Art contemporain

ART ALGÉRIEN DU XXE SIÈCLE

À l’IMA, l’art algérien reste à l’étroit

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 6 avril 2022 - 464 mots

PARIS

Les espaces exigus dévolus aux artistes algériens de la donation Lemand ne valorisent pas une exposition pourtant intéressante.

Paris. Le collectionneur Claude Lemand revendique pour cette exposition une dimension politique et mémorielle, car elle s’inscrit dans une série d’expositions sur l’Algérie à l’Institut du monde arabe (IMA) jusqu’à fin 2022 : le 60e anniversaire de l’indépendance algérienne en fournit le sous-texte. Si la politique affleure souvent dans l’exposition, le discours esthétique reste présent. Mais l’ensemble souffre de l’exiguïté de cette salle en sous-sol qui empêche un parcours structuré, d’autant que, sur les six cents œuvres algériennes de la donation, seulement quarante sont exposées. D’où l’impression que l’exposition n’est qu’un échantillon réduit de l’art algérien.

Des expérimentations picturales du groupe Aouchem (« tatouages » en arabe) dans les années 1960, dans la foulée de l’indépendance aux réinterprétations contemporaines de l’orientalisme, le visiteur suit l’histoire de l’Algérie au pas de course, avec des allers-retours historiques.

Quelques belles pièces retiennent l’attention, à commencer par les toiles nuancées d’Abdallah Benanteur, artiste vedette de la donation Lemand. Plusieurs livres de l’artiste parsèment aussi l’exposition, dont le volume composé sur un poème de Jean Sénac, et celui consacré à la résistante algérienne Djamila Bouhired : la politique n’est jamais loin. Toujours parmi les artistes « historiques », le visiteur découvre deux grandes toiles de Mahjoub Ben Bella, où s’accumulent des signes de calligraphie arabe dans « une géométrie ordonnée » selon Claude Lemand. Enfin, l’exposition présente plusieurs œuvres de Mohammed Khadda [voir ill.], tenant d’une figuration inspirée par la calligraphie et par l’abstraction lyrique de Nicolas de Staël, et militant de l’indépendance. L’inspiration locale est également soulignée, dans l’œuvre de Choukri Mesli où se croisent nus féminins à la Matisse et symboles du Tassili. Ce plateau rocheux constitua un refuge pour le groupe artistique Aouchem : « Ces artistes affirmaient que le patrimoine algérien remontait avant les Ottomans et les Romains. Ils s’inspiraient des gravures rupestres du Tassili et des motifs kabyles », explique Claude Lemand.

L’esthétique orientaliste

La question de l’héritage culturel reste en effet centrale pour les artistes algériens, comme le soulignent les cartels. C’est le cas de Rachid Koraïchi qui explore inlassablement les possibilités plastiques de la calligraphie arabo-musulmane à l’encre noire, ici sous forme de carnet. Plus politique, la réinterprétation des grands tableaux de la peinture occidentale par Zoulikha Bouabdellah, que ce soit Le Sommeil de Gustave Courbet ou Olympia d’Édouard Manet et Les Trois Grâces de Raphaël. En peinture et en vidéo, l’artiste pose sur ces œuvres le regard qu’avaient les peintres orientalistes sur les femmes arabes. De même Halida Boughriet utilise-t-elle les codes esthétiques orientalistes pour faire le portrait des veuves de guerre algériennes, grandes oubliées du récit national. Là aussi, une salle plus spacieuse aurait permis de rendre plus visibles les liens entre les œuvres, les artistes et l’histoire algérienne.

 

Algérie mon amour,
jusqu’au 31 juillet, Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés Saint-Bernard, 75005 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°586 du 1 avril 2022, avec le titre suivant : À l’IMA, l’art algérien reste à l’étroit

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