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À Londres, la National Gallery se remodèle

Le musée londonien vient de rouvrir la Sainsbury Wing, son entrée principale, entièrement rénovée. L’occasion de revoir en profondeur la muséographie.

La Sainsbury Wing rénovée, vue depuis Trafalgar Square. © Edmund Sumner / The National Gallery
La Sainsbury Wing rénovée, vue depuis Trafalgar Square.
© Edmund Sumner / The National Gallery

Londres. Après plus de deux ans de fermeture, la Sainsbury Wing de la National Gallery de Londres a rouvert le 10 mai. Situé à gauche de Trafalgar Square, ce bâtiment redevient l’entrée principale de l’institution. Cette transformation a fait partie des projets liés au bicentenaire du musée, qui a été célébré depuis mai 2024 sur toute une année. Mais la réflexion a été lancée il y a six ans. « L’accueil n’était pas à la hauteur de l’excellence de nos collections, explique Gabriele Finaldi, le directeur de la National Gallery. Nous avons souhaité créer un espace plus large, plus beau et qui serve d’introduction à nos œuvres. » Pour ce faire, un écran de 12 m de large, en très haute définition, a été accroché au fond de cette entrée pour diffuser des gros plans sur les tableaux du musée, une des plus belles collections de peinture européenne du XIIIe au début du XXe siècle. Il révèle, entre autres, de sublimes détails sur les motifs du tapis des Époux Arnolfini (1434), de Jan Van Eyck.

Des éclairages modifiés

Le reste du projet, conçu par l’agence américaine Selldorf Architects, a consisté à transformer le premier étage du bâtiment en mezzanine et à supprimer la boutique qui occupait une grande partie de l’espace d’accueil. Le verre sombre qui longeait l’escalier menant aux galeries, au premier étage, a été remplacé par un vitrage clair, laissant entrer la lumière naturelle et dévoilant des vues sur l’autre aile de la National Gallery, comme sur Trafalgar Square. Ce nouvel espace comporte aussi un café, ainsi qu’un restaurant et une librairie-boutique au niveau de la mezzanine.

La nouvelle configuration « CC Land, the Wonder of Arts », ici dans la salle 34 intitulée « A Distinct Style : British Painting 1740-1800 ». © The National Gallery
La nouvelle configuration « CC Land, the Wonder of Arts », ici dans la salle 34 intitulée « A Distinct Style: British Painting 1740-1800 ».
© National Gallery

À ce projet s’est greffée l’idée de repenser la présentation de l’ensemble du musée. Toutes les œuvres ont été décrochées, certaines des salles ont été rénovées et l’éclairage a été modifié. Si le déroulé reste chronologique, Christine Riding, directrice des collections et de la recherche au sein du musée, a voulu souligner les liens entre les tableaux et offrir au public une véritable leçon d’histoire de l’art.« Nous avons essayé de faire ressortir quelle était la fonction de ces œuvres d’art à leur création [ndlr, les raisons pour lesquelles elles ont été commandées et la façon dont on voulait qu’elles soient vues], les transitions entre les différents styles ainsi que les moments où les artistes ont commencé à envisager d’autres façons de faire », explique-t-elle.

Plus de 40 % de la collection exposés

Sans agrandir l’espace d’accrochage, cette nouvelle configuration, baptisée « CC Land, the Wonder of Art » (la merveille de l’art), permet d’optimiser la présentation de la collection. Plus de 40 % des 2 600 œuvres de la National Gallery sont désormais présentés au public, contre environ 30 % auparavant. Dans la salle réservée à la collection britannique, cet effort s’est traduit par un accrochage des tableaux les uns au-dessus des autres. « La visibilité n’est peut-être pas idéale, mais c’est toujours mieux que de ne pas les présenter au public », estime la directrice des collections. En revanche, certaines œuvres sont désormais mises en valeur sur un pan de mur qui leur est entièrement attribué, à l’exemple des Ambassadeurs (1533) de Holbein ou des Tournesols (1888) de Van Gogh. Quelques salles ont aussi été exclusivement consacrées à certains maîtres comme Rembrandt, Titien ou Monet.

L’ensemble des projets liés au bicentenaire, comprenant la transformation de la Sainsbury Wing et la rénovation des salles d’exposition permanente, a coûté 95 millions de livres sterling (113 M€), dont 10 millions de livres (12 M€) ont été consacrés au programme des festivités. Aucune subvention publique n’a été versée, mais l’accès aux collections permanentes reste gratuit. Néanmoins, la transformation du bâtiment n’est pas terminée. Les responsables du musée ont décidé de laisser le public profiter du nouvel accrochage pour les douze prochains mois, avant d’entamer de nouveaux travaux dès 2026. « Nous allons réaménager l’actuelle bibliothèque pour en faire un nouveau centre de recherche, il y aura un nouvel atelier d’artiste et une nouvelle salle de séminaire », indique Paul Grey, le directeur général des opérations. Un tunnel permettra aussi de rejoindre les deux bâtiments au niveau du sous-sol.

Un sponsor chinois qui ne plaît pas à tout le monde  


Polémique. Le projet de reconfiguration des collections de la National Gallery a été baptisé « CC Land : The Wonder of Art », du nom de son principal sponsor, « CC Land », un groupe d’investissement chinois déjà bien implanté dans l’immobilier britannique. Cette influence étrangère sur la collection nationale a été dénoncée, entre autres, par Richard Morrison, chef de la rubrique culture au journal The Times. « Nous aurions été ravis d’avoir un sponsor britannique, mais nous collaborons avec ceux qui choisissent de s’engager à nos côtés », a rétorqué Gabriele Finaldi. Le directeur de la National Gallery souligne toutefois que de nombreux sponsors britanniques ont participé au reste des projets liés au bicentenaire. Néanmoins, le musée refuse de révéler le montant de ce parrainage principal, indiquant qu’il s’agit d’« une information commerciale sensible ». Evan Fowler, le responsable des affaires publiques à l’Alliance interparlementaire sur la Chine, relève l’intérêt de ce type de parrainage, qui permet aux musées de montrer davantage de chefs-d’œuvre. « Il est toutefois important de reconnaître que Pékin considère “l’échange culturel” comme un outil politique, et perçoit le secteur artistique et culturel comme un vecteur d’influence », indique-t-il. Selon lui, les institutions doivent rester vigilantes face à ce genre de pratique.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°657 du 6 juin 2025, avec le titre suivant : À Londres, la National Gallery se remodèle

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