Donation - Musée

Une nouvelle ère pour l’Institut du monde arabe

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 24 octobre 2018 - 950 mots

PARIS

La donation Lemand de 1 300 œuvres d’art moderne et contemporain arabe conduit le musée à donner plus d’importance à cette partie de ses collections permanentes.

Mohammad el Rawas, Urban Debris, 2004
Mohammad el Rawas, Urban Debris, 2004, huile, acrylique et assemblage sur contreplaqué, 60 x 50 x 3 cm.
Courtesy galerie Claude Lemand, Paris

Comme le souligne Claude Mollard, conseiller auprès de Jack Lang, qui préside l’Institut du monde arabe (IMA), « il est parfois utile que les opérateurs d’établissement culturel aient une sensibilité artistique ». C’est lors de l’exposition de ses photographies à la foire Art Paris en 2017 que Claude Mollard a noué une amitié solide avec le galeriste Claude Lemand, spécialiste de l’art arabe moderne. Lorsque celui-ci a évoqué son souhait de faire don de sa collection à une institution parisienne, Claude Mollard a saisi l’occasion : « L’IMA ne pouvait pas passer à côté d’une telle collection d’art arabe, c’est dans son identité. » La donation a été rapidement acceptée par la direction de l’IMA et votée à l’unanimité en juin 2018. Claude Lemand souhaitait que sa collection reste à Paris, « la ville que j’ai adoptée et qui m’a adopté, comme elle a adopté aussi des artistes arabes ».
 

Claude et France Lemand
Claude et France Lemand
© photo Dahmane

C’est le musée de l’IMA qui accueillera cette donation dont une première partie est présentée à partir du 5 novembre avant la refonte du musée. La donation représente 40 % des œuvres des collections actuelles de l’IMA et 66 % des œuvres d’art moderne et contemporain : la nature des collections du musée s’en trouve donc totalement modifiée. Au total, la donation compte 1 300 œuvres, datées des années 1950 à aujourd’hui réalisées par 94 artistes, pour la plupart d’entre eux arabes – des pièces collectionnées par Claude et France Lemand depuis trente ans. Elle s’articule autour de trois grands peintres et pour chacun plusieurs dizaines d’œuvres : l’Algérien Abdallah Benanteur (1931-2017), le Libanais Shafic Abboud (1926-2004) et l’Irakien Dia al-Azzawi (né en 1939). L’IMA ne possède que quelques œuvres de ces artistes, mal connus en France. Claude Lemand a cherché « un équilibre entre le Maghreb et le Machreq [l’Orient arabe] » dans cette collection qui recense des artistes de tous les pays arabes. Plusieurs artistes français y figurent également, tels Vladimir Velickovic et Antonio Seguí. Deux sous-ensembles figurent dans la donation : « L’oiseau qui n’existe pas », soit 132 œuvres et livres d’artistes illustrant le célèbre poème de Claude Aveline, grand-père de France Lemand, et 154 tondos. Contrairement aux collectionneurs anglo-saxons, Claude Lemand n’a pas acquis d’œuvres d’artistes iraniens ou turcs, car il voit « une unité culturelle dans le monde arabe », lequel exclut de fait ces artistes. Pour lui, cette donation doit servir de « trait d’union entre l’Orient et l’Occident pour le rayonnement de l’art et le dialogue ».

Un nouveau souffle pour le musée

Afin de faciliter l’intégration de la donation au musée de l’IMA, un fonds de dotation a été créé dont le conseil d’administration est présidé par les donateurs et des représentants de l’IMA. Comme l’observe Claude Mollard, « le musée était le mal-aimé des quatre pôles d’activité de l’IMA ; désormais il bénéficie d’un nouveau souffle ». En effet, le fonds devrait permettre d’enrichir les collections d’art du musée, par des acquisitions et des dons, et créer une dynamique de recherche sur l’art arabe moderne. Grâce à des publications, des cours d’histoire de l’art et des colloques, le musée voudrait acquérir une légéitimité internationale pour l’art arabe et ses liens avec la France, ce qui confère un rôle inédit à ce musée mal référencé dont le budget d’acquisition avait fortement diminué.

Après une première présentation partielle de la donation au sein du musée, celui-ci sera entièrement repensé à partir de 2019. Le musée souffre de locaux « inadaptés », selon Claude Mollard et Éric Delpont, son directeur. À sa création, le parcours permanent commençait avec l’émergence de l’islam, « une erreur » selon ce dernier, car cela entraînait une confusion entre monde arabe et islam.

Rouvert en 2012 après un remaniement du parcours, le musée actuel s’étend sur quatre niveaux du bâtiment côté Seine, et présente différents aspects des cultures arabes selon des axes thématiques. D’une surface de 2 400 mètres carrés, il alterne des salles en mezzanine à plafond bas et de grandes salles, de près de 6 m de hauteur. Le projet d’aménagement envisage de créer des passerelles dans les grandes salles et de réserver à chaque étage des espaces pour les expositions temporaires. Le futur parcours comprendrait quatre à cinq sections en accordant une large place à l’art moderne pour mettre en valeur la donation, notamment grâce à la galerie du cinquième étage destinée aux livres d’artistes et aux arts graphiques. Le musée pourrait changer de nom afin de refléter sa nouvelle vocation, et un appel sera lancé auprès des mécènes pour le financement des travaux. Le tout sous l’œil attentif de Claude et France Lemand, associés à toutes les étapes de la transformation.

La donation Lemand oblige donc l’IMA à se renouveler et à se positionner comme lieu de recherche sur l’art arabe, une révolution pour l’établissement culturel créé en 1987.

 

En 2019, l’IMA s’agrandit  

Chantier. Parallélement au réaménagement du musée, l’Institut du monde arabe va construire en 2019 un nouveau bâtiment sur un parvis jusqu’alors destiné à des structures temporaires. « L’IMA a doublé le nombre de ses visiteurs et les bâtiments ne sont plus du tout adaptés (notamment au rez-de-chaussée) », indique Claude Mollard. Le nouveau bâtiment occupera toute la longueur du parvis côté Jussieu et abritera l’accueil, les contrôles de sécurité, une cafétéria et une terrasse. Dans la foulée, les deux parkings situés sous le parvis seront convertis en salles de réunion, pour accueillir les cours de langue arabe. Ces transformations vont libérer de la surface dans le bâtiment principal, et permettre « d’agrandir les salles consacrées aux ateliers éducatifs ». Le coût total des travaux n’a pas été communiqué, mais les mécènes habituels seront sollicités.

 

Olympe Lemut

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°509 du 19 octobre 2018, avec le titre suivant : Une nouvelle ère pour l’Institut du monde arabe

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