Monument

Retour historique de l’art contemporain au Panthéon

Par Isabelle Manca · lejournaldesarts.fr

Le 11 novembre 2020 - 654 mots

PARIS

Un siècle après Bouchard, une installation de Kiefer et la musique de Dusapin entrent dans le monument parisien.

Anselm Kiefer, Qu'est-ce que nous sommes..., 2020, 298 x 400 x 230 cm, Panthéon. © Didier Plowy/CMN
Anselm Kiefer, Qu'est-ce que nous sommes..., 2020, 298 x 400 x 230 cm, Panthéon.
© Didier Plowy / CMN

Mercredi 11 novembre Maurice Genevoix entre au Panthéon. Le romancier-combattant n’entre pas seul dans la fameuse crypte. Symboliquement le président de la République a souhaité honorer « ceux de 14 » c’est-à-dire tous les soldats mais aussi les civils qui ont permis au pays de tenir durant cette période dramatique. 

Une cérémonie exceptionnelle qui s’accompagne d’un événement qui l’est tout autant, l’arrivée de nouvelles œuvres sous la coupole. Une commande extraordinaire a en effet été confiée à deux artistes majeurs dont l’œuvre est marquée par la guerre. 

« L’installation des œuvres d’Anselm Kiefer et Pascal Dusapin au Panthéon marque sans nul doute une date importante dans l’histoire du monument. Aucune peinture, aucune sculpture n’y a été installée de manière pérenne depuis le dévoilement du groupe sculpté de Bouchard en 1924, c’est-à-dire il y a un siècle » confirme Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux. 

« Quant à la commande adressée à Pascal Dusapin, c’est une première absolue, grâce à laquelle la musique entre au Panthéon par la grande porte. L’œuvre a été conçue en fonction des caractéristiques acoustiques du monument, et ne sera entendue nulle part ailleurs ; elle fait corps avec le bâtiment », ajoute le président.

Le Panthéon vu depuis la rue Soufflot. © Jean-Christophe Ballot/CMN
Le Panthéon vu depuis la rue Soufflot.
© Jean-Christophe Ballot / CMN

Des œuvres poignantes

« J’ai pensé tout de suite à transformer le lieu en un poumon vocal pour atteindre une expression oratoire, intérieure, une diffusion du son très spatialisé qui circule par vagues », explique Pascal Dusapin dans un entretien avec Jean de Loisy. Soixante-dix hauts parleurs ont ainsi été dissimulés dans différentes parties du monument afin de jouer « In Nomine Lucis » à différents moments de la journée. Une création semblable à un murmure qui se compose de textes en latin, issus de l’Ecclésiaste et de locutions funéraires, chantés par le chœur Accentus, complétée d’une liste de 15 000 noms de Morts pour la France et civils lus par les comédiens Florence Darel et Xavier Gallais. 

« Cette œuvre offre une expérience émotionnelle et sensorielle, confie David Madec l’administrateur du site. Cela redonne en quelque sorte une âme à ce monument souvent perçu comme vide froid et austère. »

Beaucoup moins discrète est en revanche l’œuvre d’Anselm Kiefer composée de six sculptures et de deux immenses tableaux, ces derniers étant installés temporairement. Les six installations offertes par l’artiste ont été placées par paire dans le chœur et les bras du transept. « J’ai choisi de faire des vitrines, je les ai dessinées, elles rappellent peut-être des reliquaires mais ne contiennent rien de précieux » explique-t-il à Jean de Loisy. « Elles sont composées avec des objets qui en se télescopant créent par des connexions fragiles ou par leurs formes des significations, les visiteurs les font évoluer selon leurs propres réflexions. » 

Ces vitrines forcément monumentales (298 x 400 cm et 298 x 570 cm) pour être à l’échelle du vaste mausolée renferment les matériaux signatures de Kiefer : peinture, ciment, barbelés, mais aussi cuivre et plomb. Inspirées des textes de Genevoix, dont des passages sont inscrits à la base des vitrines, ces installations convoquent des images fortes. Ici un champ retourné gorgé de sang surmonté de vêtements souillés de terre, là des livres en plomb renfermant des matricules de soldats et le nom de femmes afin de souligner leur rôle durant la Grande Guerre. Plus loin, la voie sacrée se détache sur un paysage désolé où poussent l’espoir sous la forme d’épis de blés. Composition à laquelle répond un champ de coquelicots surmonté d’un inquiétant ciel en plomb fondu. 

Anselm Kiefer, Partir sans comprendre, 2020, 298 x 570 x 230 cm, Panthéon. © Didier Plowy/CMN
Anselm Kiefer, Partir sans comprendre, 2020, 298 x 570 x 230 cm, Panthéon.
© Didier Plowy / CMN

Enfin dans le chœur, une vitrine résume à elle seule l’horreur et la folie de la guerre avec ses ruines fumantes. Un no man’s land qui fait face à un improbable bataillon, constitué de vélos, pneus et fusils bricolés, qui évoquent le rôle des forces qui participaient avec des moyens dérisoires aux missions de liaison et de ravitaillement. Des pièces fortes, qui ne laisseront personne insensible.

Thématiques

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque