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INSTITUT CULTUREL

L’Institut du monde arabe reprend des couleurs

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 16 avril 2020 - 750 mots

PARIS

En sept années passées à la présidence de l’Institut du monde arabe, Jack Lang a su redynamiser l’institution et stabiliser sa situation financière, sans avoir toutefois encore résolu les problèmes touchant au manque d’espace.

Paris. Depuis 2017, l’Institut du monde arabe (IMA) accueille chaque année entre 750 000 et 800 000 visiteurs, et plusieurs de ses expositions récentes ont dépassé les 100 000 visiteurs : le public est donc au rendez-vous.

Après quelques hésitations, c’est durant le deuxième mandat de Jack Lang (2017-2020) que l’IMA a mis en place une stratégie, fondée sur des expositions grand public, une diversification de ses activités et une présence culturelle tous azimuts, y compris au niveau national : une antenne de l’IMA a en effet ouvert à Tourcoing (Nord) en 2016 et rencontre le succès. Sous l’impulsion de son président, l’IMA a aussi créé ou recréé des festivals culturels (danse, cinéma, musique), afin, souligne Jack Lang, de viser « la jeunesse, à travers les musiques actuelles du monde arabe par exemple ».

Rajeunir le public de l’IMA et l’élargir, c’est le mot d’ordre de ces deux mandats : les expositions sur le football dans le monde arabe (printemps 2019) ou celle sur les chrétiens d’Orient (automne 2017) ont permis d’attirer un public très varié, et d’engranger des recettes importantes. « Chrétiens d’Orient. Deux mille ans d’histoire » a ainsi accueilli plus de 150 000 visiteurs en trois mois.

Les chiffres de la fréquentation restent cependant fragiles sur la durée, alors que les événements culturels (conférences, débats) sont gratuits. Au cours du premier mandat de Jack Lang, en 2014, l’IMA avait connu un grand succès avec l’exposition « Il était une fois l’Orient-Express » (260 000 visiteurs), mais les années suivantes avaient vu la fréquentation baisser, pour passer de 1 million en 2014 à 700 000 visiteurs en 2016. L’IMA avait alors misé sur des expositions aux thèmes fédérateurs, et sollicité de grands sponsors français (Total, Vivendi, Orange). Selon Jack Lang, les recettes du mécénat ont ainsi « augmenté de 200 % » sous ses deux mandats (jusqu’à atteindre 1,8 million d’euros par an en moyenne), et les accords de partenariats se sont multipliés. Le président de l’IMA a également mis en place des “Rencontres économiques”, pour faire venir les chefs d’entreprise du bassin méditerranéen et s’ouvrir à l’international.

Si l’IMA déploie une telle énergie envers les acteurs économiques, c’est parce qu’il souffre d’un problème de financement. L’IMA est une fondation d’utilité publique dont les ressources principales proviennent, selon ses statuts, du ministère des Affaires étrangères et des pays de la Ligue arabe. Or les pays arabes tardaient à verser leur participation financière, ce qui faussait l’évaluation des recettes dans le budget. La subvention du ministère des Affaires étrangères, qui s’élève à 13 millions d’euros, suffit à peine à couvrir les frais de fonctionnement, lesquels absorbent plus de la moitié du budget global (23 millions d’euros). L’IMA sollicite désormais les pays arabes seulement pour des projets précis, comme « la restauration des moucharabiehs de la façade » ou « les travaux de rénovation de la médiathèque », indique Jack Lang. Il en est de même pour les mécènes, et le président confirme « qu’aucun projet n’est engagé tant que les financements ne sont pas réunis ».

Permettre le « discours critique »

Ce fonctionnement à moyen voire à court terme empêche surtout l’IMA de faire les travaux d’agrandissement prévus depuis un an, notamment dans son musée. Si le musée a accueilli 90 000 personnes en 2019 après une rénovation partielle, d’après son directeur, Éric DeIpont, il souffre toujours du manque d’espaces adaptés à des expositions d’art. La donation Claude & France Lemand (1 500 œuvres modernes et contemporaines), qui devait être présentée régulièrement en son sein, a fait l’objet de simples accrochages, et, signale Jack Lang, « les travaux du musée sont suspendus pour l’instant ».

Sous les mandats de ce dernier, l’IMA a donc repris du souffle en dépit des problèmes structurels, mais il est régulièrement critiqué dans les milieux culturels pour les relations qu’il entretient avec des régimes autoritaires. Bien que son président assure avoir renforcé l’« indépendance de l’IMA », le mode de financement reste problématique. Plusieurs artistes arabes, dont Mounir Fatmi et Rachid Koraïchi, regrettent ainsi qu’à l’IMA « tout [soit] politique », en raison du statut même de l’Institut. Pour les commissaires d’exposition, c’est aussi le problème : le duo allemand Art Reoriented (Sam Bardaouil et Till Fellrath) voit dans l’IMA « une mission impossible, dès sa création » et souhaiterait que l’Institut « permette plus de discours critique, y compris d’autocritique ». Concilier discours critique et diplomatie culturelle, enjeu du prochain mandat de Jack Lang ?

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°543 du 10 avril 2020, avec le titre suivant : L’IMA reprend des couleurs malgré des problèmes chroniques de financement

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