Justice

Vente suspendue pour deux œuvres d’Egon Schiele de provenance controversée

Par Elise Kerner-Michaud · lejournaldesarts.fr

Le 30 août 2018 - 548 mots

NEW YORK / ETATS-UNIS

Deux aquarelles se trouvent au cœur d’une bataille judicaire en raison des questions sur leur mode d’acquisition dans l’Allemagne nazi.

Egon Schiele, Woman hiding her face, 1912
Egon Schiele, Woman hiding her face, 1912
Courtesy Collection Grünbaum

Une décision de la cour fédérale de New York suspend la vente de deux aquarelles d’Egon Schiele, Woman hiding her face et Woman in a black pinafore, qui avaient été retirées de la liste des œuvres probablement acquises à la suite des persécutions nazies. Il s’agit d’un nouveau rebondissement dans une affaire qui oppose les héritiers d’un collectionneur viennois à un galeriste londonien, et plus largement à la German Lost Art Foundation qui gère la base de données présentant les œuvres certainement spoliées. 

Egon Schiele, Woman in black pinafore, 1911
Egon Schiele, Woman in black pinafore, 1911
Courtesy Collection Grünbaum

Ces deux aquarelles proviennent avec certitude de la collection de Fritz Grünbaum, déporté et mort en camp de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale. L’histoire des 449 œuvres qu’il possédait demeure difficile à démêler. Le New York Times rapporte les différents points de vue à ce propos. Selon plusieurs marchands, les pièces de la collection auraient été envoyées en Belgique par la femme de Grünbaum, avant qu’elle ne soit déportée. On sait par ailleurs qu’en 1956, Eberhard Kornfeld, un marchand suisse a vendu 63 œuvres de Schiele. Il a affirmé les avoir acquises après la guerre auprès d’une réfugiée, qu’il a ensuite identifiée comme étant Mathilde Lukacs-Herzl, la sœur de Grünbaum. Cette déclaration et les documents fournis avaient conduit au retrait de 63 pièces de la liste des œuvres spoliées. 

Les deux aquarelles réclamées par les héritiers Grünbaum font partie de ce lot, qui a été dispersé, et ont ensuite été acquises par le galeriste londonien Richard Nagy en 2013. 

Mais contrairement à l’avis des marchands, les héritiers affirment que la collection de leur aïeul a été inventoriée par les nazis en 1938 et qu’il n’avait rien cédé de son vivant. Ils rejettent les déclarations de Kornfeld et considèrent ses documents comme des faux, étant donné que le nom de Mathilde Lukacs-Herzl n’apparaît pas sur le catalogue des œuvres en 1956. 

Les héritiers ont obtenu gain de cause en avril dernier, alors qu’une demande similaire pour récupérer une autre aquarelle détenue par un homme d’affaires de Boston avait été déboutée en 2005. Le Holocaust Expropriated Art Recovery Act (HEAR act), voté par le congrès américain en décembre 2016, semble désormais peser dans ce type d’affaires. 

Richard Nagy ayant fait appel du jugement, une nouvelle décision de justice a été prononcée et suspend jusqu’au 1er octobre l’intention des héritiers qui souhaitent mettre les deux aquarelles en vente chez Christie’s. 

De son côté, la German Lost Art Foundation, créée par le gouvernement fédéral et plusieurs lands allemands, déclare que ce n’est pas la première fois qu’un retrait d’œuvres sur leur base de données est décidé. Un représentant précise au New York Times que « de nouveaux faits historiques portés à leur connaissance pourraient changer leur évaluation » et dans ce cas « les œuvres pourraient de nouveau être publiées » sur la liste.  

Les démêlés de ce type concernant le sort des œuvres potentiellement spoliées par les nazis sont nombreux, et les décisions peuvent prendre plusieurs années, au gré des recours effectués par les diverses parties. Le cas de la collection Gurlitt en donne un exemple éloquent, avec les nombreux rebondissements survenus depuis sa découverte en 2012 et jusqu’à l’accord conclu à propos d’un tableau de Cézanne en juillet dernier. 

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