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Galeries et institutions : partenariat économique

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 27 avril 2020 - 718 mots

Les galeries participent de plus en plus à l’organisation d’exposition de leurs artistes dans les musées. Une collaboration qui peut être embarrassante.

Alicja Kwade, 2017 © Luise Müller-Hofstege
Alicja Kwade, 2017
© Photo Luise Müller-Hofstege

Monde. Cette année Alicja Kwade, 66e au classement Artindex Monde, progresse de 27 places. Depuis sa participation à la Biennale de Venise en 2017, l’artiste d’origine polonaise, installée à Berlin, a exposé dans de nombreux pays et, en l’espace de trois ans à peine, sa notoriété a explosé. Ses galeries ont largement œuvré pour cela. En 2018, la 303 Gallery lui consacrait un solo show sur son stand à la Fiac. L’année suivante, sa galerie parisienne, Kamel Mennour, en doublant le budget de production de « The Resting Thought » au Centre de création contemporaine Olivier Debré, à Tours, contribuait à la tenue de sa première exposition dans une institution française. Le passage par un musée ou un centre d’art constitue en effet une étape importante dans le parcours d’un artiste, dont la valeur se trouve ainsi officiellement cautionnée.

« C’est notre job d’accompagner les artistes et de leur trouver des expositions dans des musées, que ce soit en France ou à l’étranger », rappelle Antoine Laurent, directeur de la galerie In Situ – Fabienne Leclerc. On doit ainsi à cette galerie la redécouverte de Lars Fredrikson (1926-1997) qui s’est traduite cette année par une rétrospective au Musée d’art moderne et d’art contemporain, à Nice. Quant à l’exposition de Patrick Tosani, « Reflets et transpercement », au Musée de l’Orangerie, elle s’est faite suite à une discussion entamée très en amont avec sa directrice, Cécile Debray. « Elle est venue au vernissage, elle a regardé nos artistes et elle a trouvé qu’il y avait un parallèle intéressant à faire entre le travail de photographie de Tosani et les œuvres de Monet, relate Antoine Laurent. Pour l’Orangerie, un musée dont les touristes japonais raffolent, c’est important de s’ouvrir à un public parisien à travers ces lectures contemporaines de sa collection. Et pour la galerie, c’est la possibilité d’offrir à l’artiste une représentation personnelle dans une institution prestigieuse. Nous nous sommes occupés du transport des œuvres, ce que nous étions très contents de faire. »

Ces négociations se décident parfois au dernier moment. Dans le cadre d’un solo show à la Tate St Ives (Cornouailles), la galerie In Situ – Fabienne Leclerc a ainsi dû prendre à sa charge le transport de certaines pièces appartenant à des collectionneurs, acheminées depuis Paris. « Ce n’était pas prévu au départ, mais il fallait pallier le manque de budget et éviter de présenter une exposition au rabais », précise Antoine Laurent. Pour l’exposition de Kevin Rouillard au Palais de Tokyo, dans le cadre du prix SAM Arts Projects dont il est le lauréat 2018, la galerie Thomas Bernard – Cortex Athletico a pour sa part « mobilisé des forces contributrices : financières, techniques, critiques, grâce auxquelles l’exposition a pu se faire dans les meilleures conditions », explique Thomas Bernard. Sa galerie poursuit par ailleurs un travail de fond autour de l’œuvre d’Anita Molinero, à laquelle le Musée d’art moderne de la Ville de Paris devrait consacrer une exposition en 2021.

Des amis qui vous veulent du bien

Le risque est évidemment que les enseignes les plus puissantes imposent aux structures publiques une programmation qu’elles ont les moyens de financer. Comment, en effet, refuser un soutien logistique ou une aide à la production ? Les exemples abondent, des expositions d’art contemporain à Versailles au cycle « Monumenta » du Grand Palais, ou aux biennales, qui servent parfois de vitrine aux artistes promus par des marchands.

C’est en tout cas une compétition dans laquelle les galeries sont plus que jamais engagées. « J’ai décidé de réduire cette année de moitié ma participation aux foires, et de consacrer l’enveloppe économisée à des actions pour aller plus loin dans nos partenariats institutionnels, détaille Jérôme Poggi. Il y a un an, j’ai créé dans mon budget un fonds dévolu aux publications et institutions intitulé Fair Play. Nous avons ainsi aidé l’Espace Ricard à produire l’œuvre de Kapwani Kiwanga en septembre dernier, et soutenu le catalogue de son exposition au Centre d’art contemporain suisse Pasquart, pour laquelle nous avons produit plusieurs œuvres. » Ces collaborations impliquent des choix : « La galerie va soutenir de façon importante le projet de Kapwani Kiwanga pour le prix Marcel-Duchamp. C’est un budget conséquent que je vais financer en ne participant pas à la Fiac cette année. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°544 du 24 avril 2020, avec le titre suivant : Galeries et institutions : partenariat économique

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