document historique découvert en 2010. Il s'agit du procès-verbal d'une réunion de la Commission des Beaux-Arts de Bâle daté de juin 1933. Il y est fait référence au rapport d'un commissaire sur la « vente aux enchères de Glaser à Berlin » ; le nom du propriétaire est donc connu des membres de la commission. Mention est également faite de l'achat d' « un grand nombre d'œuvres modernes à des prix abordables » par ladite commission, manifestement consciente de faire une bonne affaire.

Après l’émission, Felix Uhlmann, président actuel de la Commission des Beaux-Arts de Bâle, a déclaré qu'elle allait « examiner à nouveau la question très soigneusement de l'achat de dessins appartenant à Curt Glaser dans les mois à venir » : un changement de ton, donc.

Au moment d'accepter l'héritage embarrassant légué par Cornelius Gurlitt, le Musée des beaux-arts de Berne avait hésité et opté pour la transparence, une partie de la collection comprenant des œuvres d'art spoliées par le régime nazi. Le musée assurait tout mettre en œuvre pour identifier les propriétaires, en étroite collaboration avec la République d'Allemagne, et parvenir à les rendre aux familles. Le vice-président de la fondation qui dirige le musée de Berne, Marcel Brülhart, a déclaré à la SRF que la position de 2008 du musée bâlois « n'est plus justifiable aujourd'hui ».

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la neutralité de la Suisse en a fait une plaque tournante du blanchiment d'argent, mais aussi du trafic d'œuvres d'art. Les marchands d'art suisses se voyaient proposer des pièces à vil prix par le régime nazi, – celles qu'il ne souhaitait pas garder au moment des spoliations. Ainsi, parmi notamment les œuvres les plus admirées des musées suisses, un grand nombre est issu des pratiques nazies.

Les musées suisses ont mis longtemps avant de s'emparer de la question. En 1998, la Suisse signait les accords de la conférence de Washington, visant à la restitution des œuvres d'art spoliées par le IIIe Reich mais toutefois non contraignants. En 2009, la déclaration de Terezin, également entérinée par la Suisse, édictait des règles plus fermes et élargissait les critères appliqués auparavant. La déclaration stipule que tout doit être « mis en œuvre pour remédier aux conséquences des saisies illicites de biens, telles que les confiscations, les ventes forcées » mais aussi « les ventes de bien sous contrainte ».

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Le Kunstmuseum basel - juin 2018 - © photo Ludosane

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